Cela faisait à peine quelques jours que j'étais arrivé ici, à Toronto. Bientôt 4 jours et 4 nuits passés ici. J'avais peut être trouvé un petit appartement dans le centre, et ça c'était le bon point. Je refusais toujours tout appel venant de Los Angeles, j'avais eu ma mère adoptive au téléphone une fois, histoire de la rassurer. J'avais besoin de prendre du recul... Je reprenais le boulot demain, les longues journées en solitaire allaient bientôt prendre fin, à mon plus grand bonheur. C'était ennuyeux à mourir... J'avais l'habitude de voir du monde, de rentrer chez moi et d'y voir cette femme que j'avais pris pour épouse. Et là, j'étais affreusement seul. J'avais besoin de me récréer de nouveaux repères, une nouvelle vie. Bon... Plutôt que de rester enfermé dans ma petite chambre d'hôtel, enfer qui devrait aussi bientôt prendre fin par ailleurs, je décidais d'aller prendre l'air. Je déambulais quelques instants dans le parc, en profitant pour faire quelques repérages. C'était vraiment un très beau parc, il y en avait aussi sur Los Angeles. Mais ce n'était pas la même chose... Je marchais sans trop me presser, autant profiter de cette dernière journée de tranquillité non? C'était un coin assez calme, nettement plus que le centre de la ville. Peut être que je pourrais envisager de trouver un appartement par ici? Finalement, ce n'était pas une si bonne idée. C'était peut être un peu trop calme pour vivre ici. J'avais toujours eu une préférence pour le centre.
Après toutes ces réflexions, rapidement, je décidais de me poser à la terrasse d'un petit café. Au café du Lagon, c'est ce que l'on pouvait y lire sur l'enseigne. Je fronçais les sourcils, pourquoi pas après tout? C'est un nom qui faisait rêver. J'interpellais le serveur, levant mon bras pour lui signaler ma présence. « Bonjour. Une limonade, s'il vous plait! » J'avais besoin d'un rafraîchissant, plus qu'autre chose, et la limonade était une bonne idée, non? J'observais silencieusement les alentours, notamment les gens qui passaient non loin de moi. Et là... J'eus une drôle d'impression. Comme ci, je revenais dans le passé, vraiment un passé que je pensais avoir oublié. Et pourtant, ce passé me revenait en pleine face. Cette fille me faisait penser à un fantôme de mon passé... Sophia. A tel point, que j'en eus le souffle coupé. Mon regard croisait le sien.

Nos regards se croisèrent, et là je n'eus plus de doute. C'était bien Sophia... Il suffisait de voir son air interrogateur, tout comme moi, elle semblait voir un fantôme. Franchement, je n'aurais jamais pensé la revoir... Nous étions jeune quand elle a été obligé de déménager, sans que j'en connaisse vraiment la destination. Nous avions coupé les ponts, presque du jour au lendemain. Cela m'avait d'ailleurs permis de voir à quel point je tenais à elle... Ca avait été tellement plus difficile à l'époque. Je m'en souvenais assez bien, je bougeais sur ma chaise, la voyant s'approcher de moi. Allait-elle oser m'aborder? Je connus assez rapidement la réponse. Et elle m'avait aussi remise. Le son de sa voix... Cela me faisait remonter tellement de souvenirs. On allait très souvent vadrouiller avec son frère, puis au fil du temps, Sophia s'était naturellement inclus dans le groupe. Plus le temps passait, plus nous étions ensemble. Mais je n'avais jamais vu les choses autrement, Sophia était comme une pote. Ne dit-on pas qu'il faut perdre les choses pour se rendre compte de leur importance? Ca avait été mon cas... Nous étions encore qu'adolescents, difficile d'entreprendre quoique ce soit. Puis le temps passe, et nous fait oublier. Jusqu'à ce moment, où cette même personne apparaisse devant vous. J'imaginais facilement mon visage, légèrement sous le choc.  « Sophia? Je n'en reviens pas de te voir ici. » Je me levais, un peu mal à l'aise. Je passais ma main derrière ma nuque, hésitant. Je devais faire quoi? La prendre dans mes bras? Ou ne rien faire? C'était toujours la question: comment réagir dans ces cas là? Cas qui ne se présentait pas non plus souvent. Je montrais de la main la chaise qui se trouvait en face de la mienne. « Tu veux te joindre à moi, peut être? » Je me rasseyais, faisant tourner mon verre entre mes mains.  « Je ne savais pas que tu vivais ici... C'est à Toronto que tu as suivi tes parents? C'est une sacrée coïncidence. Je veux dire... Se retrouver ici, après tant d'années. »

Si j'avais su qu'elle vivait ici depuis tout ce temps, je n'aurais pas attendu. Je n'arrivais pas à m'en remettre, et lui proposais rapidement de se joindre à moi. On n'avait pas mal de choses à se dire, à mon avis. Sophia acceptait alors de rester avec moi, nous nous rasseyons alors. Je jouais avec mon verre, le faisant tourner en mes doigts. Pour évaluer le stress d'une personne, il suffisait souvent d'observer ses mains. On avait souvent tendance à jouer avec tout ce qu'il se trouvait à porter de main, un stylo, ici un verre, mais aussi avec nos propres doigts. Actuellement, j'étais anxieux. Je ne pouvais pas le cacher... Et pourtant j'étais aussi très content de le retrouver. Je me décidais à lui poser une petite question, même si c'était plutôt un constat. C'était bien ici qu'elle vivait depuis tout ce temps... Incroyable! Je l'écoutais, buvant littéralement ses paroles. Je l'observais, elle avait tant changé... C'était devenue une femme. Elle portait ses magnifiques cheveux blonds détachés en dessous de son épaule, son regard était inchangé. Il pétillait, comme lorsque nous nous voyions par le passé.  « C'est ce que ma mère m'avait raconté... Mais oui, c'est assez incroyable de se retrouver depuis autant de temps. Tu as beaucoup changé, en bien, je veux dire. » La serveuse apportait la commande de Sophia, me faisant détourner quelques secondes mon regard de la jeune femme. C'est Sophia qui lançait la suite de la conversation, en profitant pour me demander ce que j'étais devenu.  « Si tu veux tout savoir, ça fait exactement 4 jours que je suis Toronto. Et je suis content de voir un visage qui m'est familier... Ces derniers jours ont été assez long. » Je lui souris, buvant une gorgée de limonade, histoire de me donner une petite contenance. « Ce que je deviens? Pas grand chose. Ma vie n'a rien d'excitant. Je travaille dans les forces de l'ordre désormais. Et toi? Que fais-tu? » Je posais le plat de ma main sur la table, enchaînant.  « Et ton frère? Comment va t-il? Il vit aussi à Toronto? » Son frère était mon meilleur ami lorsque nous étions plus jeune, c'est par son biais que j'avais fais la connaissance de Sophia. J'avais également perdu contact avec lui...

Son honnêteté me fit sourire, notamment lorsqu'elle me sortit que j'étais toujours aussi canon. C'était sortie droit de son cœur, sans aucun doute. J'avais eu tendance à profiter de cela, un peu trop peut être? Il y a toujours un âge où justement on prend conscience que l'on plaît aux filles. Aujourd'hui, les choses étaient différentes. J'observais le moindre de ses gestes, notamment qu'elle passait sa main dans ses cheveux. Je n'ajoutais rien de particulier, ça ne servait à rien. Je me contentais de lever mon verre, murmurant un petit "merci", avant de boire une nouvelle gorgée. Plus nous discutions, plus je me sentais à l'aise, comme ci le temps n'était pas passé... Comme ci, rien n'avait jamais, même si ce n'était pas tout à fait vrai. Sophia semblait tout aussi anxieuse que moi, même si elle essayait de le cacher. La conversation était des plus banales, le temps de réapprendre la vie de l'autre, de laisser le temps faire les choses. J'écoutais Sophia, étonné d'apprendre qu'elle était ambulancière. En même temps, elle était tellement sportive, qu'elle n'aurait pas pu trouvé un boulot enfermée dans un bureau. Là au moins elle devait pas mal bouger. « Tu es devenue ambulancière? Ça doit pas mal bouger. Oui, je suis venu seul... C'est compliqué. » Je me frottais le menton, oui, actuellement ma vie était assez compliquée. Une question qui me trottait dans la tête... Avait-elle quelqu'un dans sa vie? Je baissais le regard, remarquant qu'à son annulaire gauche, elle n'avait aucune alliance, mais ça ne voulait pas forcément signifier qu'elle était seule dans la vie. Je commençais par lui parler de son frère, mon meilleur ami d'enfance, content d'apprendre qu'il vivait lui aussi à Toronto. Finalement, je ne serais pas si seul que ça.  « Oh, c'est vrai? J'irais très certainement le voir. Moi qui pensais que j'allais passer un long moment ici, seul, voilà que je te retrouve, ainsi que ton frère. » Je la regardais dans les yeux, finissant par lui demander: « As-tu quelqu'un dans ta vie? Une grande famille? »