Un vendredi comme les autres. La journée avait été plutôt longue. C’était le jour où le magasine pour la semaine suivante devait être clôturé. Tous les articles rédigés, les photos choisies ainsi que la mise en page faite. Nous avions donc une réunion de rédaction le matin dès 8 heures. Elle durait facilement deux heures : le temps de briefer tout le monde. Et une autre réunion de rédaction vers 15 heures afin de se mettre d’accord sur la version finale. J’étais rédacteur en chef mais j’aimais avoir l’avis de mes journalistes. Il comptait beaucoup aussi. C’était leur magasine aussi finalement. Sur le temps de midi, je m’arrangeais bien souvent pour voir June seule quelques instants. Je voulais son avis personnel sur la couverture à choisir. Elle avait toujours eu très bon goût. Et, bien souvent, je prenais celle qu’elle choisissait. Mais c’était notre petit secret. Il arrivait que les autres collègues soient jaloux de notre relation. Mais je n’y prêtais pas attention. Enfin soit, il était 18 heures. Autant vous dire qu’il était largement temps d’aller boire un verre avec June. Comme tous les vendredis. Je me dirigeais alors vers son bureau. Elle travaillait encore. « June, on y va ? Tu es prête ? ». J’attrapais son manteau. Et tel un gentleman, je me postais derrière elle pour qu’elle l’enfile rapidement. Nous n’avions pas beaucoup de contacts physiques elle et moi. Surtout dû à son handicap. Je m’y étais fait même s’il m’arrivait d’avoir envie de la prendre dans mes bras. Il ne nous fallut que peu de temps pour retrouver le café où nous allions tous les vendredis. Il se trouvait à quelques mètres de notre lieu de travail. June entra la première dans cet immense espace. Bizarrement, il y avait plus de monde que d’habitude. Et, comme vous pouvez vous en douter, notre place était déjà prise. Je tournais alors ma tête vers June avec un sourire se voulant rassurant sur mes lèvres. « Ca va aller ? ».

Tout le monde aime le vendredi. Dernier jour de la semaine pour beaucoup d’entre nous. Le week-end était bien souvent toujours plus reposant que le train de vie que l’on pouvait mener pendant les jours ouvrables. Le vendredi était mon jour préféré. J’adorais l’effervescence qu’il y avait au bureau. Tout le monde bougeait dans tous les sens, stressé par la sortie du nouveau magasine. Lorsque nous avions commencé à travailler dans la boîte avec June, j’avais assez vite remarqué que tout cela n’était pas au goût de ma meilleure amie. Rapidement, j’avais essayé de trouver une solution. Il lui fallait quelque chose pour alléger sa journée, pour qu’elle se sente bien. La seule chose que j’avais trouvée : lui consacrer du temps à elle et rien qu’à elle. Cela avait semblé lui convenir. Oh, ne croyez pas qu’elle me faisait part de ses ressentis et sentiments. June n’était pas comme cela même s’il lui arrivait, très rarement, de le faire. J’étais alors l’homme le plus heureux au monde. Je l’écoutais de façon attentionnée. Je veillais à ce qu’elle s’ouvre à moi sans trop de difficultés. « Si tu veux encore travailler un peu, tu peux. Je dois certainement avoir des piles de dossiers avec des photos à trier. ». Je lui souris doucement. Mes week-end n’étaient que très rarement de tout repos. J’aimais mon métier plus que tout et j’en reprenais bien souvent à la maison le soir.
Que se passait – il pour qu’il y ait autant de monde ? Etions – nous sortis plus tard qu’habituellement ? Je regardais alors ma montre. Oui, nous avions trente minutes de décalage. Il faut vraiment que je fasse attention… Pour elle. Je veillais à ne pas changer ses habitudes ou, en tout cas, le moins possible. Je la vis alors respirer le plus profondément possible comme pour se contenir. Je me tournais vers elle afin de la regarder dans les yeux. « Hey, June. Ca va aller, d’accord ? ». Ni une ni deux, je la plantais là. Je me dirigeais vers notre table. Je n’étais pas quelqu’un de peureux et j’adorais parler aux gens. D’ailleurs, on disait de moi que j’étais plutôt sociable. « Bonjour ! ». Les gens me regardaient alors bizarrement, se demandant sûrement pourquoi je venais leur parler. « En fait, nous avons l’habitude avec mon amie de s’installer ici tous les vendredis soirs. Et ça nous ferait grandement plaisir que vous vous installiez à la table juste à côté. ». Au premier abord, ils ne semblaient pas partants. Je me permis alors d’insister. « Et je vous paie un verre ? Ou le repas si vous le voulez ? ». Il faut dire qu’avec mon statut, j’étais plutôt bien payé. Personne ne pouvait le nier. Avec un tel argument, ils n’avaient pu résister optant pour le verre. Je les remerciais alors avant de me diriger vers June. « Et voilà, notre table est libre ! ». Je m’assis à ma place habituelle, attendant que June fasse de même.

Contrairement à ce que j’aurai pu penser, June décidais d’arrêter de bosser. Je savais qu’elle avait un rituel mais aussi une heure à laquelle elle arrêtait de travailler. Et je ne voulais pas la perturber. Je faisais attention à tout ce qui la concernait. N’importe quelle personne aurait pu croire que nous formions un couple. Et, pour tout vous dire, je n’y ai jamais pensé. Pourquoi ? Je n’en sais trop rien. June, je la voyais plus comme une fille à protéger. J’étais d’ailleurs ultra protecteur avec elle. N’importe qui la touchait ou lui faisait du mal, j’étais capable de me battre. Et pourtant, j’étais loin d’être un bagarreur à la base. « Oh que oui ! ». J’emportais alors ces photos à trier dans le dossier sous mon bras. Il fallait vraiment que je prenne quelques heures sur mon week-end pour cela. Mais je savais qu’en commençant, je ne saurai m’arrêter. « Tiens, si jamais tu t’ennuies ce week – end, tu peux passer au Penthouse pour que l’on trie toutes ces photos. Certaines ne donnent vraiment pas bien. Et je pense que nous ne serons pas trop de deux pour le faire. Mais ne te sens pas obligée ! ». Je lui souris alors. J’aimais passer du temps en sa compagnie. Je la comprenais et nous nous entendions bien. « Si jamais tu as déjà prévu autre chose, fais – le. Ca te fera du bien de faire autre chose que de travailler. ».
Rapidement, nous arrivions au café. J’avais réussi à convaincre les personnes se trouvant à notre table de se déplacer. J’avais alors observé June tout ce temps durant. Je ne voulais pas qu’elle reste seule trop longtemps. Tout à coup, je la vis se maintenir au mur. La pauvre, elle ne devait vraiment pas se sentir bien. Là, je me sentais totalement impuissant. Je ne pouvais quitter ces gens que j’importunais comme cela d’une seconde à l’autre parce que jamais ils ne me laisseraient leur place. Mais j’essayais d’y mettre un terme assez vite. Lorsque j’arrivais à sa hauteur. Je la pris par le bras. Tant pis pour le contact physique cette fois – ci… J’espérais juste que cela ne la gêne pas. Mais je savais qu’en cas de soucis, elle se retirerait. Nous nous dirigions alors vers notre table. « J’ai du charme et des arguments. ». En effet, j’avais demandé à deux jeunes filles de se déplacer. Ce n’était pas un couple de vieilles personnes ni un couple tout court d’ailleurs. « Il n’y a pas de soucis. Tu sais très bien que c’est minime par rapport à ce que je pourrais faire. ». Nous avions l’habitude de parler de nos semaines respectives dans un premier temps. Ensuite, nous allions de sujets en sujets sans vraiment se poser de questions. Après le verre, il nous arrivait de manger sur place si l’heure se faisait tardive. Ou nous allions au cinéma. Mais cette soirée nous était dédiée. Et elles différaient un peu d’une à l’autre. « Comment s’est passée ta semaine ? Tu es fatiguée ? ».

Le boulot… Lorsque mon ex m’avait laissée là devant l’autel, j’avais perdu un peu les pédales me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire maintenant. Je m’étais tellement investi dans notre relation. Alors, tout perdre comme cela du jour au lendemain, ça a avait été difficile. Mais j’avais pu compter sur la présence de June. Nous étions tous les deux partis en voyage de noces comme un vrai petit couple. Mais, sur place, nous n’avions rien fait de tel. Juste passer des vacances entre meilleurs amis. Sauf que les vacances étaient un peu plus classe que ce qu’aurait pu être ce type de séjour. En revenant au pays, j’avais travaillé d’arrache pied. Et c’est d’ailleurs comme cela que j’étais devenu rédacteur en chef. Depuis, j’accumulais les histoires d’un soir et continuais d’avoir ce rythme de travail. « Pas de soucis ! On se fait ça demain matin ? Vers 11 heures ? ». Je voulais lui laisser le temps de dormir. Ma copine ne serait pas à la maison. Nous ne vivions pas ensemble. Et ce n’était même pas imaginable pour moi. Elle venait alors passer une nuit de temps en temps. Sinon, nous nous voyions au boulot dans mon bureau volets fermés. Enfin soit, je ne vais pas vous faire de dessin, si ?
Nous étions là, assis l’un à côté de l’autre. June attacha ses cheveux. Je préférais largement quand ils étaient détachés. Elle était tellement plus mignonne et plus attrayante quand on pouvait voir le mouvement que faisaient ses cheveux. Je la regardais alors dans les yeux, petit sourire en coin. « Tu ne préfères pas les détacher ? Tu attireras plus de garçons comme cela. ». Je lui fis un clin d’œil tout en espérant qu’elle ne prenne pas mal ma petite intervention… Elle me parlait alors de sa semaine. Il est vrai que nous avions été un peu en retard et qu’il y avait eu quelques malades. Certains avaient donc du travailler plus dur qu’habituellement. « Je veillerai à ce que la semaine prochaine soit plus reposante pour toi. ». Le serveur arrivait alors afin de prendre notre commande. « Une bière, s’il vous plait ! ». J’attendais que June donne sa réponse à son tour avant de poursuivre. « J’ai du travailler un peu plus. Mais j’adore ça. Donc, je conclu que c’était plutôt une bonne semaine comme je les aime ! ». A contrario, je n’aimais pas beaucoup le week-end. June et moi avions chacun des choses à faire de notre côté, je la voyais donc moins pendant cette partie de la semaine…

J’étais plutôt doué en cuisine. Je n’étais pas fan des plats à emporter en tout genre. Je préférais largement cuisiner. Bon, j’avoue que cuisiner pour moi tout seul, ce n’était pas toujours facile… Ni même motivant. Mais bon, faut ce qu’il faut, non ? Il m’arrivait alors d’en faire un peu plus et de l’apporter à June. Elle aimait cuisiner, ce n’est pas ça. Mais j’adorais être aux petits soins pour elle. Elle était la seule personne sur qui j’avais à veiller. Et je le prenais à cœur ! « On peut déjeuner ensemble ! ». Il fallait donc que je me lève un peu plus tôt pour aller faire des courses. Mon frigo ne comportait plus grand chose à vrai dire. Le samedi matin était mon moment favori pour le rendre au supermarché. En semaine, je n’avais pas le temps.
June était plutôt discrète. Elle était très jolie mais pourtant aucun garçon n’allait vers elle. Pourquoi ? Je m’étais souvent posé la question. Il m’arrivait aussi de me demander si June le voulait vraiment, si elle avait envie de rencontrer un garçon ou si elle le vivait bien comme cela. Je n’avais jamais vraiment osé lui poser la question. Peut – être était – ce le moment ? « Non, je suis certain ! Tu es vraiment plus jolie avec tes cheveux détachés. ». Elle avait quelques belles boucles qu’elle devait mettre en valeur, c’est certain ! « Et pourquoi pas maintenant ? Il y a un moment idéal ? ». Je riais un petit peu, espérant que ma question passe. Je préférais largement que cela se passe devant mes yeux, que je puisse tout de même jeter un œil sur ce qu’il pourrait se tramer.
Que de rester seule chez soi ? Regrettait – elle le fait de vivre en solo ? Je ne lui avais jamais proposé de vivre en cohabitation. Pourquoi ? Parce qu’elle avait toutes ses habitudes et ses rituels. Vivre avec quelqu’un risquerait de la perturber plus qu’autre chose. C’était donc le genre de décisions qui devait venir d’elle. J’espérais juste qu’elle ait assez de courage que pour me le demander un jour. « Oui, c’est le principal ! Toute façon, je ne pouvais pas partir si ce n’était pas bouclé. ».

June était sortie quelques fois avec des garçons. J’avais toujours été heureux pour elle. J’avais veillé à toujours avoir le même comportement envers elle. Mais c’était autre chose quand même. Pas que je sois jaloux de ces petits copains mais je ne voulais pas l’envahir ni les faire fuir. Je prenais alors un peu plus mes distances qu’habituellement. Mais j’aimais la savoir en compagnie d’un bon garçon. Elle le méritait tellement ! « Oh que oui, c’est notre moment ! Pour cela que je n’ai jamais invité Julie à nous rejoindre d’ailleurs ! ». Julie, ma copine, c’est son nom. June semblait vouloir profiter de notre moment de complicité. J’avais vite compris qu’elle y tenait beaucoup et qu’elle en l’échangerait pour rien au monde. Mais ce qu’elle ne savait pas, c’est que c’était la même chose pour moi. Je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour être le plus possible à ses côtés. Les photos à trier demain étaient d’ailleurs un merveilleux exemple. Cela me permettrait de passer la journée avec elle. Notre amitié était tellement grande et inexplicable. Certaines personnes m’avaient déjà confiées que nous formerions un merveilleux couple. Je ne savais jamais quoi leur répondre dans de tels moments. Le serveur était arrivé avec nos bières et c’est comme cela que le sujet fut clos. Que dire de plus de toute façon ? Je portais aussi ma bière un peu plus haut pour la faire tinter contre la sienne. A mon tour, je bus une gorgée et posais la bouteille sur la table. « A cette fin de semaine ! ». Je lui souris alors. Si je n’avais rien de beau à lui raconter ? Si, justement… J’avais besoin de ses conseils avisés pour le coup… « Julie est un vrai pot de colle ! Je ne sais pas comment lui faire comprendre qu’elle doit me laisser tranquille, tu as une idée ? ». J’étais de ces personnes qui étaient incapables de dire non. Je veillais toujours au bien être des gens qui m’entouraient. Et envoyer balader une fille qui avait comme rôle de jouer ma copine, ce n’était pas simple. Généralement, les filles ne s’attachaient pas. Elles restaient des coups d’un soir, parfois de deux ou de trois. Mais je ne restais jamais avec une fille autant de temps. Je ne voulais pas m’attacher, pas après ce que j’avais vécu.