Métro boulot dodo. C'était presque ça ma vie en ce moment, si on enlevait toutes les soirées que je faisais à côté. Le bordel ambulant, il n'y avait qu'au salon où j'étais organisé. Je n'avais pas énormément de clients mais ça tournait bien, j'avais beaucoup de fidèles qui revenaient souvent. Et le bouche à oreille marchait bien, j'étais clean et je bossais bien alors on me faisait de la pub. Et puis ce n'était pas comme si il y avait des milliers de tatoueurs ici. J'aimais également exposer des artistes, voir même mes propres créations, j'étais sympa et je voulais faire bonne figure. Je faisais attention à la décoration, au ménage, de toute façon il n'y avait que moi dans le salon. Je n'avais pas les moyens de prendre une secrétaire, pas encore.
J'étais avec mon dernier client, entrain de faire des retouches sur son tatouage. C'était le genre de truc assez rapide mais très minutieux. La fin de la journée était toujours plus difficile, les yeux qui commencent à fatiguer mais je me concentrais bien : je n'avais pas le droit à l'erreur. Je nettoyais le tatouage et ramenais mon client dans l'entrée, l'amenant au comptoir en discutant. Je me rendais rapidement compte que quelqu'un était là mais je ne cherchais pas à distinguer cette personne tout de suite, m'occupant d'abord de mon client. Après quelques minutes, il s'en alla finalement et je levais les yeux vers une demoiselle. « Bonsoir. » La voix cassée, comme d'habitude. Je lui souriais, me demandant ce qu'elle venait encore foutre ici. Elle aimait bien venir me harceler, gamine capricieuse comme pas deux. Mais dieu qu'elle était jolie ! Je rangeais mes papiers en faisant semblant de l'ignorer alors qu'intérieurement c'était loin d'être le cas, bien entendu. Mais je devais fermer le salon alors il fallait que je range, pour que ce soit niquel le lendemain. Mais je sentais que cette tâche allait être compliquée par cette jeune demoiselle...

Je savais très bien à quel jeu elle jouait mais malheureusement elle ne se rendait pas compte du monde dans lequel je vivais et tout ce que je pouvais représenter pour elle. Mais je le savais très bien et je l'aimais bien, alors pourquoi la pourrir tout de suite ? Je ne savais même pas quel âge elle pouvait avoir, quinze, seize, dix-sept ans... Dans tous les cas c'était une gamine. Le problème avec les filles de cet âge là c'était qu'on ne pouvait pas leur donner un âge justement. Elles étaient faites comme des femmes, s'habillaient comme elles et pourtant c'était encore des enfants. Alors je me concentrais sur autre chose, je n'étais probablement pas convaincant mais ce n'était pas bien important. Je faisais semblant, elle me faisait du rentre dedans. Jusqu'au jour où. « Tu sais très bien que non. » Je plantais mon regard dans le sien, quelques secondes, un sourire en coin étirant mes lèvres. Je retournais à mon occupation, fermant la caisse et toutes ces choses là. C'était chiant mais il fallait bien le faire.
Je fuguais finalement, la contournant en la frôlant, exprès bien entendu, pour sortir. Je savourais l'air frais du soir et je m'allumais une clope, me tournant vers la porte en attendant gentiment la demoiselle. Je savais qu'elle allait me rejoindre dans tous les cas. Elle attendait visiblement beaucoup de choses de moi mais je ne savais plus très bien où elle voulait en venir. Et puis cette silhouette, ces yeux, ce visage... Il y avait tout ce qu'il fallait pour me faire perdre la tête. Intérieurement, je me jetais des sacs de glaçons dans la gueule pour me détendre. C'est pas bon Swann, tu le sais ça.

Elle se glissait dans mon paysage, à peine furtive, à peine camouflée. Elle jouait avec le feu, tout le temps, et elle croyait quoi ? Je ne comprenais pas ce qu'elle imaginait de moi. Comme si j'étais un mec bien. Comme si j'étais un mec pour ce genre de conneries. Je la voyais du coin de l'oeil qui faisait la belle, faisait son charme. Elle était trop joueuse, trop sure d'elle. Mais ça me faisait juste sourire ce genre de petits détails. Je lui jetais un regard, haussant un sourcil. « Ah ouais ? » Je tirais une latte sur ma clope, faisant le beau gosse. C'était facile, ça aussi je savais le faire. Elle voulait toujours me voir mais elle me réclamait toujours des trucs. Des tatouages, des trucs, des machins, toujours entrain de me sortir des dessins, des peintures, des idées. Je trouvais ça cool mais je ne savais plus trop quoi répondre à tout ça. Elle voulait jouer moi aussi je pouvais le faire mais je gardais cette distance. Cette distance c'était principalement la différence d'âge.
Je la regardais déplacer ses cheveux avec intérêt, admirant les différences de couleur, les reflets dans le soleil qui coloraient les différentes mèches. Plaisir. J'eus un sourire, cet éternel sourire en coin amusé. « Toujours, j'adore qu'on vienne me réclamer des trucs ! » Je la taquinais, parce que c'était la seule chose que je savais faire. Je lui ébouriffais les cheveux, gentiment, lui rappelant par la même occasion qu'elle n'était qu'une gamine et que c'était tout.

Je faisais ce que je voulais avec n'importe quelle fille, c'est ça que je trouvais génial. Et elle ne faisait pas exception la petite. Sauf que je n'avais pas encore envie de me retrouver en prison pour détournement de mineur, ça ne m'amusait pas vraiment ce genre de choses. Pourtant je les aimais bien ces jeunes demoiselles, toutes fraîches et encore si insouciantes. Elles ne se rendaient compte de rien, trop nature, trop sensible, trop dans la réalité. Et au final on dérivait de plus en plus, comme moi, sans laisser plus rien nous étonner. Alors qu'elle s'étonnait de tout, avait encore de quoi rougir, contrairement à moi. Plus rien ne me gênait, plus jamais.
« Épuisé ? Moi ? » J'arquais un sourcil, ne comprenant pas tout de suite où elle voulait en venir. Je l'observais, face à moi, cette petite créature me toisant de ses trois pommes de haut. Je lui souriais, un peu narquois, amusé comme toujours de ce genre de situation. Qu'elle essaye de me tenir tête si elle voulait, elle était tellement plus belle quand elle rougissait... La voir comme ça, soudainement, hautaine et à vouloir partir ça m'agaçait un peu. J'avais envie de lui tirer sur la manche et de lui dire de pas bouger d'ici. Mais mais je ne le ferais. « Pour de vrai ? » Je la suivais des yeux et jetais mon mégot avant de la suivre tout court. Je la laissais prendre ses affaires sans rien dire, feignant de l'ignorer alors que ce n'était pas le cas.
Je fermais le salon avant de sauter sur mon skate et de rattraper l'enfant sauvage. Souriant, je la balançais contre moi, me moquant d'elle. « Tu croyais vraiment que je te laisserais filer comme ça ? »

Je savais pas pourquoi, tel un gamin de son âge, je lui avais couru après. C'était pas bien important, de toute façon je me contentais juste de m'amuser de cette situation. Je la serrais contre moi sans aucune gêne, il n'y avait rien de spécial pour l'instant. Ce n'était qu'une accolade pour moi et rien de plus, j'avais passé l'âge de ce genre de bêtises. Même si j'étais un ado attardé j'avais quand même deux trois choses qui avaient évoluées. Malheureusement pas tout, il ne fallait pas trop en demander.
Et elle y avait cru en plus, elle était trop mignonne ! Quel acteur je fais. « C'est que le début ! » J'avais pas fini de la faire tourner en bourrique la pauvre... Je lui claquais un grand sourire, maintenant encore plus mon étreinte. J'arrêtais rapidement mon skate, c'était cool mais ce genre de connerie me compliquait la vie plus qu'autre chose. Je déposais gentiment ma compagne par terre, attrapais mon skate dans ma main gauche et l'attrapais par les épaules, l'obligeant ainsi à rester contre moi. « Manquer, c'est un bien grand mot que tu utilises... » Je manquais jamais à personne et personne ne me manquait jamais. C'était un concept que j'avais appris à conserver, ça ne servait à rien de toute façon. Toutes les filles, tous les mecs n'étaient que de gens parmi tant d'autres et je n'aimais pas donné énormément d'importance aux gens. Parce que c'était le seul moyen de leur laisser un pouvoir sur nous-même. Et personne ne devait savoir qui j'étais, ce que je faisais, rien. J'étais seul et je voulais rester comme ça. Et puis je me disais toujours, en déconnant, que les autres dans ma tête me tenait compagnie.

Je ne réagissais pas vraiment en pensant à ce qu'il se passait, jamais bien tout faire au feeling. Et il fallait avouer que la demoiselle m'avait bien surpris en arrivant comme ça sans prévenir. Je ne pensais pas finir ma journée avec elle mais apparemment c'était bien partit pour. Je profitais de l'avoir dans mes bras pour savourer l'odeur de ses cheveux, en toute discrétion bien entendu. Il ne fallait pas qu'elle se doute de quoi que ce soit, et je savais que j'étais en position de force là-dessus. Elle ne saurait toujours que ce que j'avais envie de lui dire. Ou de lui faire comprendre. Je lui souriais lorsqu'elle insinua qu'elle pouvait partir sans que je la retienne. « Fais pas l'enfant ! » Même si elle en était une, bien entendu. Mais gentiment on se promenait dans ces rues, sans que je sache vraiment où on allait. Jusqu'à ce que, soudainement elle me jette contre un mur en se plaquant contre moi. Je fronçais les sourcils sans vraiment comprendre, jusqu'à que je me retrouve de nouveau piloté, me retrouvant à la plaquer contre le mur cette fois. Elle me chauffait la petite mais ce n'était pas évident non. J'avais beau me dire que j'avais bien envie de l'avoir dans mon lit, je restais très bloqué par son âge. Et ça n'allait pas être facile de me faire oublier ce genre de détails. « On vient à peine de commencer... » Je lui souriais et lui déposais un baiser sur le front avant de lui prendre la main et de l'emmener avec moi. Il fallait qu'on fasse quelque chose sinon je n'allais pas tenir longtemps avec cette petite donzelle. J'étais loin d'être insensible à son charme, ça c'était sur.

Elle restait une enfant pour moi, il fallait que je continue de le penser. Je n'avais que ça qui m'empêchait d'aller plus loin parce que si j'étais vraiment dans une mauvaise période je ne me contiendrais pas autant. Mais aujourd'hui je n'avais plus besoin de toutes ces choses superficielles et la petite ne se rendait pas compte du genre de personne que j'étais. Ce n'était pas bien, ce n'était pas cool d'être comme moi. Je la gardais donc contre moi, la seule chose que je pouvais faire qui n'avait pas l'air déplacé. Du moins ne le paraissait pas. « On peut dire ça comme ça... » Je lui lâchais un regard en coin un peu spécial. Elle ne savait pas dans quelle galère elle s'était mise. Dans une vieille allée, je me dirigeais vers une petite maison encastrée entre des immeubles. C'était glauque à souhait et je me demandais si elle allait flipper, parce qu'elle aurait un peu de bon sens, ou si elle allait trouver ça cool. Une fois sur le pallier, je lui jetais un bref regard. « Bienvenue chez nous. » Et un sourire en coin un brin moqueur, un brin cruel. J'ouvrais la porte, ça puait la clope, la weed. Et toutes ces pièces n'étaient pas faites pour les enfants. J'avais des potes un peu partout, des drogués, des pauvres types. Jeux vidéos, coke, héro, baise, c'était un bordel pas possible. Parfois certains avaient clean, d'autres moins sympas. Je l'emmenais avec moi jusqu'à la cuisine, la laissant prendre le temps de regarder tout ça. « Tu veux boire quelque chose ? » Je fermais la porte derrière elle, heureusement il n'y avait que nous dans la cuisine.

Je savais qu'elle allait péter un câble, de toute façon fallait être complètement paumé pour ne rien dire dans un endroit comme ça. Même moi ça m'agaçait mais bon, ces mecs là avant d'être des merdes camées c'étaient mes potes. Alors ouais je faisais de la provoc, je me foutais de sa gueule mais ça allait lui remettre les idées en place. Et c'était ma façon de lui montrer qui j'étais. Sa réaction à moitié estomacé et presque flippée me fit rire. Je topais une bière dans le frigo, souriant. « J'croyais qu't'étais majeure et vaccinée ? » Je lui jetais un regard plein de sous-entendu, elle se planquait derrière un truc et moi aussi je me planquais derrière d'autres choses. Chacun son truc. Je reprenais pourtant rapidement mon sérieux. « C'est ici que je passe la majeure partie de mes soirées tu vois. J'vaux pas mieux que tous ces mecs là. » Donc j'suis pas bien pour toi, tu vois. Je lui disais pas mais c'était très sous-entendu. Elle méritait pas que je lui fasse du mal parce que c'est la seule chose que je lui ferais. Elle était jeune, qu'elle trouve un mec de son âge et qu'elle fantasme sur moi m'allait très bien. Peut-être que plus tard on se retrouverait et voilà. Je décapsulais ma bière et la pris par la main pour l'évacuer de cette maison de fou. « On y va, je voulais juste te montrer. » Et prendre une bière, mais ça on le dit pas. Je savais qu'elle avait besoin de sortir d'ici et moi aussi. Sinon je finirais avec je ne sais quoi dans les narines et c'était pas le but.

Je sentais la détresse dans tout son être et d'un côté, ça me rendait un peu triste. Mais je voulais qu'elle se rende compte de ce que j'étais, casser ce mythe du beau gosse tatoué. J'étais pas spécialement mauvais au fond, la preuve, avec elle je faisais attention. Je ne voulais pas lui faire du mal, la protégeait. Ou non, me diriez-vous : l'emmener là, c'était la mettre en face du danger. Oui, mais lui montrer que j'étais une abomination c'était aussi la protéger. Son plus gros danger pour l'instant, c'était moi. Une fois dehors, elle s'éloigna rapidement de moi et je me contentais de sourire. « Et j'ai essayé de faire quoi ? » Je m'allumais une clope, pour compenser. Parce que c'était pas facile de voir le mauvais côté de ma vie et d'y rester. Mais elle était là, je devais faire attention. Je continuais de marcher sans vraiment la regarder. Qu'elle s'éloigne de moi, c'était une bonne chose. Je m'acharnais sur ce putain de mégot, me cramant les poumons, brûlant ce qu'il me restait d'air pur. Je lui jetais soudainement un regard inquisiteur, ne sachant pas trop ce que je devais faire d'elle. « Tu veux que je te raccompagne chez toi ? » Ou chez moi, ça n'avait pas d'importance. Mais ce n'était plus une heure où je traînais dans les rues, la nuit se faisait vraiment sombre et je n'aimais pas me promener avec une ado aussi jolie dans des ruelles. J'étais peut être con mais pas encore inconscient ou suicidaire.