Cela faisait maintenant deux jours que nous étions revenus de notre voyage de noces. Il avait duré moins d’une dizaine de jours. Mais ils avaient été tellement magnifiques. Suite à ma maladie et à ma grossesse, nous n’avions pas pu rester plus longtemps. A mon grand désespoir, d’ailleurs. Là – bas, c’était le paradis. Aymeric et moi étions dans notre bulle. Rien de négatif, des câlins, des bisous, des promenades et du repos avaient rempli nos journées. La chambre était luxueuse ; une station Bose, du Nespresso à volonté, … Je ne pouvais pas rêver mieux. Il avait pensé à tout jusqu’au moindre petit détail. Mais voilà, il fallait bien revenir à la réalité. Et c’était plutôt difficile. J’allais reprendre le boulot le lendemain. Je ne m’étais toujours pas décidée à arrêter, trop accro. Mais je savais que ce n’était plus l’affaire que de quelques mois. Je ne me voyais pas ne rien faire à la maison et attendre que le temps passe. Cela ne me ressemblait pas. Comment allaient – ils alors m’empêcher de travailler ? Aymeric allait – il s’en mêler ? Bonne question même si j’étais presque certaine que oui. Il allait le faire soit en tant que médecin soit en tant que mari… Avais – je envie qu’il s’en mêle ? Aucune idée. Nous étions mariés maintenant. Et il aurait été normal qu’il le fasse.
Je triais le linge, sagement à la cave. La machine à laver s’y trouvait pour plus d’esthétique. Il y avait toujours mes bouteilles de Rhum que je refusais de jeter. J’avais d’ailleurs toujours du mal à les voir sans pouvoir les toucher. Mais je prenais sur moi, du mieux que je pouvais. Sentant que j’avais envie de prendre une bouteille, je remontais rapidement les escaliers quatre à quatre. Je ne voulais pas craquer, pas pour la crevette qui se trouvait dans mon ventre. « Aym’, je vais aller acheter de la lessive, on en a plus ! Je reviens dans un quart d’heure ! ». Je claquais alors la porte. J’avais pris le soin de prendre mon sac à main. Je n’avais pas envie de marcher, j’allais donc plutôt opter pour la voiture. Je passais donc la porte. Un homme quittait notre allée. Il ne me fallut que peu de temps pour le reconnaître. « Luka ? ». Mais que faisait – il là ? Je savais qu’il était parti il y a deux ans. J’avais eu quelques nouvelles de lui par Skype. C’était un moyen de communication tellement utile. Il avait été le petit ami de Rosalie pendant un bon petit temps. Cette dernière était ma meilleure amie. Après leur rupture, nous avions gardé contact tous les deux. Je l’appréciais assez. Il était avenant. Et c’est ce que j’aimais chez lui. « Que fais – tu ici ? ». Je lui souris alors, heureuse de le revoir depuis autant de temps. « Viens, entre. On va se prendre un café. ».

Je n’avais pas eu le temps de répondre à Aymeric, je me trouvais déjà dehors. Il me fallait de l’air. Et à ce moment – là, c’était tout ce à quoi je pensais. J’étais d’ailleurs étonnée qu’Aymeric n’ait pas réagi quand j’étais partie. A la cave, il y avait encore deux bidons de lessive pleins. Mais je m’occupais du linge. Ce n’était pas le boulot d’Aymeric. Il ne pouvait donc pas le savoir finalement… Mes pensées étaient un peu embrouillées. Mon esprit ne pensait qu’à boire. Ces bouteilles m’avaient fait remonter les souvenirs. Alors, je m’en étais passée quelques mois durant. Mais il m’arrivait de refaire des crises. J’avais décidé de le cacher à Aymeric. Il en avait assez donné et je devais dorénavant me débrouiller seul. Je savais qu’il n’aimait pas ça ou du moins qu’il n’allait pas aimer. Mais je n’étais pas prête à lui en parler, pas maintenant… Quoi qu’il en soit, je crus voir un fantôme qui se promenait dans mon allée. Je l’appelais tout de même, ayant peur que c’était encore une de mes hallucinations. Non, Luka était bien réel. Il était chez moi. Deux ans, deux ans que je ne l’avais plus vu. « Oui, je suis super contente de te voir ! ». Je ne lui saurais pas dans les bras. J’optais pour une accolade amicale ainsi qu’un baiser sur sa joue. Je ne voulais pas qu’Aymeric nous voie de par la fenêtre. « Tu es rentré depuis longtemps ? ». Je lui souris alors. Un couple de voisins passait dans la rue, je leur fis rapidement signe en guise de politesse. « Tu as bien fait de passer, vraiment ! ». Je lui avais alors proposé de rentrer prendre un café. Il acceptait de suite. De toute façon, j’avais des arguments s’il refusait !
J’avais laissé la maison telle qu’elle était depuis le décès de mes parents. Je n’étais pas encore prête à enlever tout cela. Leur chambre était elle presque vide. Je voulais qu’elle devienne la chambre de notre enfant. J’enlevais leurs affaires au fur et à mesure tout en laissant quelques traces d’eux dans la pièce. Finalement, ils restaient mes parents… Enfin. J’étais partie dans la cuisine pour y prendre deux tasses assorties. Je lançais aussi le café. Je ne savais pas ce que prendrait Aymeric. J’attendrais donc qu’il descende. Je pris rapidement le sucre que je mis dans un sucrier ainsi que le lait. « Assez bien de choses… ». Je ne le dis pas en souriant. Directement, je pensais à mes parents. Rien d’autre ne traversait ma tête. Ah si, ma maladie. Finalement, les deux dernières années avaient plutôt été difficiles malgré mon mariage avec Aymeric. « Tu as loupé la mort de mes parents, mon mariage. ». Je le murmurais. Mais il était capable de l’entendre tout de même s’il le voulait. Pour mon mariage, je lui en voulais un peu. Je n’avais pas eu grand monde de mon côté. Je n’avais plus de famille. Pour ce qui est des amis, suite à mon arrêt total de l’alcool et de la drogue mais aussi à ma maladie, je n’étais plus aussi drôle qu’avant. Ils avaient donc tous désertés. Ah, Rosalie restait fidèle au poste. Je pouvais compter sur elle n’importe quand ! Je n’avais pas le temps de développer beaucoup plus sur ses deux sujets que Luka me coupait déjà sur l’heureux événement qui s’apprêtait à arriver. Oui, il avait raison, gardons en tête le positif. « Oui, un très heureux événement. Mon mari et moi avons hâte qu’il, ou elle, soit parmi nous… ». Je me dirigeais de nouveau vers la cuisine pour y prendre le café. Je nous servais deux tasses. Entre – temps, je pris le temps d’appeler Aymeric dans les escaliers. « Mon cœur, tu peux descendre ? J’ai quelqu’un à te présenter ! ». Je n’attendais pas qu’il réponde et retournais directement dans le salon où se trouvait Luka. « Je vais plutôt bien. J’ai plein de choses à te raconter, tu dois te rattraper ! Mais je vais d’abord te présenter mon mari, il arrive. Nous rentrons tout juste de voyage de noces ! ». Je comptais prendre de ses nouvelles après. Pas la peine de mélanger tous les sujets, si ?

Je venais pour toi, pas ... Pour lui !

AVEC LOUISE ET AYMERIC

Il avait choisi d'aller la voir, avant de se défiler et de faire demi-tour. Malheureusement, ou heureusement, Louise était sortie pile à ce moment-là et l'avait vu. Elle l'avait surement reconnu, bien qu'il fut de dos. Mais il se connaissait et les femmes étaient fortes pour ça. Quand elle lui avait demandé s'il était revenu depuis longtemps il avait simplement indiqué non de la tête. Alors qu'il avait voulu fuir, il s'était fait inviter à prendre un café et n'avait pas eu le cœur de refuser. Ça faisait tellement de temps qu'il n'avait pas vu la jeune femme qu'il avait envie de profiter de l'occasion. Il était content qu'elle l'ait surpris. Pourtant, l'angoisse de voir Aymeric était toujours présente, mais il ne pouvait pas faire demi-tour. T'es foutu ! Ah ! Ça, il l'était. Mais il s'en fichait. Enfin ... Un peu ... Il réfléchissait à toute vitesse. Il essayait d'envisager toutes les situations possibles s'il se retrouvait face à son demi-frère. Il espérait que ça n'arrive pas, parce qu'il savait qu'entre eux deux, c'était compliqué, et il n'avait pas envie de voir resurgir des souvenirs qu'il avait voulu oublier. Penser à tout cela le frustrait et il décida d'éjecter toutes ces mauvaises pensées et de se concentrer sur la jeune femme et son ventre rond. Elle était enceinte depuis un petit moment surement. En fait, il n'en savait pas grand chose. Rosalie et lui avait coupé les ponts et ça faisait un bail qu'il n'avait pas parlé à Louise. Leurs dernières conversations Skype remontait à environ un an .. Et les petits sms qu'ils s'étaient envoyés n'avaient pas été assez longs pour pouvoir annoncer la nouvelle. En partant à San Francisco, il avait laissé derrière lui ses amis, les plus proches et c'était une chose qu'il regrettait. Il avait du temps à rattraper et c'était sans doute pour ça qu'il était là. Dans la maison de son demi-frère et de sa femme, en train d'attendre le café que la jeune femme lui préparait, assis à la table du salon. Si on lui avait dit un jour qu'il se retrouverait dans une telle situation ... Il n'y aurait pas vraiment cru, et pourtant, il était surement en train de se fourrer dans le plus gros des pétrins. Rendre des comptes à Aymeric était la dernière chose qu'il avait envie de faire aujourd'hui. Il n'avait pas annulé son passage chez son père pour avoir à affronter son demi-frère. Ça non.

Il avait beau avoir cette petite inquiétude, Luka était heureux d'être là, et de pouvoir voir Louise et entendre sa voix en direct. C'était beaucoup mieux que de la voir sur un écran et d'avoir une chance sur deux de voir un arrêt sur image et de devoir raccrocher. Alors qu'elle préparait le café dans la cuisine et qu'il commençait à se balancer sur la chaise dans le salon, il demanda : «Alors ... Qu'est-ce que j'ai raté pendant ces deux dernières années ? » En posant cette question, il ne s'attendait pas vraiment à ce genre de réponses. Il ne pensait pas qu'elle allait lui répondre que ses parents étaient malheureusement décédés. Le sourire de Luka s’effaça en un clin d’œil. Il pouvait voir Louise de là où il était, mais elle, ne pouvait pas remarquer l'expression qu'il avait prise. Il se sentait terriblement coupable. D'un, parce qu'il n'avait pas été là pour elle, et de deux parce qu'il avait posé cette question stupide, de la façon la plus banale qui soit, sans envisager une seconde que la réponse pouvait être terrible. «Louise ... Je suis désolé... » Il s’enfonçait encore plus. Ses excuses ne pouvaient rien changer. Elles ne ramèneraient pas les parents de son amie et n'effaceraient pas la culpabilité qu'il ressentait. Alors qu'elle préparait le café dans la cuisine et qu'il commençait à se balancer sur la chaise dans le salon, il demanda :
Il s'en voulait. Il s'en voulait même énormément. Il avait l'impression de l'avoir abandonné et de l'avoir laissée seule.
L'ambiance s'était chargée de tristesse. Le souvenir de ses parents avait surement un peu chamboulé la jeune femme et comme un con, Luka décida de changer de sujet. Échanger la tristesse avec la joie, parce qu'il y en avait bien quelque part, en l’occurrence, dans le ventre de Louise. «Un heureux événement en préparation non ? Et ne me dit pas que j'ai de mauvaises informations ! J'suis sûr que ce sera un mec ! Un bon p'tit bonhomme, bien bagarreur ! Un mioche aha ! Je plaisante ! Ce sera peut-être une petite princesse, qui sait ! » La bonne humeur que Luka voulait transmettre semblait se propager assez facilement puisqu'un fin sourire émergea sur les lèvres de la jeune femme. « Oui, un très heureux événement. Mon mari et moi avons hâte qu’il, ou elle, soit parmi nous… » Visiblement, il ne connaissait pas le sexe de l'enfant. «Vous ne connaissez pas encore le sexe ? Vous voulez la surprise ! C'est cool ! » Sur ses mots, Louise avait disparu dans la cuisine pour aller chercher les cafés qu'elle rapporta. Entre-temps, elle avait appelé Aymeric, mais ayant reçu un sms de sa demi-soeur, Luka avait été beaucoup trop concentré à lui répondre pour entendre et comprendre que l'homme qu'il voulait éviter était là. «Bon alors ... Comment tu vas .. depuis la dernière fois qui remonte à ... hum ... Très longtemps en fait ... »

En ayant été plus attentif, il aurait peut-être évité la catastrophe. « Je vais plutôt bien. J’ai plein de choses à te raconter, tu dois te rattraper ! Mais je vais d’abord te présenter mon mari, il arrive. Nous rentrons tout juste de voyage de noces ! » Deux choses l'interpellèrent. La première était qu'il venait de comprendre qu'Aymeric était là. La seconde, plus étrange, était que Louise n'était pas au courant du lien qui unissait les deux hommes. En y réfléchissant ce n'était pas étonnant, puisque de son côté Luka n'avait jamais vraiment parlé de sa famille à la jeune femme, mais du côté d'Aymeric qui était son mari, c'était nettement moins justifiable. Les pas dans l'escalier se firent entendre et bêtement, le quater back se retourna. Son demi-frère était là, en face de lui. Par réflexe, Luka soupira. Et merde ... Il y était. Le moment redouté était arrivé. Le regard du psy exprimait toute la surprise qu'un homme pouvait ressentir dans une telle situation. « Luka? Je ne savais pas que tu étais rentré... » Remarque conne. Réponse conne. Le jeune homme était sur le point de lui balancer à la figure une remarque aussi stupide que la question elle-même, mais ce n'était ni le lieu ni ... En fait, le moment, aurait été bien choisi, mais il était hors de questions de faire une crise familiale devant Louise. Elle n'avait rien à voir avec tout ça. Ou presque. Le regard surpris d'Aymeric bascula de Luka vers Louise et il ajouta : « ... Ni que tu connaissais Louise. » La situation était particulièrement délicate ... Pire, elle risquait de tourner à la catastrophe. Avant de dire quoi que ce soit, Luka avala une gorgée de café qui semblait nettement moins chaud qu'il y avait quelques secondes. « Tiens ... Frangin ... Je suis étonné que tu n'aies pas parlé de moi ... Enfin, de notre lien à Louise ... Je ne savais pas que tu avais honte de moi à ce point ... » La voix du jeune homme était pleine d'insolence. « En fait, je suis arrivé il y a quelques jours ... Et pour l'instant, seuls ... Rosalie et Hope étaient au courant. Millie aussi ... Et maintenant Louise. T'es chanceux de te trouver là pile le jour où je me pointe parce que t'aurai surement attendu un bon moment avant que je ne vous avertisse papa, toi et ... enfin ... Aileen est au courant. Je pense avoir prévenu les personnes les plus importantes ... Faut croire que je t'ai oublié. Alors ... Surprise !» Ce n'était pas très agréable. Bien au contraire. Il venait clairement de dire qu'Aymeric ne faisait pas partie des personnes qu'il considérait comme importante dans sa vie. Rapidement il se tourna vers Louise.

« Bon ! Puisque les choses ont été mal faites durant mon absence, je vais m'en charger ! Louise, Aymeric et moi même sommes demi-frères. Oui, je sais, moi aussi j'ai toujours du mal à y croire ... Je te comprends ... »

En disant cela, Luka n'avait pas conscience qu'il était possible qu'il soit en train de mettre la zizanie dans le couple. Après tout, Aymeric avait caché quelque chose d'important à sa femme. Surement était-elle au courant de la présence d'Aileen, ce qui n'étonnait même pas Luka.


  

© EKKINOX

HRP:

Je lui avais annoncé, de but en blanc, la mort de mes parents. Il ne les connaissait pas vraiment. Il lui était arrivé de les croiser de temps à autre, sans plus. Je leur avais souvent parlé de Luka. Il m’arrivait de me confier à eux sur des choses futiles. Une fois, ils m’avaient demandé de faire sa connaissance. Mais il était parti loin quelques jours plus tard. Cela n’avait donc pas pu se faire. J’étais dans la cuisine, je préparais le café. Je ne voyais donc pas la réaction de Luka. Et, franchement, je ne préférais pas la voir. Il me dit alors qu’il était désolé. Et il pouvait l’être. J’avais eu besoin de lui ces deux dernières années. Oui, j’avais Aymeric. Et je ne l’en remercierai jamais assez ! Mais il m’arrivait d’avoir envie qu’un ami soit présent. « Moi aussi… ». Je revenais en même temps, deux tasses de café à la main.
« Oh non, on ne veut pas la surprise. Une chambre rose pour une fille et bleue pour un garçon ! Certes, c’est assez stéréotypé mais tout de même ! ». Je m’étais donc assise dans le canapé, face à lui. Aymeric n’était pas du tout du genre jaloux. J’aurai aimé mais bon, je l’aime comme il est ! Luka lança alors la discussion, il voulait prendre de mes nouvelles. Il ne se rendait pas compte qu’il en avait pour des heures à m’écouter. Mais je n’étais pas prête de dire que j’étais alcoolique et droguée. Je le cachais encore. Pourquoi ? Certainement pour pouvoir boire en compagnie d’autres personnes… Enfin, c’est un autre sujet ! « Ca remonte à deux ans, il me semble. Qu’es – tu devenu ? ».
Aymeric ne tarda pas à nous rejoindre. Je m’apprêtais alors à me lever pour les présenter l’un à l’autre. Mais je n’en avais pas besoin apparemment. J’assistais alors à une scène surréaliste. J’avais l’impression d’être de trop. Luka était donc le demi – frère d’Aymeric ? Pourquoi aucun des deux ne me l’avait dit ? Pourquoi Aymeric me l’avait caché ? Il ne me faisait pas assez confiance que pour se confier à moi ? Qu’avais – je bien pu faire ? Je les regardais, l’un et puis l’autre comme lorsque l’on regarde un match de tennis. Je finis par m’arrêter sur Aymeric, le regard perdu. Je lui faisais les yeux ronds attendant simplement plus d’explications…Et puis, zut ! Qu’est – ce que je faisais là ? Si aucun des deux n’avait ressenti le besoin de me dire qui il était précisément, je n’avais rien à faire là ! Je tournais alors les talons, attrapais mes clés. Je fonçais dans ma voiture. Musique à fond, il ne me fallut que quelques secondes pour démarrer. Où j’allais ? Aucune idée… J’en voulais à Aymeric de ne m’avoir rien dit, de m’avoir caché ce pan de sa vie. Il voulait que l’on se dise tout, il me le demandait presque constamment et ne le faisait pas lui – même. Luka, lui, il était revenu comme ça, comme une fleur. Il avait tout raté. J’avais eu besoin de lui. Mais non, il avait fui…

Luka, Louise & Aymeric

Je n'en revenais pas des paroles de Luka, de l'eau avait pourtant coulé sous les ponts depuis notre enfance, depuis toutes ces histoires de famille. Disons que ça me passait par dessus maintenant, surtout depuis que je suis avec Louise et que nos problèmes se sont mêlés. Je n'avais plus vraiment pensé à toutes les tensions entre Luka et moi. Au point d'avoir oublier d'en parler avec Louise, ça m'étonnait même qu'Aileen ne lui ai pas glissé un mot, elle était plutôt du genre bavarde. Je n'avais pas de réelles raisons, pas de raisons suffisantes qui pourrait expliquer pourquoi je n'ai jamais parlé de Luka à Louise. Peut être parce que j'avais eu toutes mes pensées tournées vers elle cette année, je n'avais pas consacré beaucoup de temps à ma propre sœur. J'étais fautif et j'assumais toutes les responsabilités, mais Luka a tout fichu en l'air avec ce ton insolent qu'il avait prit. Il ne m'avait pas rendu service, loin de là... Dans l'histoire, c'était Louise qui était la plus blessée, et je pouvais la comprendre. Combien de fois je lui ai demandé d'être plus honnête avec moi, et qu'est-ce que je faisais? J'omettais mon propre demi-frère. Je ruminais, et je me serais bien mis quelques baffes pour ça, pour avoir réussi à blesser Louise. Dieu seul sait où est partie Louise.
J'étais en face de mon demi-frère, tout sourire ayant disparu de mon visage. Je ne pus pas m'empêcher de prendre ce ton, je maîtrisais ma colère assez bien, mais je pouvais pas m'empêcher de sortir ces quelques mots. Luka ne tarda d'ailleurs pas à y répondre. Je ricana également à ce qu'il me disait, il m'accusait comme ci j'avais eu le choix. Je passa une main sur mon menton, n'en revenant pas, toujours les mêmes reproches.

Tu as changé? Ah bon? Tu as toujours ces mêmes mots en bouche en tout cas. Il est peut être temps d'enterrer la hache de guerre, non? Tu crois peut être que c'est de ma faute si ma mère s'est marié avec ton père, il était tout aussi consentant. J'ai été forcé, tout comme toi, à cohabiter. Mais il faut grandir un peu, et passer à autre chose.

Toujours la même rengaine. Alors que l'on parlait de Louise, voilà que l'on déviait sur des sujets assez dangereux. Je prenais sur moi pour ne pas élever le ton, mais ça commençait à devenir lourd.

Eh bien, disons que vu les nombreuses nouvelles que j'ai reçu de ta part ces deux dernières années, c'est vrai que je ne comprend pas comment j'ai pu t'oublier! Aileen me tenait au courant, heureusement. Je sais, je sais... J'aurais dû lui en parler, j'en suis conscient. Je paie de mon erreur d'ailleurs à l'heure actuelle. Je... Je n'y ai jamais pensé, et c'est vrai c'est idiot. Enfin, ça ne change rien au fait.

Il me fallait une option, chose idiote, j'essayais d'appeler Louise. Ça avait bien marché l'autre fois, non? Sauf que l'autre fois, elle était plus que bourrée. J'entendis la voix de Luka, et cela ne faisait que me mettre encore plus la pression.

Si je la connaissais vraiment? Tu plaisantes là? Ça fait deux ans que tu es partie. Je pense être celui qui connait le mieux Louise à l'heure actuelle, tu ne sais pas de quoi elle est capable. Depuis la perte de ses parents, Louise perd vite les pédales. Alors on a plutôt intérêt à vite la retrouver.

J'essayais de penser à des endroits où nous allons souvent, des endroits où nous avons passé des bons moments. Peut être qu'on allait tomber sur Louise plus vite qu'on le croit. Je tournais ma tête vers Luka, je n'allais pas le laisser ici. Je croisais son regard, faisant un signe de tête.

Tu viens avec moi?

Je n'attendais pas sa réponse, montant dans la voiture et démarrant le contact. On fit les endroits qu'elle fréquentait le plus, l'hôpital, notre lieu de travail; la plage; le bar de Rosalie où elle aimait se réfugier; jusqu'au parc des Papillons là où nous nous étions mariés. Je commençais sérieusement à désespérer, tournant en rond dans tout Toronto. Puis, ce fut par hasard que l'on repéra d'abord la voiture de Louise, puis Louise elle-même un peu plus loin. Elle s'était réfugiée exactement au même endroit que l'autre fois, près du lieu de notre mariage. Sans réfléchir, je descendis comme un fou de l'auto, prêt à prendre Louise dans mes bras et l'assommer d'excuses.

Spoiler:

Aymeric avait essayé de m‘empêcher de partir en m’attrapant par le bras. Mais c’était sans compter sur mon ignorance. J’avais décidé de sortir, de faire un tour. J’avais donc attrapé mes clés ainsi que mon sac à main avant de sortir par la porte d’entrée. Où pourrais – je bien aller ? L’hôpital ? Je me sentais un peu faible que pour prendre une garde, travailler 8 heures debout, je n’y arrivais malheureusement plus. Aller dans le bar où Rosalie travaillait ? Aymeric s’y attendrait tellement. Je serai trop prévisible. J’avais alors opté pour le Parc aux Papillons, l’endroit exact où nous nous étions mariés. Dans ces moments – là, j’avais besoin de me remémorer un moment heureux. Et notre mariage en était un. Je m’étais alors assise dans l’herbe. Il faisait plutôt bon aujourd’hui. On atteignait facilement les 30 degrés en plein soleil. Je me levais alors pour prendre une glace. J’avais aussi envie d’une bonne sangria bien fraîche. Mais était – ce une bonne chose ? Et si Aymeric me retrouvait, un verre à la main ? Je ne craquais pas. Du moins, pas pour le moment. Je m’assis alors à nouveau à ce même endroit, glace à la main. Une femme enceinte se promène. On peut voir que c’est la fin. Elle va accoucher sous peu. Elle était seule. C’est alors que, prise panique, elle me regardait. Elle venait de perdre les eaux. Quant à moi, j’étais là, assise. Mon ventre commençait tout doucement à se voir. On pouvait d’ailleurs aisément deviner que j’étais, moi aussi, enceinte. Je me dirigeais alors vers elle. « Doucement, Madame ! ». Je reprenais enfin mon métier. J’essayer de me souvenir des bases de la gynécologie. Je lui posais alors les questions habituelles. « Vous en êtes à combien de semaines ? ». Elle me regardait, paniquée, soufflant de façon saccadée. Je n’avais pas encore suivi de cours pré natal chez la kinésithérapeute. Mais une chose est certaine, je savais qu’il ne fallait pas respirer comme cela. Elle en était à 39. Comme quoi, j’avais vu juste. Je pris alors mon téléphone portable. Oh, j’avais un appel en absence d’Aymeric. Quoi qu’il en soit, j’avais plus important à faire là maintenant tout de suite. J’appelais rapidement le 112. Une ambulance arriva dans les trois minutes qui suivirent. Je la laissais donc entre leurs mains. La dame me demandait mes coordonnées. Je refusais de les lui donner mais lui promis de passer la voir à l’hôpital. Je devrais bien m’y rendre un de ces jours y faire une dialyse, non ? Cela faisait quelques temps que je ne m’y étais plus rendue. Faudrait que j’y pense. Une fois tout cela terminé, ma glace était complètement fondue. Bon, c’est que le destin ne voulait pas que j’en prenne… Je me posais alors de nouveau au même endroit. Je n’avais pas eu le temps de réfléchir. Un passant avait une cigarette à la main. Tiens, je n’ai jamais essayé… Il fallait que je tente avant de mourir. Je l’arrêtais alors lui en demandant une. Je me retrouvais donc, une cigarette à la main. Elle était allumée. Je la portais à ma bouche inspirant pour la première fois cette fumée. Je ne pus m’empêcher de tousser une bonne fois. Au loin, je voyais Aymeric et Luka arriver. Ni une ni deux, j’écrasais la cigarette dans l’herbe et me couchais. Fais semblant de rien, Louise. Fais semblant de rien…