C'était la première fois depuis plus d'une semaine que je sortais. La première fois que j'osais mettre un pied dehors. J'avais attendu que mes parents et ma soeur furent partis pour me décider à me lever. Ils étaient tous aller travailler. Je me levai pour descendre et me faire un bol de céréales. Si j'ôtais le fait que j'étais toute seule pour prendre mon petit-déjeune, je faisais tout pour me comporter comme je le faisais chaque matin avant mon agression. Je voulais essayer de faire tout ça comme si rien ne s'était jamais passé. Je voulais réellement réussir à sortir de la chambre. Je mis un peu la télé tout en mangeant mes céréales et en buvant mon jus d'orange. Je n'aimais pas trop ce silence - trop pesant à mon goût. Je débarrassai ensuite la table avant de monter. Je pris une douche avant d'aller devant le grand armoire de ma chambre. Je posai mon regard sur l'intérieur de l'armoire. Un soupira s'échappa de ma bouche. Qu'allais-je bien pouvoir porter? Je ne voulais pas mettre quoi que ce soit de trop... moulant. Je voulais cacher mes formes. Mais je ne voulais pas non plus qu'on puisse remarque que j'avais été sexuellement agressée. Je voulais paraître... normale. Tout simplement. Je m'installai sur le bord avant de mon lit. Fixant le sol, je me demandais si c'était une si bonne idée que ça que je tente de sortir ce jour-là. Et si je reportais ça au lendemain? Je secouai la tête avant de me relever. Je fouillai rapidement pour finalement opter pour un jean et un t-shirt. Rien de bien extravaguant. Simple. Je m'habillai et retournai dans la salle de bain pour me coiffai. Je laissai mes cheveux détachés pour rester discrète et cachée - d'une certaine façon. Je me regardai un instant dans le miroir. Pas de maquillage. Je ne désirais pas attirer l'attention plus que ça. Je quittai la pièce avant de m'arrêter. "Non Ana. Tu veux faire comme d'habitude, non? Alors vas te maquiller un minimum!" Je fis donc demi-tour pour aller finalement me maquiller légèrement. J'attrapai mon sac à mains et je redescendis. Je mis une paire de chaussures plates et j'éteignis la télé avant de me poster devant la porte d'entrée. J'hésitais. Je levai ma main vers la clenche. Je tremblais un peu. Je la posai dessus mais je n'ouvris toujours pas la porte. "Aller Ana... Un peu de courage..." Je finis par ouvrir la porte et je m'avançai. Je pris plusieurs secondes avant de poser un pied dehors. Je me dépêchai avant de changer d'avis pour fermer la porte d'entrée à clés et pour monter dans ma voiture que je verrouillai rapidement. Enfin une étape franchie... J'espérais avoir le courage d'aller jusqu'au bout.

Je déposai mon sac sur le siège passager avant de démarrai pour conduire jusqu'au nord de la ville. Je me dirigeais vers le cabinet d'avocats Zack Adams & Co'. J'avais besoin d'aller voir un avocat et j'avais entendu un peu parler de ce Zack... J'avais besoin de quelques renseignements sur combien de temps j'avais pour porter plainte, ce genre de trucs. D'accord, j'aurais pu le savoir. Ou plutôt... Je savais. J'étais en quatrième année de droit après tout. Mais j'étais perdue. Et j'avais besoin d'autres choses qu'une succession d'informations de mes cours. J'avais besoin d'une raison pour sortir de chez moi et j'avais besoin d'une confirmation. J'avais besoin d'être face à un professionnel, face à quelqu'un qui me dirait exactement les choses telles qu'elles étaient. Je n'avais pas besoin d'une succession d'informations sur des feuilles ou sur mon ordinateur. J'avais besoin d'un contact avec la réalité, en quelque sorte. C'était peut-être dingue pour vous mais même si je faisais des études de droit depuis quatre années déjà, je devais aller voir quelqu'un dont c'était le métier. Quelqu'un qui exerçait tous les jours dans ce domaine. Même s'il n'avait sans doute pas à faire avec une femme violée tous les jours, il saurait m'apporter les réponses dont j'avais besoin, concrètement. Et pas juste sur un bout de papier. Je me garai et pris mon sac. Quelques instants plus tard, je sortis de la voiture et m'empressai de pénétrer dans le bâtiment. Moins je voyais de gens, moins je croisais de monde, et mieux je me porterais. Sans aucun doute. Je rejoignis la secrétaire et demandai si je pouvais parler à monsieur Adams. Elle me dit d'aller dans la salle pour patienter en attendant qu'elle voit s'il était disponible. Elle prit son téléphone pour contacter le bureau de Zack. En attendant, je m'installai nerveusement sur une chaise, priant pour qu'il ait le temps de me voir. Parce que je n'étais pas sûre d'avoir le courage de revenir un jour. Mon regard parcourut avec nervosité la pièce en patientant sans cacher mon stress plus que ça, le sac sur mes genoux... Je bougeai ma jambe avec cette fameuse angoisse qui me tenaillait...

C'était tellement angoissant de me retrouver dans la salle d'attente d'un cabinet d'avocats. Cela rendait les choses tellement... Réelles. Comment allais-je poser mes questions? Devais-je dire que c'était pour moi ou que je me renseignais pour une amie? Je n'avais pas très envie qu'il sache que j'avais été violée... Que cet inconnu sache des choses aussi intimes... Et en même temps... Vu mes réactions, vu mon comportement angoissé, il comprendrait sûrement tout seul que c'était en réalité moi que ça concernait. Alors pourquoi essayer de mentir? Était-ce vraiment nécessaire? Je n'en savais rien. Mais j'en doutais. Il comprendrait de lui-même alors quel intérêt? Je me posais toutes ces questions en boucle dans ma tête, essayant vainement de trouver comment j'allais présenter cette situation quand la secrétaire m'annonça que je pouvais aller voir l'avocat. Maître Adams... Je frappai une fois à sa porte avant de l'ouvrir et d'entrer dans son bureau. ZAck était très bel homme, il fallait l'avouer. Ce n'était pas parce que j'avais été agressée que je ne savais plus reconnaître quand un homme était attirant. Il se leva de sa chaise et s'approcha. Je fis encore quelques pas vers lui et il me tendit sa main. J'hésitai un instant avant de lui donner ma main pour serrer la sienne. Ma main tremblait légèrement. J'étais nerveuse. Tout me rendait nerveuse. Même serrer sa main. « Bonjour, prenez place je vous en pris ». Je souris doucement tout en serrant sa main. « Bonjour maître. » Il me désigna le fauteuil en face de son bureau et je m'y installai, posant mon sac sur mes genou. « En quoi puis-je vous aider ? » La question tant redoutée venait de tomber tel un couperet. « Hum... Je m'appelle Analiya Marshall... et hum... Jared Silvester m'a parlé de vous... » Elle avala difficilement sa salive. Comment dire la suite? Je me remis à bouger nerveusement la jambe, réfléchissant un peu à comment annoncer la suite des choses. Autant rentrer dans le vif du sujet? Mon regard fuyait celui de l'avocat. Je n'arrivais pas à regarder cet homme dans les yeux. C'était plus fort que moi, je ne pouvais pas. C'était trop dur pour le moment. « Voila j'ai... J'ai eu quelques problèmes et j'aurais besoin de renseignements... » Je ne lui dirais pas que j'étais étudiante en droit. Il risquait de me dire qu'alors je lui faisais perdre son temps et que je n'avais pas besoin de ses réponses puisque je devais les avoir dans mes cours. Je ne voulais pas prendre ce risque. « Vous avez du temps à me consacrer? Parce que j'aurais peut-être besoin de temps pour parler... » Je souris légèrement. J'allais avoir un peu de mal à parler de mes problèmes alors je voulais m'assurer qu'il avait le temps et pas un autre rendez-vous ou besoin d'aller au tribunal. Je ne voulais pas déranger, c'était clair. Après... C'était sûr que s'il n'avait pas assez de temps à m'accorder, j'aurais peut-être du mal à revenir le voir... Alors, d'un côté, j'espérais qu'il avait assez de temps. Maintenant que j'avais eu le courage de venir, je savais que j'irais au bout. Si je devais revenir un autre jour, ce serait peut-être une autre histoire...

Spoiler:

Je ne me sentais pas réellement à ma place. Moi, étudiante en droit, je ne me sentais pas à ma place dans un cabinet d'avocats. Ironique, n'est-ce-pas? L'homme en face de moi, Zack Adams, m'avait été recommandé par mon ami Jared. Ils semblaient assez bien se connaître. Il me semblait même que Jared m'avait dit qu'ils étaient meilleurs amis. Mais je n'étais plus très sûre. J'avais si vite rejetée l'idée d'aller voir un avocat que je n'avais pas vraiment prêté attention aux détails entourant le mot "avocat" lorsque le photographe m'en avait parlé. Quoi qu'il en était, j'avais finis par quelque peu reconsidérer l'idée et c'était pourquoi je me trouvais en face de maître Adams. Bien que très nerveuse, j'avais franchis une nouvelle étape dans la reprise en main de ma vie. « J'ai tout mon temps. Le rendez-vous d'après vient d'être repoussé de quelques dizaines de minutes. Quel genre de problèmes ? Rien de grave j'espère ? » Rien de grave...? Si, un peu. Mais je n'allais pas m’apitoyer sur mon sort, hors de questions! J'étais là pour avoir ses conseils en tant qu'avocat. Rien de plus. Le regard baissé, j'avouai: « J'ai... J'ai été agressée il y a un peu plus d'une semaine. » Dis les choses telles qu'elles sont Analiya, te fais pas prier. Pour te renseigner correctement, il fallait que tu précises que c'était de manière sexuelle. « Sexuellement... » J'avalai difficilement ma salive avant de souffler un peu. C'était dit. Il fallait bien de toute façon et j'avais décidé de ne pas m'apitoyer. Je ne voulais pas qu'il ressente de la pitié ou que savais-je d'autre encore pour moi. Je relevai mon regard vers lui. On pouvait voir dans mes yeux que quelque chose m'était arrivé. Même si je faisais mon possible pour paraître "normale". « Je pense déjà connaître les réponses mais bon... Y a t-il quoi que ce soit que je puisse faire, juridiquement? J'imagine que non puisque je n'ai plus aucune trace sur moi et que je serais incapable d'identifier cet homme alors... » Je me doutais qu'il allait me dire qu'en effet, à part porter plainte contre X - ce qui ne servirait à rien sans aucune preuve d'un quelconque crime ni portrait robot de l'agresseur - il n'y avait pas grand chose à faire dans cette histoire.

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