Aeri m'évitait. Je n'étais pas idiote, bien au contraire. Depuis l'incident qui avait eu lieu entre nous quelques jours plus tôt, elle filtrait mes appels et impossible de la voir. Elle ne répondait pas non plus à mes messages. Je ne savais plus quoi faire et pourtant, il était essentiel qu'on discute toutes les deux. Il fallait qu'on parle de ce qu'il s'était passé. C'était une erreur, une simple erreur qui aurait pu arriver à n'importe qui. Et je refusais que cette stupide erreur vienne gâcher notre amitié qui était devenue si importante à mes yeux. J'avais besoin d'Aeri dans mon entourage. Elle était ma meilleure amie, ma confidente. Et ce baiser idiot n'allait certainement pas gâcher ça. Mais comment lui faire comprendre alors qu'elle faisait absolument tout pour éviter de se retrouver face à moi, de me parler? Il fallait que je la coince. Je n'avais pas d'autres choix que de la forcer à me voir. Pour ça, j'avais décidé de me rendre à son école, sur le parking du campus. Je connaissais sa voiture et si elle avait l'intention de rentrer chez elle, elle serait obligée de passer par moi pour monter dans son véhicule. C'était peut-être vache mais qu'auriez-vous fait à ma place? J'étais obligée de la piéger de cette façon. Je me rendis donc sur le parking et je rejoignis sa voiture dés que je l'eus repérée. Je m'adossai contre la portière côté conducteur et j'attendis qu'elle arrive. Mon regard finit par tomber sur elle. Je savais qu'elle allait être gênée. Il n'y avait qu'à voir la façon dont elle s'était enfuie après le baiser. Mais je devais lui faire comprendre que je m'en fichais de ce qu'il s'était passé, que ça n'avait pas d'importance et qu'elle était et resterait toujours ma meilleure amie, quoi qu'il arrivait. Je me redressai et la regardai. Je décidai d'entamer tout de suite pour essayer de faire en sorte qu'elle ne parte pas en courant à nouveau. "Salut... Il faut qu'on parle Aeri... Tu peux pas continuer à m'éviter comme ça... Et puis honnêtement, ma meilleure amie me manque..." Et je savais parfaitement que je ne pourrais pas la récupérer tant qu'on aurait pas eu cette discussion dont la jolie asiatique semblait avoir si peur.

Aeri me manquait vraiment. Elle était ma meilleure amie. Je me confiais à elle, on partageait de supers moments de franche rigolade. On sortait, on s'amusait. On passait de très bon moments ensemble. Et ma meilleure amie me manquait. Vraiment beaucoup. J'avais besoin d'elle et ce n'était pas la bêtise qu'elle avait faite qui allait changer quoi que ce soit entre nous. Elle m'avait embrassée? Et alors? Elle avait bu. Moi-même j'avais bu. C'était un accident. On savait toutes les deux qu'Aeri n'avait pas de sentiments amoureux pour moi. C'était simplement une erreur, une erreur que je ne comptais pas laisser gâcher notre amitié. Il en était hors de questions. Puisqu'elle évitait mes appels et ne répondait pas non plus à mes textos, j'avais décidé d'aller l'attendre sur le campus, contre la portière de sa voiture. Comme ça, elle ne pourrait pas m'éviter. Si elle désirait partir avec sa voiture, elle serait bien obligée de rester. Je l'abordai après m'être détachée de la portière en la voyant arriver. « Comment tu peux avoir encore envie de me parler après ce que j’ai fait ? » Je soupirai en regardant la jolie asiatique. Elle était sérieuse là? C'était pourtant logique! Elle était ma meilleure amie! La réponse était aussi simple que ça! « Ne sois pas idiote Aeri. T'es ma meilleure amie. T'as fait une bêtise, et alors? T'es toujours ma meilleure amie... » Comment pouvais-je la convaincre que rien ne changerait entre nous et qu'elle devait juste oublier ça? J'étais face à elle et je plongeai mes yeux dans les siens. « Oublies ce qu'il s'est passé. On sait toutes les deux que ce n'était rien. » Si elle était amoureuse, oui, ça changerait des choses. Parce que je ne voudrais jamais lui faire du mal ou lui briser le coeur. Mais elle savait très bien, aussi bien que moi, qu'il n'y avait rien de mal à m'avoir embrassée, que c'était juste un égarement. « Et puis tu sais, je peux comprendre que tu ais céder à la tentation... J'ai des lèvres parfaites. » Je ris en la regardant. Je la taquinais. Je voulais qu'elle comprenne que c'était plus drôle que terrifiant pour moi. Je voulais qu'elle comprenne que je m'en fichais qu'elle m'ait embrassée. J'espérais que l'humour l'aiderait à se détendre à oublier cet incident.

Aeri n'allait pas bien à cause du fait qu'elle m'avait embrassée à cette soirée parce qu'elle avait un verre de trop. J'avais beau lui dire que ce n'était rien, elle ne semblait vraiment pas convaincue et ça m'embêtait. Pour être tout à fait honnête, j'avais peur. J'avais peur de perdre ma meilleure amie, celle à qui je confiais tout, celle qui était là pour moi et pour qui j'étais toujours là. Celle avec qui je partageais tout. « Humf ! » Elle n'était pas convaincue par ce que je disais et plus les secondes passaient, plus je sentais que ça allait être difficile pour moi de la convaincre de la véracité de mes propos. Aeri était adorable, une amie en or, mais niveau être bornée, elle battait des records parfois. Je réussis cependant à la faire rire en tentant de détendre l'atmosphère avec une blague, lui disant que c'était normal qu'elle ait cédé à la tentation puisque j'avais des lèvres parfaites. Bien sûr que je plaisantais! Et au moins, ça avait valu un rire de la part de ma meilleure amie. « Tes chevilles vont bien ? » Je souris en hochant la tête mais en la voyant retrouver si vite sont air triste et honteux, je soupirai doucement et mon sourire s'effaça. Je commençais à laisser transparaître la peur que j'avais de la perdre. « Aeri... T'es ma meilleure amie... Je te considère presque comme une soeur tellement on est proche... Et si je dois être honnête avec toi... J'ai pas envie de te perdre... » Je lui parlais avec toute la sincérité dont j'étais capable et mes yeux trahissaient déjà ma peur de perdre celle qui était à mes côtés. Je refusais de m'avouer vaincue mais que pouvais-je faire de plus pour la convaincre que ce que je disais était vrai? Que je pensais sincèrement que ça ne changerait rien, que je ne lui en voulais pas le moins du monde? Que je voulais juste qu'on oublie ça, retrouver ma meilleure amie, et qu'on passe à autre chose? Seule elle devait réussir à oublier cet incident parce que de mon côté, c'était déjà fait. Elle m'avait embrassée, c'était fait, c'était terminé et ça s'arrêtait là, ça faisait déjà partis du passé à mes yeux.

Avec le temps, j'avais appris à connaître Aeri et je savais à quel point elle pouvait être bornée. Mais je pouvais l'être tout autant qu'elle, voir même plus. J'avais beaucoup d'expérience sur la manière d'être bornée, croyez-moi. Et je savais également en prime être très persuasive. De la persuasion, j'en avais aussi acquis de l'expérience au fil des années et ça avait commencé dés mon plus jeune âge. Bon d'accord, ça avait commencé à quatorze ans quand ma mère était malade et que j'avais dû me débrouiller seule pour subvenir à nos besoins, payer ses frais d'hospitalisation et ses médicaments, sans qu'elle sache la réelle teneur de mes travaux chez "la vieille dame" bien sûr. Sinon, elle s'en serait voulu et je ne voulais pas qu'elle s'en veuille. La situation était déjà bien compliqué comme ça et j'avais fait ce qui devait être fait pour elle. Elle avait subvenu à mes besoins toute sa vie et une fois malade, ça avait été à mon tour malgré mon jeune âge. Si c'était à refaire, je le referais sûrement parce que même aujourd'hui, je ne voyais pas d'autres solutions possibles. Et malgré la douleur ressentie après, suite à mes décisions, je le referais parce que j'avais aussi connu des moments heureux que je n'échangerais pas, même si ça avait souvent été difficile. Et quand on est âgée de quatorze ans, on apprend à persuader les adultes croyez moi. Alors oui, j'avais acquis de l'expérience au fil du temps. Mais là n'était pas le sujet.

« Moi non plus, je n’ai pas envie de perdre ma meilleure amie. Mais, je ne suis pas capable d’oublier que j’ai agi comme une conne ! » Je levai les yeux au ciel. Ce qu'elle pouvait être chiante parfois à être têtue comme ça. Même si au fond, je souriais intérieurement parce que je n'aurais pas fait mieux, bien que ça aurait été dans une situation toute autre et vraiment très différente de celle-ci. « Hey! On veut pas se perdre mutuellement, si c'est pas beau ça? Alors on oublie tout et on passe à autre chose. » Je lui adressai un sourire avant qu'enfin, elle ne semble lâcher prise. « Ok, d’accord, je vais essayer d’oublier. » Mon sourire devint encore plus grand quand enfin elle prononça ces quelques mots libérateurs, en quelques sortes. « Yay, enfin! Et tu vas pas seulement essayer, tu vas y arriver crois moi. Aller, on va se faire un peu de shopping toutes les deux? » Bah quoi? Il fallait bien qu'on passe à autre chose alors on allait pas parler de ce baiser une seconde de plus et je lui proposai une activité relativement féminine qu'on fait souvent entre amies. « On va te dégotter une tenue d'enfer pour séduire quelqu'un. Homme ou femme, on s'en fiche. Tu vas voir. » Je la taquinais. Même si c'était vrai que j'espérais qu'elle trouverait bientôt chaussures à son pieds, jamais je ne l'obligerais à aller draguer ou quoi que ce soit. Je ris avant d'embrasser sa joue. « Je rigole. Mais par contre, je suis sérieuse pour le shopping si ça te tente. » Ah ça oui, j'étais tout à fait sérieuse pour une séance shopping si elle avait un peu de temps à consacrer à sa meilleure amie, c'est-à-dire moi.