Cela faisait maintenant trois semaines qu’Aymeric était rentré à la maison. Je ne m’en sortais pas trop mal. Du moins, c’est ce que j’osais croire. Cela était plus facile pour moi afin de tenir le coup. Une semaine plus tôt, j’avais été contactée par l’armée. Cela avait toujours été mon plus grand stress : qu’on m’annonce le décès de mon frère. Je pense que je ne le supporterais pas. Je lui en voulais d’être parti, c’est certain… Mais le savoir mort n’arrangerait rien. Apparemment, son convoi avait été attaqué. C’est tout ce que j’avais su. J’avais du attendre trois jours afin de savoir si Ilow était vivant et dans quel état il était. Je n’en avais pas dormi. J’avais bu quelques verres par jour. Je m’étais débrouillée pour ne pas trop croiser Aymeric. De toute façon, on ne peut pas dire que notre relation était au beau fixe. Il ne connaissait pas l’existence d’Ilow. J’avais donc préféré me taire…
Un coup de fil d’un numéro inconnu retentit sur mon téléphone. Je décrochais très rapidement. Ilow était dans un état critique et engagé. J’étais médecin. Ils auraient pu détailler. Mais je ne sus rien. Plus d’autres nouvelles jusqu’aujourd’hui. Mon frère semblait être rentré sur le territoire canadien, à Toronto en plus. Il m’avait contactée pour que nous nous rencontrions à l’hôpital. Je ne m’étais pas faite prier. J’avais, de nouveau, appeler la baby sitter pour qu’elle garde Rose. « J’ai rendez-vous à l’hôpital. Je reviens ce soir, ça va aller ? ». J’écoutais sa réponse avant de franchir la porte de la maison. Être dehors et seule ne pourrait me faire que du bien. Je montais dans la voiture et roulais à toute vitesse vers l’hôpital. Je m’étais garée sur une place réservée aux médecins. J’avais le droit, j’en étais une, non ? A peine dans le hall d’entrée, je l’avais reconnu. Il était là, assis. Des larmes me montèrent aux yeux. Je lui en voulais mais j’étais tellement heureuse de le voir en vie. Je lui sautais dans les bras. Nous avions toujours été très fusionnels. Les contacts physiques m’avaient manqué. « Je suis tellement heureuse de te voir, et en vie ! ». Une chose est sûre, je n’allais pas le lâcher de suite…

J’étais dans les bras d’Ilow. Je ne me souvenais plus de cette sensation. Retrouver son frère que l’on n’a plus vu depuis plus d’un an, il n’y a pas d’explication. J’en perdais mes mots. Je resterai bien à ses côtés le reste de la journée. Je souris alors, me détachant doucement de lui. « On ne va pas rester là, si ? Tu ne préfères pas que nous allions boire un verre ? ». Il avait peut – être des choses de prévue. Mais j’avais besoin de le retrouver, de lui expliquer ma vie. Mais aussi de savoir comment c’était pour lui là – bas, ce qui fait qu’il était resté. Il y avait beaucoup d’animations dans le hall des urgences. Puis, je savais que j’allais devoir reprendre du service tout doucement. Finalement, je n’attendais que ça. Il fallait que j’aille voir le directeur de l’hôpital afin de voir ce qu’il était possible de faire. J’étais certaine qu’il exigerait de moi des examens hebdomadaires afin de surveiller ma consommation. Mais, finalement, c’est peut – être de cela dont j’avais besoin. Je n’avais plus de soutien. Mon mari ne l’était plus vraiment. Mon frère était de retour mais n’était au courant de rien. Je souris alors, tout simplement. C’était tout ce qu’il y avait à faire, non ?
J’avais réellement envie de savoir ce qu’il s’était passé, ce qu’il avait eu. J’étais médecin et bien apte à le comprendre. Certes, ce ne serait pas de la pédiatrie mais tout de même. J’avais les bases ! Il m’était arrivé de travailler dans d’autres services tels que la médecine interne, la traumatologie aux urgences, l’orthopédie, la gériatrie sans oublier l’endocrinologie. L’hôpital de Toronto était immense. Il était encore aisé de se perdre d’ailleurs… A la base, j’étais la meilleure étudiante de mon année. Mon boulot, c’était toute ma vie. J’enchainais les gardes. Et puis, la vie a fait que…