J'suis devenu SDF, poto.

Hope & Luka

Les bras croisés sur le torse, un bonnet sur la tête et vêtu d'un débardeur blanc, Luka n'avait strictement rien de coordonnés. Dans son style autant que dans sa tête. Disons qu'il était habillé comme s'il était encore à San Francisco. D'un côté, le jeune homme avait du mal à s'y faire. Cela ne faisait qu'une petite dizaine de minutes qu'il attendait, fixant le tapis roulant, immobile dans l'aéroport. Il y était. Il était de retour, dans sa ville, où il avait laissé tout ce qui lui tenait à coeur, deux ans plut tôt. Il était de retour dans la ville où il l'avait abandonné, dans la ville où il avait complètement laissé tomber Rosalie. En attendant que ses sacs passent sous ses yeux, il avait eu plus que du temps pour penser. Et il avait eu surtout plus que du temps pour s'exaspérer. Ces foutus aéroports, comme les gares prenaient bien leur temps pour faire le nécessaire afin de satisfaire leur client. Luka soupira longuement avant de voir deux de ses trois sacs débouler par le tapis roulant géant. « Beh c'est pas trop tôt.. » Quelques minutes plus tard, le dernier sac, légèrement plus gros que les autres, arriva. A y regarder de plus près, il n'avait pas tant d'affaires que ça pour quelqu'un qui était parti pendant deux ans. En fait, il ne s'était pas rendu à San Francisco avec trois tonnes de trucs, alors, en comparaison à ce qu'il avait emporté,  on pouvait dire qu'il y avait beaucoup plus. Après avoir trouver comment porter les trois sacs, ni une, ni deux, le jeune homme, se dirigea vers l'extérieur de l'aéroport dans le but de prendre un taxi. Il devait aussi téléphoner à son propriétaire pour régler quelques détails concernant son appartement mais il avait décidé de le faire une fois installé dans une voiture. Et ce n'était pas près d'arriver.

Il y avait, dehors, un paquet de monde qui comme lui patientait pour prendre un taxi. C'était mal barré. S'il y avait une qualité qu'il n'avait pas, c'était la patience. Il était même plutôt du genre à être carrément impatient. Et attendre, deux heures un taxi pour pouvoir rentrer chez lui, ce n'était pas son truc du tout et pourtant, il n'avait pas vraiment le choix s'il voulait éviter de faire la route à pied avec pas mal de poids sur le dos. Accoudé à une barrière, les sacs à ses pieds, il décida finalement de passer le coup de fil important, en attendant. A la recherche du numéro, il soupira. Non, vraiment, il avait beaucoup trop de contact, depuis que sa vie n'avait plus rien de tranquille. Depuis son départ, la plupart ne l'avait plus contacté, la plupart était des hypocrites et il le savait. Il allait devoir faire le tri là dedans aussi afin de ne garder que l'important. Et le prénom qui venait de passer faisait parti de l'important. Rosalie. Depuis quand n'avait-il pas utilisé son numéro ? Et si elle l'avait changé ? Il ne pouvait même pas le savoir. Enfin, ce n'était pas le moment. Sélectionnant le contact souhaité, il porta le téléphone à son oreille. La conversation débuta avant de rapidement dégénérer. Le volume de la voix du jeune homme avait clairement augmenté et des gens commençaient à se retourner vers lui, le dévisageant. « Comment ça, je peux pas le récupérer ? Vous vous foutez de ma gueule ou quoi ! Ça fait plus de trois semaines que vous êtes au courant ! Quoi ?! Mais je m'en fou ! Je fais comment moi ? Vous êtes gérant ! Pas propriétaire ! Vous étiez prévenu et vous me foutez dans la merde ! Vous allez devoir trouver une solution parce que je compte pas traîner à l'hôtel alors que j'ai un appart' hein ! Ouais...  Ouais c'est ça, démerdez-vous ! »

Il était profondément dans la merde. Et agacé alors qu'il venait de mettre les pieds dans sa ville. Non décidément, il pouvait penser que c'était de la malchance. Entre San Francisco et Toronto, la poisse ne l'avait pas quitté et ça c'était bien dommage. Dans tous les cas, il fallait qu'il trouve une solution avant de se retrouver à dormir dehors. Il pouvait aller chez son père dans la demeure familiale, mais ce n'était même pas une idée qui lui avait traversé l'esprit. Il avait quitté la grande maison dès qu'il l'avait pu, et ce n'était pas pour y retourner loin de là. Rosalie, n'était pas non plus une piste à exploiter, loin de là. Et si l'option "maison à papa" était à rayé de la liste, celle de "maison de l'ex petite amie abandonnée" n'y avait même pas figuré. Mais heureusement pour lui, quelqu'un dans cette ville ne pouvait que se réjouir de son retour, et il venait tout juste d'y penser. « Excusez moi, vous pouvez m'emmener à cette adresse finalement ? Merci. » Okay, voilà un problème d'expédié. Se lovant dans le fauteuil de cuir de l'auto, il basculait d'une application à l'autre sans vraiment regarder quoi que ce soit. Perdu dans ses pensées, il avait l'air d'être un gars complètement calme et normal. Mais ce n'était pas le cas. Ce qui était bien avec Toronto, c'était la distance qui le séparait de San Francisco. Au fond, il espérait vraiment avoir laissé là bas tout ce qui avait été mauvais, tout ce qui lui avait nuit. Puis, au bout d'un petit moment, la voix cassé du conducteur vint chassé ses multiples inquiétudes. Il était arrivé. Sortant de la voiture, il en extirpa ses bagages en remerciant et payant l'homme qui l'avait conduit. Il s'approcha alors de la grande porte, et jeta un oeil, à la sonnette. J. Hope Roy. Ouais c'était toujours la que vivait son avocat préféré. Satisfait, et déposant ses sacs sur le perron il toqua. Après quelques instants, un type à la barbe mal rasé et à la coiffure complètement décoiffé, ouvrit, et ne cacha pas sa surprise. Un large sourire s'afficha sur le visage de Luka.

« Beh alors, fait pas cette tête ! On dirait que t'as vu un fantôme, Hope. J'suis pas encore mort mais tu vas pas me croire, j'suis devenu clodo... »

Le Williamson sourit de plus belle. C'était bon de revoir cette bouille d'abruti.

J'suis devenu SDF, poto.

Hope & Luka

Il se demandait vraiment s'il n'aurait pas dû choisir le domicile familiale. À la réflexion, si débarquer chez Rosalie après deux ans comme le parfait abruti qu'il était, était une idée impensable au possible, se pointer comme un con chez son meilleur ami n'était peut être pas non plus le mieux à faire. Mais bon, l'idée de revoir son père et sa connasse de belle mère et devoir lui demander de l'héberger,  ce n'était même pas envisageable. C'était même à rayer de la liste, ou bien à ne jamais l'y mettre. Il ne comptait pas y aller, c'était hors de question.
Il n'était pas parti de l'enfer pour y retourner.  Non, loin de là. Il n'y voyait aucun intérêt. Même Aileen avait fuit. Il ne restait plus qu'eux et c'était leur faute. Donc oui! Quitte à se faire refouler, il préférait quand même prendre le risque et essayer de passer du temps avec son plus proche collègue plutôt que de retrouver sa chambre poussiéreuse et ne plus en sortir jusqu'à récupérer son appartement. Vraiment, même si ce n'était pas une idée brillante, la maison d'Hope était la meilleure. Déjà, dans le taxi, Luka pensait à ce qu'ils allaient pouvoir faire, ce qu'il avait à lui raconter. Surement que les frasques qu'il avait fait à San Francisco ne lui avait pas échappé. Surement qu'il avait du le traiter de tout en se demandant comment il pouvait faire des choses pareils sans prendre la peine de lui passer un coup de fil. C'était à se demander s'il ne méritait pas que lui aussi, lui claque la porte au nez. Cela lui fit penser à Rosalie. Comment allait-elle réagir en le voyant ? Comment allait-il s'y prendre pour l'approcher ? Tout un tas de questions tournaient dans sa tête. Mais l'a plus importante était: Hope se trouvait t'il chez lui, ou avait-il passé la nuit ailleurs ? Pour la première fois depuis deux ans, Luka espérait que son meilleur ami ne s'était pas amusé toute la nuit. Souvent il s'était dit qu'il devait s'éclater sans lui, mais cette fois, il voulait croire que c'était impossible. Il y croyait fortement.

Le taxi étant arrivé, il sortit de la voiture pour récupérer ses sacs dans le coffre et payer le vieux bonhomme qui l'avait conduit. Il n'avait pas le souvenir que Hope vivait dans quelque chose d'aussi..  Grand. D'un côté, c'était rassurant. Il ne manquerait pas de place pour accueillir son meilleur ami, n'est ce pas? Pour peu qu'il accepte de le loger chez lui, bien entendu. C'était ce que se demandait Luka. Allait-il être content de le revoir avec deux ans ? Surement, même s'il était possible qu'il se prenne une bonne tôlée. En fait, ce n'était pas possible, c'était sur et certain. Connaissant Hope, il avait deux chances sur trois de se prendre une tarte et pourtant, en appuyant sur la sonnette, il ne s'était pas préparé à la prendre réellement. Le jeune Roy avait une tête de mec qui sortait du lit. Pyjama,  barbe mal rasé et petites poches sous les yeux. A la réflexion, il avait la même tête que lorsque le jeune Williamson était encore à Toronto, mais ce n'était pas les Skype qui lui avait permis de garder un souvenir parfait de ses traits. L'observant, et un sourire étirant ses lèvres, il prit la parole avant même que son pote ne puisse dire quoi que ce soit. Il expliqua vaguement la situation, en ne s'étalant pas sur la nullité de l'homme qu'il avait eu au téléphone un heure plus tôt et privilégiant les détails importants, soit, un, qu'il était à la rue et que deux, il ne rêvait pas, c'était bien lui. Un court silence s'installa jusqu'à ce que le jeune avocat réagisse et comme il s'y attendait, lui colle une baigne. Et pas une petite, non. Une bonne, une de celles qu'ils avaient l'habitude de se filer. La tête du Quater Back, heureusement pour lui, habituée au choc, eut un mouvement de recul, avant de se reprendre. Ok. Il la méritait. Et encore que, elle avait été gentille contrairement à ce qu'il aurait pu lui mettre. Pour se soulager,  il passa sa main sur sa joue et soupira. « Ça, j'avais oublié ! » Et il ne pouvait rien dire, Hope, lui, avait les bons arguments. Il en avait pris une pour être partie deux ans, et c'était clairement justifié.  Le jeune homme s'attendait à en prendre une autre, mais c'est souriant, que l'avocat lui ouvrit la porte pour lui permettre le passage. Okay. Voilà une bonne chose de faite.

Les sacs portés à l'intérieur par les deux jeunes homme et la porte se refermant, Luka jeta un oeil aux alentours. Hum, oui, ça y était il se souvenait. Il avait passé du temps dans cette baraque. Avant des soirées ou après. Pendant même. Il avait fait beaucoup de chose ici. « Ça a pas tellement changé hein ! Je suppose que tu planques toujours une ou deux bouteilles de tequila quelque part hein ? » Et persuadé que c'était le cas, il n'attendit même pas une réponse pour commencer à se diriger vers la cuisine. « Oui, je sais ! Il est tôt, même très tôt pour boire, mais ! Parce qu'il y a toujours un mais, avec moi, j'ai envie de boire un verre à nos retrouvailles ! » Un placard, puis deux puis trop. Ah! Elle était là. Tequila, ô tequila ! Ça faisait un bail qu'il n'avait pas fait ça. Ça faisait un bail qu'il n'avait pas bu un verre avec son meilleur pote. Sans même se demander s'il en voulait, le jeune homme prit deux gobelet qu'il avait trouvé par hasard et versa l'alcool dedans. « Aller mon pote ! Comme au bon vieux temps ! » Et alors qu'il lui tendait le verre, il avala le sien cul sec. « Bon ! On a trop de choses à se dire pour le faire debout ! Je propose qu'on se mette dans le salon, immense que tu as, avec...  Ça ! » D'un geste naturel, il attrapa la bouteille et l'agitation. Ouais, la, il allait boire, de la meilleure façon qui soit. Avec Hope.

J'suis devenu SDF, poto.

Hope & Luka

On pouvait se dire que les bonnes manières, ce n'était pas vraiment son truc. En y réfléchissant bien, cela ne se faisait pas. Enfin ... On ne débarquait pas chez quelqu'un sans prévenir, bagages à la main, en s'imposant -parce que c'était clairement ce qu'il avait fait- et sans laisser le choix à la personne. Ah ça ! Hope, n'avait pas vraiment eu le choix. Dire oui, ou non, il n'avait pas pu. Surtout face à son meilleur pote, qui était sur son paillasson avec trois sacs, les uns plus gros que les autres avec l'air de dire "t'as pas le choix, frère!". Et pas chance, il avait été accepté mais pas épargné d'une baigne. Qu'il méritait amplement, soit dit en passant. Il en méritait même plusieurs, mais la première avait précédé une étreinte amicale. L'un comme l'autre était très heureux de se revoir, si ce n'était pas pire. En mettant les pieds dans la maison, Luka ne put s'empêcher de se rappeler un tas de souvenirs, un tas de moments passés dans cette demeure. Les nuits blanches, les lendemains de soirées, les cuites. C'était le bon temps!

Rapidement, le sportif avait fait comme chez lui, il avait pris ses aises. Après tout, il n'y avait jamais eu de gênes entre les deux-là. Ils s'étaient toujours bien entendus et ne s'étaient jamais rien empêché de faire. Bien au contraire. Ils faisaient tout ensemble, que ce soit conneries ou choses bien. Mais l'un avait des responsabilités d'avocat et n'était surement plus aussi enthousiaste qu'avant pour sortir. En tous les cas, à cette pensé, Luka espéra qu'il parviendrait à arranger cela si jamais c'était le cas. Après seulement une ou deux minutes passées dans le séjour, le jeune homme se dirigea directement vers la cuisine, dénicha une bouteille d'alcool et attrapa deux verres, avant de s'adresser à son ami. Il était tôt pour boire, et Hope confirma cela mais rien ne pouvait arrêter Luka quand il décidait quelque chose et là, il voulait fêter leurs retrouvailles. « Eh beh t'as d'la chance que j'sois pas arrivé à huit heures du mat' alors ! » Il sourit. « Va pas me faire croire que t'es du genre à chipotter pour boire, toi ! Ou alors t'as bien changé! »

Tous deux s'installèrent sur le canapé et Luka fit couler de la tequila dans deux verres avant d'avaler le sien cul sec ! On pouvait dire qu'il était assez en forme malgré le petit soucis qu'il avait rencontré avec son appartement en arrivant. Oh et puis, comment tirer la gueule en compagnie de son avocat préféré. « Je te préviens mon petit, un verre ou deux, mais pas plus... » Cette phrase puait l'hypocrisie et n'avait fait que rire Luka. Il n'aurait jamais cru entendre Hope dire ça un jour. « Oula ! Je sais pas comment elle s'appelle, mais heureusement que je suis revenu parce que un verre ou deux, mais pas plus, c'est pas du toi .. C'est pas du tout nous ! J'crois que t'as oublié ce qu'on a pu boire en quantité et ce qu'on a pu faire ensemble mais t'as d'la chance ! Regarde moi, bien ! J'vais t'rafraichir la mémoire, mon gars ! » C'était clair que ça ne lui ressemblait pas du tout, et Luka était persuadé qu'à l'instant où la phrase avait quitté la bouche de son collègue, celui ci s'était rendu compte que ça ne pouvait pas être ainsi. Il y avait quelque chose de différent chez Hope, et le quater back comptait bien retrouver celui qu'il avait quitté, il y avait déjà deux ans.

Il soupira, se reservit un verre et s'enfonca dans le canapé après avoir posé la bouteille sur la table basse. « Alors, c'est quoi son joli nom, à c'te demoiselle ? Et me dit pas, que tu vois pas de quoi tu parles !     » En fait, il disait ça au hasard. Il voulait savoir s'il y avait une femme, et si c'était ce qui l'avait changé un peu. « Bon, tu sais quoi ? J'vais commencé moi, comme ça t'as le temps de te préparer pour m'annoncer que y'a une meuf qui vient passé ses soirées ici régulièrement ! Okay ? » Il avala son verre. Les jeunes filles ne venaient jamais régulièrement dans cette maison, dans les souvenirs de Luka. Elles étaient toutes passagères. Et aucune ne remettait jamais les pieds ici. Combien en était-il venues ? C'était une très bonne question.  « Bon ... J'vais te dire la vérité! San Francisco, c'était vraiment génial, à quelques exceptions près. Je suppose que t'as du voir ça sur internet ou dans les journaux ... Ah ! Y'a eu Lizzi aussi ... Cette meuf, c'était vraiment un truc de malade ! » Et comme pour laisser du suspens au sujet de cette nana, il remplit une nouvelle fois son verre et avala quelques gorgées, une sourire malicieux sur les lèvres.