Ce soir, Aymeric sortait avec des collègues. Quant à moi, j’avais prévu de rester bien sagement à la maison. Sortir voire Rosalie était une mauvaise idée. Même sortir tout court en était une. Mon sevrage était encore trop récent. Et je savais que je pourrais être tentée facilement. Je le laissais donc partir, à contre cœur. Mais il ne sortait jamais entre amis. Nous étions toujours ensemble ou lui était seul à la maison. Je ne m’étais donc pas énervée. Je l’avais embrassé comme il se devait avant qu’il ne parte. « Ne t’en fais pas pour moi. Profite de ta soirée surtout ! A tantôt, mon cœur. ». Je souris doucement et l’accompagnais jusque la porte. Bon, j’avais une soirée entière pour moi. Qu’allais – je bien pouvoir faire ? Je me pris un énorme pot de chips et ni une ni deux, je me coinçais dans le fauteuil. Une petite couverture sur moi, un verre de coca et je lançais un épisode de ma série préférée. Cela faisait un petit moment que je n’avais pas pris le temps de regarder. Je passais le plus clair de mon temps à travailler ou avec Aymeric. Et disons que je ne voulais pas lui imposer ce genre de séries. Je m’enfilais deux épisodes de suite. Je regardais mon téléphone portable de temps en temps espérant recevoir un message d’Aymeric. Je mettais un point d’honneur à ne pas craquer la première. Je ne voulais surtout pas le déranger. Je me levais alors et me dirigeais vers la cuisine pour ranger tout ce que j’avais sorti. C’est alors que je tombais sur cette bouteille de rhum. Je l’avais commencée l’autre jour mais jamais finie. Je sentais qu’il me fallait très peu pour chavirer. Non, Louise, tiens bon ! C’est comme cela que j’entrepris de sortir rejoindre Aymeric. Il m’avait toujours dit que si j’avais un soucis ou que si j’étais sur le point de craquer, je devais aller le voir. Je m’habillais alors de façon un peu plus décente qu’un simple training. J’enfilais un jeans moulant ainsi qu’une blouse aux longues manches mais légèrement décolleté. Je ne sortais pas pour le plaisir, j’allais juste chercher du réconfort auprès de mon petit ami. Je pris donc la voiture. Et il ne me fallut que peu de temps pour rejoindre le bar où se trouvait Aymeric. J’avais tout de même veillé à mettre des talons. Nous n’étions jamais sortis avec des amis d’Aymeric et je voulais qu’il soit fier de moi quand même. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’entrais dans le bar. Aymeric embrassait… une autre fille ? Sans me contrôler, j’allais en leur direction. Je regardais cette fille. Et encore, je suis gentille. Ni une ni deux, j’attirais Aymeric vers moi et l’embrassa à mon tour. « Malheureusement pour toi, il est déjà pris. Alors, la prochaine fois, renseigne – toi avant ! Enfin quoi que … déjà pris. Peut – être plus pour longtemps. Si tu en veux vraiment, je te le laisse ! ». Je me tournais alors vers Aymeric. « Super, la confiance ! Je te laisse t’amuser avec tes amis ! ». Je mis des guillemets autour de ce dernier mot. J’étais hors de moi. Mais il y avait trop de tentations ici. Ni une ni deux, je quittais cette pièce pour rejoindre ma voiture.

Je regardais cette file de bas en haut. Il me semblait l’avoir déjà croisée quelque part… A l’hôpital ? Aymeric et elle pouvaient donc avoir une relation de plus longue durée. Mais quelle imbécile ! « C’est moi qui suit totalement folle ? Et embrasser un mec déjà pris, ce n’est pas de la folie peut – être ? Tout le monde sait que nous sommes ensemble. Tout le monde ! ». Je ne surenchérissais pas. Préférant partir loin. Loin de toute cette tentation. Mais aussi loin d’Aymeric et de sa nouvelle copine… Qu’allais – je bien pouvoir faire ? Il me fallait trouver un endroit neutre ; Un où je ne pourrais pas craquer. Il était donc hors de question de rentrer à la maison. Il y avait encore des bouteilles un peu partout. L’hôpital ? Mon service ? Cela me semblait être une bonne idée. Je pourrais décharger un de mes collègues de sa garde et la prendre à sa place. J’étais complètement clean, je n’avais pas un verre dans le sang. Je pouvais donc travailler.
C’est elle qui est venue vers elle. Ah ah ah, la bonne excuse. Un peu facile, non ? Je ne rétorquais rien. Je voulais juste sortir. Sortir de ce bar. Prendre l’air, prendre a voiture et partir. J’en avais assez vu pour ce soir… J’avais à peine fait quelques pas dehors qu’Aymeric m’attrapait par le bras. « Pourquoi pas, hein ? Maintenant, laisse – moi. Va profiter de cette p*te ! Elle t’apportera bien plus que moi sur ce plan – là, c’est certain. Profite de ta soirée seulement. Mais je ne suis pas sûre que tu me retrouveras à la maison ensuite. Tu peux donc la ramener, si tu en as envie. La maison sera complètement vide ! ». Je me lâchais de son emprise et couru en direction de ma voiture. Je n’étais pas garée très loin. Alors, même si la fatigue se faisait sentir, je ne courais pas bien longtemps. Je n’arrivais pas à croire qu’Aymeric avait embrassé cette autre fille. Tout allait pour le mieux entre nous depuis deux semaines. Nous ne nous étions pas vraiment disputés. Je tenais le coup. On s’aimait quoi… Je ne comprenais vraiment pas.

Je n’avais pas entendu la réflexion de cette fille. Je pense que j’étais capable de me battre. Et vu mon état de santé, mieux valait ne pas recevoir de coup dans le ventre. Mais je me promis, si je devais la recroiser, de lui mettre mon poing dans la figure. Parce que ce serait plus fort que moi. Mais surtout, cela me ferait un bien fou !
Finalement, les garçons étaient tous pareil. Et dire que je pensais être tombée sur cette perle rare. Il me faisait revivre, m’avait redonné confiance en moi. Je passais de bons moments à ses côtés. Mais là, il m’avait déçue. Mille et une questions trottaient dans ma tête. Est – ce que cela faisait longtemps ? Depuis le début de notre relation ? Il avait beau me dire qu’il n’y avait jamais rien eu entre – eux, je ne le croyais pas. « Et qui me dit que c’est la première fois que tu la vois, hein ? Elle travaille avec toi, tous les jours. Vous aviez bien des occasions. Et puis, elle, elle n’a pas de problème, hein. C’est tellement plus simple. ». Je me dirigeais alors vers la portière conducteur. J’en avais vraiment assez vu. « J’ai besoin d’être seule. ». Je claquais alors la portière et veillais à ce qu’Aymeric ne puisse pas monter dans la voiture. J’avais le verrouillage central. Il fallait bien qu’il serve à quelque chose, non ? Je démarrais alors le moteur et mis une de mes chansons favorites. Un peu de musique classique. Il fallait que je me calme. Pas que pour moi, pour mon bébé aussi. Oui, zut ! J’étais enceinte de lui. Et il fréquentait une autre fille… Je démarrais en trombe. L’hôpital était un peu plus loin. Dix minutes plus tard, j’y étais. Et toujours en vie malgré la vitesse. J’avais appuyé tellement fort sur la pédale d’accélérateur. Je montais directement dans mon service. J’y croisais un des mes potes internes. Il semblait tellement fatigué. Je lui proposais alors de reprendre sa garde sans expliquer dans les détails la raison. Je devais travailler, point. C’est tout. Je me réfugiais dans mon travail plutôt que dans l’alcool et j’étais plutôt fière de moi. Je savais qu’Aymeric ne penserait pas à me chercher ici. Je demandais rapidement à mes collègues et infirmières de me dire si Aymeric rôdait dans les parages. Je ne voulais pas le voir.

J’avais à peine écouté Aymeric. Je ne voulais pas de ses explications. Pour moi, c’était clair et net. Il avait déjà embrassé cette fille. D’aussi loin que je me trouvais, cela n’avait pas semblé lui déplaire. Je me demandais alors depuis combien de temps ils étaient ensemble. Depuis le début de notre relation ? Et pourquoi ? Qu’avais – je fait de mal ? Je n’assouvissais pas ses désirs ? J’étais trop compliquée ? Je me remettais tellement en question. J’étais donc arrivée à l’hôpital. J’avais pris la garde d’un de mes collègues. Mais même ici, j’étais tentée. Tellement tentée. J’avais laissé une flasque dans mon casier en cas de coup dur. Et c’était un coup dur là. Je me dirigeais donc vers les vestiaires et ouvrais mon armoire. Non, Louise, c’est pas possible. Tu ne peux pas recraquer. Pense au bébé. Je me souvenais alors de ce Samuel, l’ami d’Aymeric. Il était au bar, j’avais croisé son regard. Lorsque j’avais appris ma grossesse, j’étais montée en trombe au service de psychiatrie pour parler avec Aymeric. Mais il était occupé. Un autre s’était alors proposé : ce fameux Samuel. Aymeric m’en avait déjà fait des éloges. Il prétendait d’ailleurs qu’il était le meilleur de tous. Bon, je n’étais pas d’accord avec lui. Persuadée que c’était Aymeric le meilleur. Je quittais donc cette pièce et pris le soin de fermer mon armoire. Ni une ni deux, je montais quatre à quatre les escaliers jusqu’au service d’Aymeric. Je savais qu’il ne s’y trouvait pas. Mais il devait bien y avoir un psychiatre de garde, non ? Je priais pour que ce soit Samuel. « Pouvez – vous contacter le Docteur Wattes ? C’est pour une urgence ? ». Je tournais en rond dans cette pièce, essayant de me calmer. Samuel n’arriva que dix minutes après. Il était obligatoire pour les médecins de garde de ne pas se trouver trop loin de l’hôpital. Il fut surpris de me voir. « Louise ? ». Je le regardais alors, tête un peu baissée. « Oui, j’ai besoin de parler. Je peux vous demander de ne pas contacter Aymeric, s’il – vous – plaît ? ». Même s’ils étaient amis, il devait respecter le secret médical. Mais disons que c’était compliqué… J’étais, à la base, une patiente d’Aymeric. « Euh oui, pas de soucis. Viens, entre dans mon bureau. ». Je ne savais pas si je devais le tutoyer ou le vouvoyer. J’optais alors pour cette deuxième option. Mieux vaut ne rien risquer. « Que se passe – t – il ? ». Aymeric devait, très certainement, lui avoir parlé de moi et de mes problèmes… « J’ai besoin d’un verre, j’ai besoin de me piquer. J’en peux plus là. Il me faut quelque chose. ». Il me regardait alors. Aller savoir pourquoi mais il s’était approché de moi. Il jouait plus le rôle d’un ami que d’un médecin. « Calme – toi Louise. Allonge – toi, respire. ». Bon, j’avoue, il était plutôt doué dans le domaine. « Vous vous rendez compte ? Sortir avec une autre fille. Je ne suis pas bien, c’est ça ? Je ne lui suffit pas ? Je ne comprends pas. J’ai beau chercher, je ne trouve pas de réponse. ». Je m’énervais de plus en plus. Mon rythme cardiaque s’accélérait. « Louise, ce n’est pas bon pour ton bébé. Tu dois vraiment te calmer… ». Il ne savait pas comment réagir ni vraiment comment me prendre. « Je pense que tu devrais discuter avec Aymeric. ». C’était la parole de trop. Je ne voulais pas parler à Aymeric. Je me levais d’un bond et me dirigeais vers mon service où je trouvais refuge dans une salle de repos.

Vingt bonnes minutes étaient passées. J’avais pleuré toutes les larmes de mon corps. Et je ne savais toujours pas que faire. J’étais perdue. De toute façon, j’avais pris la garde de mon collègue. Je ne pouvais quitter l’hôpital. J’y étais coincée jusqu’au lendemain matin maintenant… Je reçu alors un message d’un copine infirmière. « Aymeric est là. Il est dans le service et te cherche… ». Zut, il m’avait retrouvée alors ? D’un revers de manche, j’essuyais mes joues. Mon maquillage avait coulé. Mais je ne m’en faisais pas pour cela. Je règlerai le problème plus tard. Une chose à la fois. Je me préparais à sortir lorsque la porte s’ouvrit. C’était Aymeric, qui d’autre ? Je le regardais alors. Nous étions dans la même salle de repos que la fois passée. Cette fois où nous nous étions engueulés après qu’il ait pris la fuite… Je le regardais alors. « Je vais travailler, les petits ont besoin de moi ! ». Foutaise. Ils dormaient tous. Et la nuit semblait plutôt calme pour une fois. Il n’y avait pas encore eu de problèmes. Juste la petite Noémie qui n’arrivait pas à dormir apparemment. Je m’étais promise d’aller la voir un peu plus tard pour vérifier que tout allait bien. Il y avait aussi le cas Gabriel à surveiller. Mon collègue l’avait tout noté sur un petit papier qui trainait maintenant dans la poche de ma blouse blanche. « Qu’est – ce que tu fais là ? Comment tu m’as trouvée ? ». J’avais ma petite idée mais j’espérais qu’elle ne soit pas vraie. J’aurai du me douter que Samuel transmettrait l’information à Aymeric. Il n’avait pas tenu le secret médical. Je lui en voulais. Mais au fond, Aymeric était à côté de moi. Il n’était plus avec cette fille. Je fermais alors les yeux quelques secondes. Je les vis s’embrasser, encore une fois. Cette image me tournait en tête depuis une heure maintenant… Et cela me rendait tellement malheureuse.

Si les petits pouvaient attendre ? Ils étaient ma priorité… Mais il est vrai qu’il n’y avait pas de soucis. Ils étaient gentiment dans les bras de Morphée. Et puis, au besoin, j’avais mon bipeur. Il était là pour ça, non ? Je ne devais pas rôder dans les couloirs toute la nuit non plus. Les infirmiers étaient, eux, tous réunis dans une même pièce. Certains jouaient aux cartes, d’autres lisaient et encore d’autres regardaient la télévision. Je ne devais donc pas m’en faire. De toute façon, je ne savais pas sortir. Aymeric faisait barrage devant la porte. Je n’avais pas assez de force pour me confronter à lui. « Il n’était censé rien te dire. Vive la confiance ! ». J’étais fâchée. J’avais fait confiance à cet inconnu. Je m’étais un peu livrée à lui, j’avais lancé un appel à l’aide. Je lui avais demandé expressément de ne pas faire appel à Aymeric. Et … il l’avait fait. Mais pourquoi ? Pourquoi ? « Pourquoi il était inquiet, hein ? ». Je ne m’énervais pas encore. J’étais fatiguée de pleurer. Il me fallait le temps de reprendre des forces. Il mit alors sa main sur ma joue. Il me touchait… Je reculais d’un bond, refusant d’avoir un contact physique avec lui. Il venait de me tromper avec une autre fille. « Et tu veux aller où, hein ? ». Je pensais alors à son bureau. Il devait être d’office insonorisé. Les constructeurs avaient du prendre un minimum de précautions quand au service de psychiatrie. Ce qui s’y disait devait rester entre le médecin et le patient… normalement ! « De toute façon, j’ai pris la garde de mon collègue. Je suis coincée ici jusque 7 heures du matin. ». Il ne devait certainement pas s’attendre à celle – là. Je ne la lui avais jamais faite. Je m’étais toujours réfugiée dans l’alcool en cas de coup dur…

Comment je pouvais savoir qu’il ne lui avait rien dit ? Il n’était déjà pas censé l’appeler… « Et pourquoi j’aurai besoin de toi, hein ? Tu étais bien trop occupé tout à l’heure… ». Nous parlions alors de l’endroit où avoir une conversation. C’est lui qui voulait discuter. A lui de choisir, non ? « Tu m’imposes déjà la discussion. Choisis l’endroit… ». Je ne m’énervais pas. Du moins, en apparence. J’essayais de rester calme pour le bébé. Et puis, je savais que j’allais exploser à un moment ou à un autre. Mais la porte était ouverte. Et je devais mon contenir. Du moins, pour le moment. Je n’en avais pas trop le choix… Une infirmière était déjà passée dans le couloir. Dans le dos d’Aymeric, elle me demandait si tout allait bien. J’étais copine avec bon nombre d’entre – elles. Forcément, il était un moment où j’étais tout le temps là. Elle s’inquiétait donc de moi. Je lui fis un petit signe de la tête pour lui dire que je gérais la situation … pour le moment. Je savais que je pouvais l’appeler si j’en avais besoin, si j’avais besoin de me retrouver seule. Oui, ça servait aussi à ça, les collègues. Elles me rendaient la pareille en fait vu le nombre de choses que j’avais pu faire pour elles dans le passé.
« Scotché ? Pourquoi ? Parce que tu ne t’y attendais pas ? Tu es déçu ? Tu voulais que je rentre à la maison. ». Attendez, sérieusement, je m’inquiétais de ce qu’il pouvait penser de moi ? Je ne voulais pas le décevoir ? Ce n’est pas ce qu’il venait de faire il y a une heure en embrassant cette autre fille ? Je me torturais l’esprit. Je ne savais plus que penser ni que faire. J’étais une jaouse possessive poussée à l’extrême. Et là, j’étais complètement perdue. Que faire ? Me battre pour le garder ? Le laisser aller rejoindre cette espèce de fille ?

Il avait fermé la porte. Et nous étions seuls, tous les deux. Ce que je redoutais en fait. Pourquoi ? Parce que je me sentais capable de tellement de choses. J’avais envie d’outre passer cette porte et de sortir. Je n’avais pas envie d’être là. Et puis, j’avais envie de craquer, tellement envie de craquer. Je savais qu’une flasque se trouvait dans mon casier. Je me tapais sur les doigts mentalement même si, pour moi, c’était la seule solution à l’instant. Je revenais donc avec ma question à laquelle il n’avait pas répondue. « Pourquoi j’aurai besoin de toi, maintenant ? Il ne t’a rien dit ? Tu ne t’es pas demandé pourquoi j’étais venue te rejoindre ? ». Je commençais tout doucement à élever le ton. Et dire que des petits dormaient dans la pièce à côté de celle où nous nous trouvions. Mais c’était plus fort que moi. Je ne me contrôlais plus. J’enchainais alors. « Mais oui, tout à coup comme ça, elle te saute dessus et elle t’embrasse. Excuse – moi si j’ai du mal à te croire. ». Cela me semblait tellement impossible. « Et puis, d’où j’étais, tu semblais vraiment apprécier ça. Alors, qu’attends – tu pour aller la rejoindre ? Je suis sûre qu’elle n’attend que toi ! ». Je montais toujours dans les tours. De nouveau, comme la dernière fois, je passais ma main sur mon ventre. Je pensais calmer le bébé. Et lui, il était là, mains dans les poches. Le type de comportement que je détestais au plus haut point. Mais je ne dis rien, préférant garder l’information pour moi… Je ne voulais pas qu’il me touche. Je n’arrivais même pas à le regarder, d’ailleurs. Je fixais cette porte et finis même par m’asseoir. Je n’avais mal nulle part. J’étais juste fatiguée, je ne savais plus que faire. Entre l’idée d’aller boire et mes visions en le voyant l’embrasser…
« Si tu le dis… ». Je ne voulais pas tergiverser là – dessus. Je ne voulais pas lui dire que j’avais une terrible envie de boire là maintenant tout de suite…

Cela ne lui avait même pas traversé l’esprit ? Il ne s’était pas demandé une seule seconde la raison de ma venue ? J’étais stupéfaite, complètement stupéfaite. « Rien, il ne s’est rien passé. ». Je n’avais pas envie de le lui dire. J’aurai voulu que ça vienne de lui. J’étais déçue, tellement déçue de son comportement. J’avais l’impression qu’il avait changé en une soirée, une toute petite soirée. Je préférais vraiment taire la raison. Il se poserait peut – être la question comme cela…
J’avais vraiment du mal à le croire. Jamais je n’irai embrasser un garçon comme cela, pour le fun sans aucune raison. Et encore moins s’il était en couple. Ce qui était le cas d’Aymeric. La dite fille était un de ses collègues. Elle ne pouvait pas ignorer notre relation. Cela n’était pas possible. Je ne comprenais pas, vraiment pas. « Et elle te saute dessus, comme ça ? Sans aucune raison ? J’y arrive pas, je suis désolée. Mets – toi à ma place. ». Je criais maintenant. Je perdais le contrôle. J’avais eu des pilules homéopathiques à la pharmacie. Elles n’avaient rien de néfaste pour le bébé mais me permettait parfois de me calmer. Je me dirigeais donc vers le mini frigo de la salle de repos pour y prendre une bouteille. Je pris 4 petites pilules et bu rapidement deux gorgées. Je n’avais pris que les doses prescrites, sans exagérer. Rapidement, je remettais le tout dans ma poche. « Et si tu voulais deux filles en même temps ? Il y a des choses que je ne t’apporte pas, c’est ça ? Quoi, hein ? Quoi ? En quoi je suis nulle par rapport à elle ? Je ne dis pas que je suis parfaite, très loin de là. Mais je pensais faire des efforts, je pensais que nous étions sur une bonne voie. Je commençais à me livrer à toi, à te faire de plus en plus confiance. Je t’aimais. Et c’est comme ça que ça se termine ? Parce que tu me trompes avec une autre? Je peux aussi aller embrasser quelqu'un d'autre. Il y a plein de chouettes infirmiers cette nuit. Tu serais heureux? Tu sauterais de joie, peut - être? ». Alors, entre le je t’aimais et ça se termine… Il y avait de quoi stresser. Je me posais de réelles questions sur la raison de notre couple.

Il n’avait même pas vu que j’avais pris quelque chose pour me calmer. Il ne m’avait rien demandé. Il restait obnubilé sur cette fille. Ce que je pouvais comprendre. Je faisais de même. Je n’y arrivais pas. Je ne les voyais que s’embrasser constamment. Cette image me restait en tête. Je fixais alors un point au loin. Je l’écoutais me parler. Mais je n’avais plus rien à dire. Que voulez – vous que je dise de plus que tout cela ? Je ne le croyais pas, c’est tout. Pas que je ne lui faisais pas confiance. Mais j’avais eu un autre mec avant lui. Et j’avais pu voir de quoi étaient capables les hommes. Je me rendais alors compte que j’avais été ridicule de penser qu’il était un tout autre homme. Sa phrase qui me disait qu’il était tout le temps avec moi, je la prenais comme un reproche. Quoi ? Je ne lui laissais même plus le temps de vivre, c’est ça ? Je commençais à pleurer à chaudes larmes. J’éclatais en sanglots, me rendant compte que je n’avais plus aucun contrôle sur la situation. Je ne savais plus que dire ni que penser. Je n’arrêtais pas de le voir embrasser cette autre fille. Et moi, j’étais là. J’essayais de me sortir de toutes ces addictions. J’avais eu une raison de le faire, un but : cet enfant. Mais était – ce vraiment une bonne idée d’en avoir un avec un homme qui me trompe ? Je devrai peut – être penser à l’avortement. Ce serait une autre solution. Je me fermais alors comme une huitre. J’étais dans mon monde. Mon téléphone ou mon bipeur pouvait encore sonner, je n’entendrais rien. Je me protégeais, comme à l’époque de Xavier lorsqu’il me battait. C’était une des seules choses qui me permettait de continuer à avancer. J’étais là physiquement mais pas mentalement. J’avais le regard vide. J’essayais de penser à un moment heureux. J’avais arrêté de pleurer. Je ne laissais plus passer aucune émotion. Je me faisais mon petit cocon. Et, bon dieu, que je m’y sentais bien. Je pensais alors à mes parents. A ce moment où je leur avais annoncé que je voulais devenir pédiatre. Ils avaient été surpris de mon choix mais tellement heureux pour moi.

J’étais assise sur le lit. Je ne bougeais pas telle une poupée. J’étais maniable dans tous les sens. On pouvait tout faire avec moi maintenant. Cette carapace, j’avais réussi à me la former au fur et à mesure. J’avais du faire un énorme travail sur moi pour y arriver. Mais elle m’avait sauvée de bien des choses. C’est comme cela que je ne savais pas tout ce que mon ex avait pu me faire. Cet état second était mon endroit, celui que personne ne pouvait transpercé. Mon esprit était autre part. Il était dans le passé. J’avais l’habitude de penser à des moments heureux lorsque j’étais dans cet état – là. Mon bipeur sonna alors. Mais je ne l’entendais pas. Mes yeux n’étaient pas fermés. On pourrait croire que je dors sinon. J’avais donc pris l’habitude de laisser mes yeux ouverts. Le regard fixé au loin, un point imaginaire. Je ne clignais pas des yeux. Rien, aucune émotion n’était transmise sur mon visage. Une petite chanson en fond sonore dans ma tête. Je chantais même intérieurement. Je voulais me faire croire qu’il y avait plein de bonnes choses dans la vie. Dans ce rêve, mes parents vivaient encore. Mon frère était encore au pays. Tiens, que devenait – il ? Cela faisait quelques temps que je n’avais plus reçu de lettres de sa part. J’espérais qu’il ne soit pas mort, comme mes parents… J’étais seule, je ne sentais même pas la présence d’Aymeric à mes côtés. Mon cœur se calmait doucement, ce qui était une bonne chose pour le bébé. Je savais que j’allais devoir sortir de cet état à un moment donné. Mais là, je n’étais pas encore prête. J’avais besoin d’une pause. J’avais besoin d’un peu de bonheur. Comment me raisonner dans tel cas ? Je ne sais pas, personne n’avait jamais tenté. Xavier pensait que c’était normal, que c’était moi. Et puis, d’autres fois, il m’était arrivé d’être comme cela mais j’avais été toute seule. Et surtout, personne n’avait eu besoin de moi…

Je ne sais pas quoi mais quelque chose me ramenait sur Terre. Mes patients avaient besoin de moi ? Je clignais doucement les yeux et essuyait mes joues. Les larmes avaient séchées mais ma peau tirait. Une chose est certaine, je n’étais pas capable de travailler correctement. Cependant, je n’allais pas avoir le choix. J’avais renvoyé l’autre interne. Je regardais alors Aymeric dans les yeux. « Que se passe – t – il ? ». Je n’étais pas certaine d’avoir bien entendu. Et il me fallait le temps, il fallait que je fasse la transition. Je regardais alors mes poignets et essayait de passer une main dans mon dos, en vain. Rien ne s’était passé. Je le faisais plus par habitude qu’autre chose. Auparavant, cela me permettait de voir l’état de mon corps après avoir subi des coups. Je n’étais pas prête à réfléchir correctement. Je repris connaissance de l’endroit où j’étais. Je tournais ma tête pour faire le tour de la pièce. J’essayais de me lever alors. Mais je sentais mes jambes trembler. Je me rassis donc. Je n’étais pas prête, vraiment pas prête à bouger de là. Je regardais alors Aymeric. « Je n’y arrive pas. Je ne peux pas bouger. ». Mon corps était comme figé mais mon esprit était bien là. Nous étions un peu dans le cas de figure inverse. Mon bipeur sonnait. Je regardais à nouveau Aymeric. Je me sentais impuissante. « Si c’est le code 007, c’est que c’est une urgence. Sinon, ils se demandent juste où je suis. ». J’espérais tellement que ce soit ce deuxième cas de figure. Il fallait que je retrouve toutes mes fonctions motrices. J’étais tellement désolée pour Aymeric. Désolée qu’il se soit retrouvé devant moi comme cela. Je me rappelais alors la raison. Il m’avait trompée avec cette autre fille. Ils s’étaient embrassés et je les avais vus…