Le 12 Mai, Ellie Collins donnait naissance à son premier enfant, un petit garçon aux belles joues potelées. A ses côtés, Stephen Collins trônait, observant avec un sourire sur ses lèvres, son fils. Le prénom était déjà tout choisi : Aymeric. C’était une tradition chez les Collins de prendre les prénoms d’un grand-père ou arrière-père. Ellie et Stephen n’avaient pas eu beaucoup de choix. Leur vie était rêvée, Stephen était un grand médecin et Ellie, qui travaillait dans une grande maison de couture, cessa de travailler pour s’occuper de son fils. Ils n’avait pas particulièrement de préoccupation financière, c’était la famille parfaite.
Et ça l’était, les premiers temps, vous vous en doutez bien.
Je grandissais, et faisais la fierté de mes parents. Ellie souhaitait reprendre une activité, elle souffrait d’avoir cessé de travailler à ma naissance. Stephen lui ne cessait de fuir son foyer, laissant Ellie seule avec moi, au début uniquement le samedi soir. Il en profitait pour aller boire un verre ou deux avec des amis eux aussi médecins. Plus le temps passait, plus le comportement de Stephen se dégradait. Ellie et Stephen se disputaient sans cesse, des mots et des gestes violents. Il passait presque chaque soir avec ses amis ou seul, prétextant qu’il ne supportait plus cette ambiance tendue.
Du haut de mes 4 ans, je restais souvent silencieux, ne comprenant pas toujours bien la situation, le rejet de mon propre père. Stephen sombrait peu à peu dans l’alcoolisme. Il ne savait plus se passer de son verre du soir, puis de deux, puis de trois,... Ellie ne supportait plus cette vie. Du jour au lendemain, elle fit ses bagages, puis elle s’en alla m'emportant avec elle. La jeune femme décida provisoirement de vivre chez ses parents le temps de retrouver un emploi. Stephen s’enfonça plus encore dans l’alcoolisme. Il souffrait de la perte de cette femme qu’il avait tant aimé et de son fils. Plutôt que d’être l’élément déclencheur vers une prise de conscience, il broya plus de noir encore. Ses amis essayaient de l’aider sans vraiment y parvenir. Il a fait des tentatives de la rejoindre, mais il savait que c’était peine perdue. Le père d’Ellie ne l’aurait jamais laissé faire.
J'ai passé une grande partie de mon enfance auprès de mes grands-parents maternelles, qui avaient pris soin de moi pendant que ma mère était au travail. Peu de temps après notre arrivée à Toronto, Ellie avait rapidement retrouvé un emploi, lui permettant d’avoir un logement pour elle et moi. J'étais souvent hanté par son père, les disputes et les “coups”. J'étais introvertie, préférant ne pas révéler ce que je ressentais. J'étais un petit garçon calme, réservé, timide et solitaire, seul dans la cour de récréation à l’âge de 6 ans. Le plus difficile à vivre était de ne pas avoir de papa. Certes, mon grand-père faisait office de figure masculine, mais il me manquait ce père, celui qui venait chercher mes copains à la sortie de l’école. J'avais peur de lui mais à la fois ça me manquait. Je me demandais où il était, ce qu’il faisait, s'il pensait à moi…
Le petit garçon laissa place à un adolescent rebelle. Ma mère était toujours fortement occupée par son emploi qui lui prend énormément de temps, et mes grands-parents commençaient à être âgés et moins stricts pour que leur fille. Je fréquentais d’autres jeunes de son âge, profitant pour sortir après les cours, séchant les cours de temps en temps, commençant à m’intéresser aux filles. J'étais capable de ramener de bons résultats, mais j'avais aussi tendance à me laisser aller. “L’école ça ne sert à rien.” Qui n’a pas déjà pensé ça? Je ne savais pas quoi faire de sa vie surtout à 14 ans. Tout ce que je voulais c’était sortir avec ses amis, faire la fête et sortir avec une fille. Je me laissais influencer par des amis un peu plus vieux, et goûta à l’alcool en soirée. Cette sensation de relâchement était agréable, liée avec l’effet de groupe. Je ne buvais pas énormément, pas plus que les gens de mon âge qui souhaitait tester de nouvelles choses. Et puis je n'oubliais pas mon père et l’effet qu’avait ces bouteilles sur lui. Je n’avais pas été un adolescent particulièrement difficile, ne voulant pas décevoir ma mère.
C’est cette même année, que plusieurs surprises débarquèrent dans ma vie. Ellie fréquentait depuis presque une année un nouvel homme : Mickaël. Mais ce n’était pas tout, Ellie est tombée enceinte, elle donna naissance à une petite fille : Aileen. Les choses allaient très vite d’un coup. Je ne connaissais pas cet homme, mais dès l’annonce de la grossesse de ma mère, il prit une place énorme dans sa vie. Ellie décida d’emménager avec lui. Cet inconnu vivait avec nous. Je le voyais comme un intrus qui s’était incrusté dans notre petit bonheur mère-fils. La naissance d’Aileen fut le moment clé de ma vie. Je tombais littéralement sous le charme de ce bébé, de cette petite soeur. Je sentais que notre lien serait durable, que je serais toujours là pour elle. La vie avec mon beau-père était difficile à vivre, je ne supportais pas sa présence. Il n’était pas mon père… Je ne le supportais que pour Aileen, pour qu’elle ne connaisse pas la même situation que moi.
Aujourd’hui, je fêtais mes 21 ans. Je décidais d’aller au bar avec des amis. J'avalais quelques bières, rien de bien méchant, le lendemain, j'avais des examens. Mes études c’était très important pour moi. Ce soir là, j'y rencontrai une jeune femme, ou plutôt une jeune fille même si aux premiers abords je n’en avais pas eu l’impression. Elle n'avait plus l’air sobre et était habillée comme une adulte. J'avais craint pour sa sécurité et m’étais précipité à sa rescousse. J'avais fini par la ramener chez elle, grâce à sa pièce d’identité. J'avais alors découvert son prénom, son âge et son adresse. Elle avait 15 ans… Je l’avais ramené chez elle, et j'avais laissé un petit mot. Cela devint rapidement un petit “rituel”, chaque semaine je la trouvais dans ce bar et chaque fois je ramenais la jeune fille chez elle. Je prenais soin d’elle, comme ci je ne pouvais pas faire autrement.
Alors que je fêtais mes 23 ans, je prenais enfin mon premier envol en emménageant dans mon propre appartement. Aileen avait tellement grandi et avait maintenant 10 ans. Elle n'avait pas changé ses habitudes, et avait encore tendance à se reposer sur son grand-frère. Les tensions dans le foyer familial étaient de plus en plus difficiles à supporter... Mais mes parents ont toujours été doué pour jouer sur les apparences d'une petite famille parfaite. Aileen passait énormément de temps chez moi, pour faire une pause lorsqu'elle en avait besoin. C'était devenu son refuge et j'étais content de l'avoir près de moi. Lorsque mes études furent terminées, l'hôpital de Toronto m'embaucha comme médecin en psychologie. Peut être que dans quelques années, j'ouvrirai mon propre cabinet? Mais pour les débuts, c'était déjà une belle expérience. Ma mère était toujours à mes côtés, fière de moi, elle avait une place importante dans ma vie, tout comme ma soeur.
Ma vie amoureuse était une pure catastrophe, ne réussissant pas à avoir de relations stables, me contentant d'aventures d'un soir qui étaient moins complexes. J'étais jeune et j'avais envie de profiter de la vie.
Jusqu'au jour où une jeune infirmière débarquait dans l'hôpital où je travaillais, Hanna. J'avais 26 ans. C'était une femme un peu plus âgée que moi à l'époque, une jolie petite brunette, qui avait su attirer mon regard. Un soir, je l'avais invité à boire un verre puis elle m'embrassa lorsque je l'avais déposé chez elle. Elle fut mon 1er amour. Notre relation allait très vite, emménageant rapidement ensemble, se projetant sur notre avenir et notre vie à deux. Elle m'apportait beaucoup de choses, j'avais l'impression que c'était la femme de ma vie. Au bout d'une année et demi de relation, je me lançais et fis ma demande. Elle acceptait. Le mariage eu lieu quelques mois après. Une fois l'euphorie du moment passée, les choses changèrent. J'avais l'impression de revoir la relation de ma mère et mon beau-père. Je commençais à perdre mon calme... Un soir, les cris résonnaient. Un coup dans la cloison m'abîmait les phalanges. C'est le coup de trop. Elle m'avouait qu'elle avait une aventure avec un de ses collègues. Sans attendre, je quittais notre logement pour prendre l'air. Quelques semaines plus tard, les papiers du divorce étaient signés. Notre mariage aura duré 2 ans. Je m'étais alors promis de ne plus fréquenter quelqu'un dans mon travail...