15 Novembre 1997,Cher journal,
Aujourd'hui je fête mes 10 ans, ma mère a pensé qu'un journal intime serait sympathique comme cadeau, que je puisse exprimer à l'écrit ce que je ressens. Je sais que derrière ce sourire, ce regard marron, et ce petit gâteau où une seule bougie trône, se cache tout autre chose. Mais je n'ai rien dis, j'ai appris à accepter les choses, à me dire que comme mes copines je ne pourrais pas avoir des poupées, avec une maison, ou encore moins un chien. Je devrais me contenter de ce journal. De sourire moi aussi. La vie de ma mère est loin d'être simple... Je n'ai jamais connu mon père, juste ma mère, cette femme forte qui m'a toujours élevée. Je la vois, épuisée, travaillant comme une forcenée pour que l'on ait un toit, de quoi manger dans l'assiette, vivant au jour le jour. Des caprices? oui j'en avais fais. Des crises de jalousie? Aussi. Je n'avais pas toujours compris les sacrifices de ma mère. Il m'avait fallu grandir, comprendre cette vie que ma mère menait, que je ne souffre pas de cette situation. Ma mère, je l'aimais tellement...
18 Février 1998,Journal,
Il est 23h, mais ma mère n'est pas encore rentrée. Je l'attends, assisse sur mon lit, alors que je n'ai qu'une envie: m'endormir. Que fait-elle? Parfois j'aimerais qu'elle rentre plus tôt, que l'on vive peut être en se serrant un peu plus la ceinture, mais qu'elle soit là avec moi... Elle me manque.
Journal, je ne sais pas quoi faire... 2 jours sont passés depuis mon dernier mot. Je ne comprend pas, je suis entrée dans la chambre de ma mère et je l'ai vu pleurer. En me voyant, elle a essuyé les larmes sur ses joues, mais elle avait encore les yeux gonflés. Que faire? J'aurais tant aimé l'aider... Elle semblait si malheureuse à cet instant. Elle m'a fait signe de venir vers elle, je me suis allongée et nous sommes restées dans les bras l'une de l'autre pendant de longues minutes dans un silence de plomb. "
Mon bébé", disait-elle. J'avais le pressentiment que ce n'était pas de moi dont elle parlait. La tristesse de ma mère se propagea, me touchant profondément. Ma pauvre maman...
9 Avril 2002,Petit journal,
Maintenant que j'ai 14 ans, la question que tout le monde me pose est la suivante: quel métier veux-tu faire quand tu seras grande? Que répondre? Je ne suis même pas certaine de le savoir moi-même... Oui, je suis toujours collée aux livres, oui j'ai toujours un crayon dans les mains, mais est-ce que ça peut suffire pour travailler dans un journal? Aucune idée. J'avais d'autres passions dans la vie... L'histoire? Oui. Être professeur? Non merci.
09 Septembre 2002,Nous avons de nouveaux voisins, Journal !
Alors que nous sommes en plein dans les vacances d'été, et que je m'ennuyais chez moi devant la télévision, un camion est arrivé. Un camion de déménageurs. Heureuse comme une puce d'avoir un peu de distraction, je fonçais devant la baie vitrée pour observer. Je voyais un couple, accompagné de deux enfants. De futurs amis? Je fus rapidement fixé là dessus... Quand je croisais les deux enfants dans la rue avant de partir, je croisais le regard dédaigneux de la jeune fille, une jolie blonde un peu plus âgée que moi. Son plus jeune frère avait l'air gêné et ne savait pas où regarder. J'avais l'habitude de cela. J'étais rousse, et c'était du coup facile de trouver des critiques ou des injures. Je savais alors à cet instant que ça allait être compliqué. Et ça se confirmait assez vite... Elle avait tendance à rire lorsque je passais à côté d'elle. Pour son frère, je ne savais pas comment réagir... L'année scolaire s'annonce géniale! Vraiment...
16 Novembre 2002,J'ai eu 15 ans hier, ma mère m'a fait une jolie surprise: m'organiser une soirée avec quelques amis. Seul hic: elle pensait qu'en invitant les enfants des voisins, on pourrait peut être tous s'entendre un peu mieux. J'ai eu beau lui expliquer que ce n'était pas la peine... C'était peine perdue. Je devrais faire avec... Je ne voulais pas m'empêcher de profiter de ma soirée pour eux. Tout s'est très bien passé. Bien plus que je le pensais, en réalité. La fille des voisins n'est pas venue, peut être a t-elle trouvé une excuse? Tant mieux. Son frère par contre avait fait le déplacement. Il s'était montré bien plus chaleureux que lors de leur emménagement. Il m'est alors apparu sous un autre jour, à partir ce jour nous sommes devenus amis. Même si au fond, je commençais à ressentir d'autres sentiments...
30 Juin 2003,Je l'ai embrassée. Le fils de mes voisins. Je l'ai embrassée. Et le pire de tout: il a répondu à mon baiser. Du coup, ça veut dire quoi? On est ensemble officiellement? Je ne sais pas... Sûrement non? Cette année fut merveilleuse, surtout depuis la venue de Matt à ma fête d'anniversaire. On était toujours ensemble, dans les couloirs, dans les salles de classe, au cinéma. Il venait souvent chez moi, et j'allais chez lui quand j'étais sûre de l'absence de sa sœur. Non, ça ne passait toujours pas entre elle et moi. Mais peu importe. Je passais tout mon temps libre avec Matt, on s’entraidait. Il a pris une place tellement importante dans ma vie en si peu de temps... Et maintenant ce baiser.
15 Novembre 2003,J'ai fais une bêtise... Peut être que je devrais commencer par le début. Matt a pris l'habitude de venir me voir chaque soir, parfois en passant par la porte mais il arrivait qu'il passe par la fenêtre sans que ma mère le sache. En général, on ne faisait rien de grave... Je restais dans ses bras de longues heures, profitant de ses bisous et de ses câlins. J'aimais nos rendez-vous nocturnes, tout était tellement différent avec lui, je me sentais bien. J'avais besoin de ma dose de Matt tous les jours. Sauf qu'à force de se voir chaque soir, ça a fini par déraper. Les caresses de Matt ont commencé à se faire plus intense, et j'ai commencé à l'embrasser avec plus de fougue. J'ai perdu ma virginité, il y a quelques semaines. Mais ce n'était pas ça la bêtise, on le voulait tous les deux donc... Le soucis, c'est que je n'ai pas eu mes règles. Nous nous sommes protégés pourtant, ma mère m'avait tellement averti. J'avais peur de ce qu'elle allait me dire... Alors pour le moment, je vais garder le secret, peut être que ce n'est qu'un simple retard, non? Aujourd'hui, j'ai 16 ans, je dois sourire, pour ma mère. Faire semblant pour ne pas qu'elle s'inquiète. J'ai toujours cette impression qu'il lui manque quelque chose, depuis ce fameux soir où je l'ai vu pleurer. Une petite flamme dans ses yeux qui s'est éteinte...
20 Décembre 2003,Tout déraille dans ma vie... Rien ne va plus. J'étais bel et bien enceinte. Ma mère m'avait disputé, comme elle ne l'avait jamais fais auparavant. Elle nous avait dit qu'on avait été irresponsable, qu'un enfant c'est inconcevable à nos âges. Mais ce n'était rien face à la réaction du père de Matt, lorsqu'il avait appris la nouvelle, il avait débarqué à la maison, furieux. Matt le suivait, penaud. Il criait: "
Elle doit avorter, mon fils ne peut pas être père à cet âge. C'est votre fille qui l'a influencé. Elle a fait exprès de tomber enceinte! Je connais les personnes de votre genre! Aucun respect pour soi-même. Votre gamine vous l'avait eu à 16 ans aussi? Quel exemple!" J'avais fini par m'enfermer dans ma chambre, me bouchant les oreilles. Je ne voulais plus rien entendre... Des injures à mon propos et pour ma mère fusaient. Je vous laisse imaginer... Je fondais en larmes. Et Matt qui ne disait rien. J'étais complètement perdue. Aujourd'hui, je ne vois plus Matt, ses parents ont pris la décision pour nous, et ma mère refuse que je fréquente cette famille qui nous ont insulté. La famille de Matt devrait déménager après les fêtes de fin d'année. J'étais face à un dilemme... Ma mère prit le temps de m'expliquer sa situation, elle m'avait eu très jeune. Elle n'avait pas eu une vie facile, pour que je ne manque de rien. Est-ce que je voulais vivre la même chose? Je ne savais pas quoi faire.. Jusqu'à aujourd'hui. C'est le cœur plein de peine, de tristesse, de remords, de dépit que je décidais d'avorter. Je n'étais pas aussi forte que ma mère...
23 Décembre 2003,Petit bébé,
Tu me manques déjà tant...
Je suis désolée.
Cette nuit, je sais que j'allais pleurer. Désolé journal, des larmes abîment déjà certaines de tes pages. Je n'arrive pas à les retenir c'est trop difficile... J'ai croisé Matt aujourd'hui, comme ci il savait. Nos regards se sont croisés pendant quelques secondes, avant qu'il détourne la tête... C'est peut être mieux qu'il parte.
15 Juillet 2006,Cher journal,
Ma vie prend un nouveau départ: j'ai eu mon baccalauréat cette année, je suis adulte depuis quelques mois. Ma mère est si fière de moi. Je sais enfin ce que je veux faire: travailler dans les musées, auprès de vieilles collections, et pourquoi pas les faire découvrir aux autres. J'ai trouvé ma voie. La vie continue... Si tu te poses la question, je n'ai plus revu Matt, je n'ai plus jamais eu de nouvelles depuis son départ. Je me remets doucement de tout cela, j'occupe mon esprit pour ne pas y penser. Je suis heureuse.
14 Mai 2007,J'ai craqué... La pression de la faculté, mon passé, ma mère qui m'a annoncé une nouvelle. J'ai su pourquoi elle avait pleuré autant ce fameux soir. Elle faisait un métier pas très recommandable dans ces temps là, sauf qu'elle était tombée enceinte d'un client. Une petite fille, qu'elle avait préféré faire adopter. C'était déjà difficile de subvenir à mes besoins. Elle avait fondu en larmes dans mes bras. Le temps de me remettre de mes émotions... J'avais une demi-sœur et ma mère avait vendu son corps pour notre confort. C'était trop pour moi... J'étais sortie dans un bar, et j'avais beaucoup bu.
20 Mai 2007,Un homme a profité de ma faiblesse, et du fait que j'avais abusé de la boisson. Je ne me souviens plus de rien... Je me suis levée dans un lit, celui d'un hôtel minable, à moitié dénudée. J'ai pleuré à mon réveil, complètement stone, et ayant du mal à réaliser. Je suis rentrée en titubant, appelant ma mère. En la voyant, de nouvelles larmes. Elle ne comprenait pas... Tout en sanglotant, je lui expliquais. C'était impossible de me souvenir de mon agresseur. Des tests à l'hôpital confirmait que j'avais été droguée, et violée. Je décidais à partir de ce jour là, de ne plus jamais boire une seule goutte d'alcool.
01 Février 2013,C'est le grand départ, le grand renouveau. J'avais eu mon diplôme quelques mois auparavant. Je ne voulais plus vivre ici, je voulais penser à autre chose. Me faire de nouveaux souvenirs. Et quoi de mieux que de partir? C'est sur ces quelques mots, mon cher journal, mon ami, que je te quitte. Tu seras désormais rangé dans un carton, en destination du Canada, de Toronto plus exactement. On m'a proposé un poste dans un musée en tant que guide, que j'ai accepté. Je prends l'avion demain... La vie continue, et je décide de prendre les choses en main désormais.