Le temps passait. Les jours s'écoulaient. Mais moi je ne changeais pas. J'avais bien essayé mais je n'arrivais pas à sortir de chez moi. C'était trop difficile. Quand je mettais un pied dehors, j'avais cette crainte de voir le visage de mon agresseur. Je n'étais pas sûre de pouvoir un jour le reconnaître parce qu'il faisait nuit et honnêtement, j'avais tout fait pour penser à autre chose. J'avais évité autant que possible de le regarder. Alors, une fois de plus, j'étais restée allongée dans mon lit tandis que j'entendais mes parents et ma soeur s'affairer dans la cuisine. Ils prenaient leur petit-déjeuner. Avant, je le prenais aussi avec eux. Mais plus depuis quelques jours. J'entendis la porte d'entrée s'ouvrir puis se refermer. Les voitures démarrer. J'étais enfin seule. Seule avec mon chagrin et ma douleur. Je soupirai en m'allongeant sur le dos. Ma peluche sur moi, mon regard fixait le plafond avec intensité. « Aller Ana... Bouges tes fesses... » Un nouveau soupire s'échappa de ma bouche. Je finis par me lever et je descendis dans la cuisine pour commencer à prendre mon petit-déjeuner. Des céréales et un verre de jus d'orange. J'adorais ça. J'allumai la télé et mangeai sur le canapé. J'avais la maison pour moi durant toute la journée. Du moins, normalement. Je regardais un dessin animé quand on frappa à la porte. Je fis la sourde oreille. Je n'avais envie de voir personne. Mais en entendant que la personne insistait, je finis par me lever. Je déposai le bol sur la table basse du salon et j'allai ouvrir. J'entrebâillai la porte puis en voyant que c'était Lysandre, je l'ouvris un peu plus sans pour autant l'inviter à entrer, au contraire. « Lysandre? Qu'est-ce-que tu veux? » J'étais toujours habillée que de mon pyjama et d'un gros gilet couvrant toutes les formes de mon corps. On ne s'était vu qu'une fois, quelques jours plus tôt. Lysandra m'avait apporté des cours et je l'avais légèrement envoyé promener. Ce n'était pas forcément aujourd'hui que j'allais l'accueillir d'une meilleure façon d'ailleurs... La preuve, je lui avais directement demandé ce qu'il voulait sans l'inviter à entrer ou lui demander s'il allait bien. On pouvait dire que ma sociabilité avait tout de même un peu baissée... Mais j'avais des circonstances atténuantes, pas vrai? Même si ça, Lysandre et bien d'autres personnes l'ignoraient encore. Et j'espérais d'ailleurs que ça resterait comme ça encore un moment.

C'était trop compliqué pour moi tout ça. Je n'arrivais pas à me résoudre à sortir. C'était difficile d'avoir à affronter les gens, le monde, le regard de certaines personnes. Malgré tous ces jours passés seule dans ma chambre blottie contre une peluche sous ma couette, rien n'avait changé. J'avais l'impression que je n'arriverais jamais à franchir un nouveau cap. A aller mieux un jour. J'avais cette sensation d'être coincée dans un cercle vicieux qui n'avait donc pas de fin. Plus le temps passait et plus je me demandais ce que j'avais pu faire de si mal pour mériter ce qui m'était arrivé. M'étais-je habillée de manière trop provocante? Avais-je eu des gestes ou des paroles qui auraient pu prêter à confusion? Non... Ce n'était pas possible puisque je n'avais jamais vu cet homme. Alors quoi? J'avais été sa victime hasardeuse? C'était sur moi par le pur fruit du hasard mais ça aurait pu tomber sur n'importe quelle autre femme qui serait passé par là à ce moment précis? Je ne voyais pas d'autres explications. Mais malgré tout, je ne pouvais quand même pas m'empêcher de cacher mes formes. Jogging, gros gilet, vêtements un peu plus amples qu'en temps normal. Rien de très chic, glamour ni même sexy. Je ne descendais pas non plus prendre les repas avec ma famille. Alors si même affronter mes parents et ma soeur était une horreur, comment pourrais-je ne serait-ce mettre qu'un pied dehors? C'était presque impossible. Pourtant, je voulais plus que tout réussir à retrouver une vie normale.

J'avais donc longuement hésité à aller ouvrir la porte quand quelqu'un avait frappé. J'étais tranquillement en train de manger mon bol de céréales tout en étant assise sur le canapé devant un dessin animé. J'aurais voulu rester seule et ne pas réagir mais sous l'insistance de la personne devant la porte, je finis par céder pour aller ouvrir. Immédiatement, je croisai les bras sur ma poitrine en voyant Lysandre sur le seuil de la maison. Que voulait-il encore? Il était déjà venu quelques jours plus tôt pour m'apporter les cours que j'avais loupé. Si vraiment j'avais voulu, j'aurais très bien pu demander à une amie de me les apporter. Mais je n'avais envie de voir personne depuis mon agression. Cela semblait bien difficile à comprendre. « J’ai…j’ai les cours de la semaine et…je voulais te proposer de faire un petit tour…tu devrais pas rester enfermer tous les jours chez toi. » J'avalai difficilement ma salive. Je savais qu'il était plein de bonnes intentions. Mais c'était trop de gentillesse de la part d'un étranger pour que ce soit sans arrière-pensées. « Si j'avais envie de sortir, je le ferais Lysandre... » Je regardai les cours qu'il me tendait. Je les pris et sans le vouloir, je touchai sa main ce qui me fit sursauter. Le moindre contact me faisait sursauter. Je tentai de faire comme si de rien n'était. « Merci... Pour les cours... » J'hésitai durant quelques secondes avant de me décaler un pour le laisser entrer. « Tu peux entrer quelques minutes... Mais pas longtemps... » C'était le seul moyen que j'avais de le remercier pour les cours, même si je n'avais guère envie qu'il voit que je mangeais un bol de céréales devant un dessin animé.

« Hum…si je peux me permettre je pense que c’est ça le problème…tu n’as pas envie de sortir et je pense que ton corps aurait besoin de ne serait-ce qu’un petit rayon de soleil sur sa peau. Allez…laisse moi t’emmener faire un tour au grand air et si tu trouves ça ennuyant à mourir…euh…je te laisse me le faire payer d’une quelconque manières. » Le fait d'entendre les mots "ton corps" et "sur ta peau", ça me fit frissonner. Oui, rien qu'en entendant ces simples mots de la bouche d'un homme. Je posai mes yeux ailleurs un instant. Et si j'acceptais, me ficherait-il la paix après ça? Je voulais qu'on me laisse tranquille. Je ne voulais pas sortir, je ne voulais voir personne. Etait-ce si grave? Je soupirai doucement. Au fond, les gens s'inquiétaient juste pour moi et j'en étais tout à fait consciente. Mais je n'arrivais pas à me montrer reconnaissante ou gentille parce que je me sentais tout le temps prise au piège. J'avais l'impression qu'ils voulaient tous me forcer à faire des trucs que j'avais pas envie de faire, bien au contraire. Même si c'était pour mon bien, j'en avais marre. « Tu vas pas me lâcher c'est ça? » Je soupirai une nouvelle fois avant de finalement lui autoriser l'entrée de ma maison. C'était uniquement en espérant qu'il me laisse tranquille. « Tu…tu faisais quoi de beau pour rester enfermé entre quatre murs ? » Il était sérieux là? J'haussai légèrement les épaules. « Je prenais mon petit-déjeuner en regardant un dessin-animé. Ça se voit pas? » Je posai les cours qu'il m'avait donné sur un meuble bas puis je croisais les bras en évitant de trop le regarder. « Avant que j'accepte ou refuse de sortir faire un tour avec toi... Tu voudrais m'emmener où...? » Peut-être que si je sortais une heure avant de demander à rentrer, il me ramènerait ensuite chez moi et ce serait terminé. Il me laisserait en paix par la suite. Si je ne tentais pas, je ne pourrais pas savoir. Et si j'avais quelqu'un avec moi, peut-être que j'oserais enfin mettre un pied dehors... Mais avant, je voulais d'abord savoir où il voulait m'emmener parce que je n'étais pas sûre d'être capable d'aller n'importe où. Ce serait déjà bien assez dur de monter m'habiller et de mettre un pied dehors alors je n'allais certainement pas accepter d'aller n'importe où. J'attendis sa réponse en relevant mes yeux vers lui, mais mon regard restait fuyant et je gardais mes distances.

Je pressentais fortement que le jeune homme n'allait pas me lâcher facilement. « Non…effectivement je vais difficilement te lâcher. Je sais pas si tu as remarqué mais je dois surement être le seul à me préoccuper de ton absence donc déjà ce petit point m’inquiète un peu alors le fait que tu restes renfermée sur toi ça améliore pas les choses. » Je soupirai doucement en croisant mes bras sur ma poitrine. Il était loin d'être le seul à s'inquiéter. Cependant, j'avais réussis à maintenir les autres éloignés en prétextant diverses choses et personne n'avait osé venir quand j'avais dit que j'étais malade et que c'était contagieux. Que ça finirait pas guérir mais qu'en attendant, je devais éviter le contact avec les autres. Tout mes amis m'avaient crue - ou presque - et ils prenaient de mes nouvelles mais ne se montraient pas. Tout simplement. Ma famille, elle, par contre, elle était beaucoup plus inquiète et ils le montraient. « Tu n'es pas le seul. La différence c'est que les autres, je leur ai dit que j'étais malade et que c'était contagieux alors ils ont pas trop cherché. Mais toi, tu t'es pointé sans prévenir et ma soeur t'a fait monter donc l'excuse marchait pas trop parce que si j'étais contagieuse, elle t'aurait pas laissé entrer... » Je n'ajoutai rien de plus, c'était déjà bien assez clair. « Désolé je voulais pas parraitre si curieux. J’arrive pas à reconnaitre c’est quoi comme dessin-animé ? » Je posai mes yeux sur l'écran de télévision. « Code Lyoko... » J'adorais ce dessin animé! C'était toute une période de mon enfance ça. J'adorais les dessins animés. Les Disney, les autres... J'aimais ça. Je trouvais que ça faisait rêver et ça vous faisait penser à autre chose durant un moment. « Tu connais? » J'haussai doucement les épaules. « En fait…je veux pas vraiment te forcer…je veux pas te forcer du tout en fait. Je sais que ma visite t’agace plus qu’autre chose mais ça m’embête de t’amener juste nos devoirs…nos cours et repartir aussitôt. Ecoute si finalement tu veux mettre les pieds dehors je t’emmènerais où tu voudras…au moins je serais sur que l’endroit te plaira. » Je lâchai un nouveau soupire en posant mon regard sur le sol. Il allait me prendre pour une folle... « Tu vas me prendre pour une folle Lysandre... Je... J'arrive pas à mettre un pied dehors... Je... J'y arrive pas... » Je me sentais nulle et tellement fragile et faible... Moi qui avais tant de joie de vivre et de force, je me sentais juste... moins que rien depuis mon agression. C'était dingue ce qu'un évènement pouvait changer une personne...

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