Le problème dans la vie, c'est qu'au départ, on a pas choisi de vivre. Le second problème, c'est que durant toute l'enfance, les adultes nous répétaient inlassablement que la vie était merveilleuse, courte, et qu'il fallait en profiter à fond pendant qu'il en était encore temps, tout en sachant que ce n'est qu'un tissu de mensonge.
BREF J'ai profité de mon enfance, comme chaque enfant sur cette Terre, et je dois admettre que j'ai été incroyablement heureux, un bout de bois devenait une épée, et la petite fille moche du bout de la rue, la plus belle des princesses
Disney. Je n'avais pas de limite hors mis ma mère qui venait me récupérer à la tombée de la nuit car j'étais trop petit pour rester dehors plus tard. Je me souvenais que je faisais toute un caprice, me laisser choir sur le sol, et laissant ma mère me traîner par les pieds jusqu'au hall de la maison. Durant mon enfance, je me souviens que j'étais le plus connard des curieux, je n'arrivais pas à croire qu'Ilow mon grand-frère n'était pas sorti du ventre de ma mère, je me souviens qu'elle avait tenté de m'expliquer qu'avant, mon père avait été avec une autre femme, et alors je lui avais dit quelque chose comme "
Mais alors c'est la mère d'Ilow qu'est ma vraie maman ? " Ou alors un truc du style "
Tu crois qu'Ilow l maman d'Ilow, papa et moi on vivra tous ensemble ? " Je pense que je me serais mis moi-même des baffes si j'avais su, à cette époque là. Enfin, mon enfance fut une enfance comme les autres, à défaut que moi, afin de voir mon frère, je devais traverser un océan. Je me souviens que l'hôtesse de l'air me faisait porter un collier où était accroché ma photo, mon nom, mon prénom, mon numéro de siège, et un numéro de téléphone. A l'époque, je trouvais ça marrant, car mon
chien avait pareil autour du cou. Mais la raison pour laquelle j'aimais le plus aller au Canada voir Ilow, c'était parce que pendant le repas, la compagnie aérienne nous offrait un playmobil. Le seul problème étant que nous avions tous le même, alors pour jouer à deux, c'était pas facile.
Par contre, lorsque je suis devenu
adolescent, tout commença étrangement à se compliquer. Mes visites chez mon frère semblaient être de plus en plus rares, et je commençais à être accablé par cet espèce de
maladie extrêmement contagieuse chez les professeurs, qui consistaient à nous donner des devoirs, uniquement dans le but pour que nous, pauvres gosses en semi-puberté ou en attente de puberté n'ayons plus de temps pour explorer notre soi intérieur. Et puis il y avait la fille
moche du coin de la rue, qui en fait, en grandissant, n'était plus si moche que ça... La puberté avait du bon chez certaines personnes. Les gens laides devenaient belles, et les gens beaux... eh bien, ils avaient le choix entre une voix étrange partant dans tout les sens, ou alors une éruption d'acné horrible, qui faisait penser à une sorte de pizza quatre fromage avec supplément d'anchois... Enfin, le plus important dans tout ça, c'était que la fille anciennement moche du coin de la rue commença à provoquer chez moi, une réaction chimique physique instable et incroyablement gênante. En effet, avant, je pensais fermement qu'un pénis servait uniquement à faire pipi, maintenant, je savais qu'il servait également à se prendre des
gifles lorsqu'il arrivait que je sois trop "ému" par elle.
Et puis bizarrement, au fil du temps, la fille anciennement moche du coin de la rue posséda un nom, elle se nommait
Imène, nom assez dégelasse en réalité, ses parents ne devaient pas trop l'apprécier. Lorsque je demandais à la jeune fille pourquoi Imène, elle me répondait simplement, car j'étais un accident. Perplexe, je fermais ma gueule, avait-elle conscience de ce qu'elle disait ?
Non.. Bon, et puis cette Imène, elle devint par la suite ce que les jeunes appelaient leur blonde. Sauf qu'Imène n'était pas vraiment blonde, elle était même tout le contraire. Mais à savoir qu'à quinze ans, on s'en foutait royalement de comment on devait appeler l'autre tant qu'on pouvait se rouler des pelles, se tenir la main, et fantasmer sur l'autre lorsque nous étions seuls le soir chez nous. Rapidement, je rencontrais la difficulté à rester tranquille, car malgré le fait que nous allions au même lycée, et qu'elle vivait juste au coin de la rue, il semblerait qu'Imène ait une certaine difficulté à
rompre le contact, aussi, devais-je rester au téléphone même pendant que j'étais aux toilettes ou que je me lavais. Ce n'était pas très pratique, car j'essayais de préserver certains aspects de ma vie secrets... Je découvrais la joie de recouvrir le fond des chiottes avec du PQ, et la masturbation silencieuse.
Mes dix huit ans furent assez tragique en réalité. Je demeurais un éternel non célibataire, et pour tout dire, cela ne me dérangeait pas plus que cela. J'étais, le mec qui sortait avec Imène, l'ancienne fille moche, depuis que j'avais quatorze ans, et je m'y étais très bien accommodé. Mais le fait est que tout avait changé depuis mes quatorze ans. Je voyais de temps à autres mon frère, via la magie d'internet sur le support Skype, ce qui facilitait vachement la chose, étant donné que ça coutait vraiment moins cher qu'un billet d'avion. Et sinon, au niveau de ma vie, je venais d'obtenir mon Bac STL mention très bien, et je possédais une vie sexuelle pleinement active. De plus, j'avais découvert la joie de la vie étudiante, et je devais avouer, que j'aimais énormément me bourrer la gueule avec mes potes du quartier.
Bref, rien d'intéressant se passa alors...
On connaît tous cet instant qui transforme notre vie à jamais. Cela peut-être une demande en mariage, un déménagement pour notre vie en tant qu'adulte, cela peut aussi être le divorce de nos parents, ou même un décès. Mon instant à moi, ce fut le jour où Imène était venue frapper à ma porte, qu'elle était entrée en pleur, et que dans un murmure, elle s'était excusée. Je n'avais rien dit à ce moment là, je ne savais même pas de quoi elle s'excusait, mais lorsqu'elle ouvrit la bouche et qu'elle m'annonça qu'elle était
enceinte, je ne pus m'empêcher de me dire que dans sa famille, les accidents étaient devenus des malédictions héréditaires... L'année de mes dix neuf ans fut pleine de doutes et de regrets, mais lorsqu'Isaac montra son nez, ce fut comme une révélation. Je l'aimais. Cependant, à dix neuf ans, on pouvait s'attendre à ce que l'un des deux parents craquent, les mœurs voudraient que se soit le père qui devait abandonner le navire, mais là, ce fut la mère. Un matin, alors que je me réveillais enfin après une nuit horrible, je découvris
Isaac sur le perron. Je le pris dans mes bras, puis alla à la maison au coin de la rue, plus personne ne vivait ici, comme si la famille s'était éclipsée dans la nuit. Et puis, c'était en fait le cas. La fille moche du coin de la rue était devenue la salope du coin de la rue...
La dépression m'amena à ne plus vouloir sortir de ma chambre, lové dans mes draps, Isaac blotti contre moi, je ne désirais plus rien faire de ma vie à part le choyer. Je me sentais abandonné, seul au monde. Et ce fut encore pire lorsque j'appris qu'Imène n'avait jamais reconnu être la mère de l'enfant, elle m'avait laissé seul, depuis le début. Tout aurait très bien pu se passer si mon père ne m'avait pas envoyé chez Ilow suite aux pleurs incessants du nourrisson "
Les bébés, j'ai assez donné ! " C'est ainsi qu'Isaac et moi, nous partions pour Toronto, à la rencontre de mon frère qui était à présent, mon seul et unique espoir de renouveau...