Ça ne pouvait plus durer comme ça... J'avais décidé de prendre les choses en main. J'avais besoin de retrouver Louise, cette femme que j'aimais, cette femme qui m'avait fait tourné la tête, cette même femme que j'avais épousé il y a quelques mois de cela. Cette femme que j'avais l'impression d'avoir perdu après sa greffe. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, ne portant même pas une once d'attention à Rose, notre petite fille. J'avais essayé de lui parler, de la faire en réagir en vain... J'avais alors pensé à une thérapie de couple, elle n'aurait pas d'autres choix que de m'écouter, et d'écouter les conseils d'un professionnel. Nous ne pouvions pas laisser notre vie partir en fumée sans rien faire.
Nous avions laissé Rose à ma mère, avant de reprendre la route vers l'hôpital. C'était étrange d'y retourner... La dernière fois que j'y avais mis les pieds c'était pour ramener Louise et Rose à la maison. J'avais pris une année sabbatique pour m'occuper d'elles, et c'est vrai que parfois ça me manquait... J'aimais mon travail, et m'occuper de mes patients. Mais j'avais d'autres priorités, j'avais la chance de pouvoir me le permettre alors autant en profiter. Surtout quand je vois que Louise ne sait même pas s'occuper d'elle-même. Je lâchais un petit soupir, me tournant vers Louise tandis que je nous conduisais jusqu'à l'hôpital. Je ne savais pas quoi lui dire... Comme ci la communication avait été rompu. C'était étrange. A notre arrivée à l'hôpital, nous avions eu le droit à quelques "bonjour" de nos collègues.
Rapidement, nous nous retrouvions dans un bureau assis l'un à côté de l'autre en face d'un homme que je ne connaissais pas. C'était volontaire de ma part... Je voulais un regard neuf. Il n'y avait aucun doute, je savais à quel point j'étais distant avec Louise, et il devait s'en rendre. Je sentis son regard aller de moi à Louise.
Bon très bien... On va pouvoir commencer. L'un d'entre vous veut bien me parler de votre situation, de ce qui vous a poussé à venir jusqu'ici.
Je me tournais vers Louise, faisant un signe de la main, souhaitant qu'elle s'exprime en premier sur son ressenti.

Louise était douée, c'est vrai, douée pour faire semblant. A la regarder comme ça, on ne pouvait absolument pas se douter de ce qui se passait une fois que nous étions chez nous. Elle avait fait des efforts, et je savais très bien pourquoi... Je ne fis aucun commentaire. Ça aurait servi à quoi? Je savais aussi très bien que Louise n'était pas d'accord, elle n'était pas pour une thérapie. Mais avions-nous d'autres choix? Elle n'avait pas eu trop son mot à dire pour une fois, j'avais insisté et elle avait fini par céder. Je la laissais parler la première, histoire de voir ce qu'elle ressentait. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais... Le médecin en face de moi savait très bien qui j'étais, que j'étais un de ses collègues sans en savoir de trop sur ma vie privée. Aux paroles de Louise, nos regards se croisèrent. Oui, je savais que ce ne serait pas simple... On ne pourra pas dire que l'on a pas tout essayé.
Elle ne savait pas quoi dire? Et pourtant il y en avait à raconter. Je ne voulais pas plus que Louise m'épancher sur notre vie, il n'était pas obligé d'en connaître tous les détails non plus. Je ne pouvais pas m'empêcher de soupirer à nouveau.
Louise... Ne fais pas comme ci tu n'étais pas consciente de ce que nous traversons. Tu le sais aussi bien que moi... Ça ne va plus entre nous. C'est à peine si nous parlons tous les deux, tu es toujours dans ton monde enfermée dans notre chambre.
Je me tournais vers l'homme qui semblait prendre quelques notes.
Ça remonte à son retour de l'hôpital, après sa greffe et son accouchement. C'est vrai que c'est moi qui ait voulu venir ici, pensant que vous nous aideriez à surmonter ça. On ne peut plus vivre dans un tel environnement avec autant de tensions avec un bébé à proximité. Et vu qu'elle n'écoute plus personne... Peut être que vous aurez plus de chances que moi.
Je m'enfonçais contre le dossier du fauteuil où nous étions installés, croisant mes bras et fixant un point invisible.
Avez-vous aussi ce sentiment, Louise? Que ça ne va pas entre vous? D'après vous, quelle en est la cause?

J'avais dis ce que je pensais, clairement je ne m'étais jamais senti aussi loin autant psychiquement que physiquement avec Louise. J'avais l'impression qu'une barrière s'était dressée entre nous, une barrière infranchissable. Il m'arrivait souvent de dormir dans la chambre de Rose sur un vieux fauteuil ou dans le canapé du salon, en général c'était pour ne pas réveiller Louise, mais rapidement c'est devenu autre chose. Je ne saurais pas l'expliquer... Peut être que je n'avais plus envie de me battre? Plus envie de me battre pour rien? J'avais du mal à mettre des mots sur ce que je ressentais. C'est du vide. Je n'imaginais pas que je pourrais m'éloigner à ce point de la femme que j'aime... Apparemment, j'étais le seul à m'en rendre compte, j'en étais convaincu désormais, il m'avait suffit de croiser le regard de Louise et de l'écouter. Oui, pour le meilleur et pour le pire... On avait atteint le fond pour le coup. Je la laissais parler, sans l'interrompre, c'était le but. Je voulais qu'elle me parle, qu'elle s'exprime enfin. Le médecin faisait de même, prenant frénétiquement des notes, je me demandais bien ce qu'il allait tirer de cette séance. Je me tournais vers Louise lors de sa dernière prise de parole, à la fois surpris oui c'est vrai, mais en même temps, je m'en doutais... Se retrouver? Tous les deux? Ça allait être difficile désormais... Entre notre mariage et son accouchement, nous avions vécu une période difficile, Louise avait craqué à nouveau, puis j'avais fini par lui pardonner, et tout allait parfaitement bien entre nous à ce moment là. Comme-ci nous étions de nouveau en lune de miel, mais sans imaginer une seconde que Rose se décidait à pointer le bout de son nez à ce moment là. Je regardais Louise dans les yeux lorsque je pris la parole.
A quoi ça sert de m'écouter dans ces cas là? J'ai l'impression que ça passe par une oreille et que ça ressort par l'autre. Là tu n'as pas d'autres choix. Je suis conscient que tout s'est passé rapidement... Ne crois-tu pas que je me sens dépassé moi aussi? Mais que veux-tu que l'on fasse? Rose est là, on ne peut plus retourner en arrière désormais...

Je soupirais, oubliant légèrement que nous étions en présence d'une tierce personne.
J'ai plutôt l'impression que tu veuilles me mettre de côté, que tu veuilles faire ta vie toute seule plutôt que de passer du temps avec moi. Si tu le voulais vraiment, si on le voulait, on pourrait trouver du temps tous les deux. Je suis H24 à la maison...

J'étais étonné qu'elle s'ouvre à ce point, surtout pas pour la première séance. Elle avait toujours eu du mal à me parler, et ça depuis le début de notre relation, et même avant. Lorsqu'elle avait été ma patiente, ça n'avait pas été évident non plus pour la faire parler. Et là elle s'ouvrait, enfin. Je l'écoutais, mon regard était posé sur elle et je ne la lâchais plus. Je la laissais finir également, et répondais à chacune de ses paroles.
Tu crois que c'est facile? Je ne peux pas partir comme ça... Nous savons tous les deux ce qu'il en est. Admettons que pendant ce laps de temps, quelque chose de grave se passe autant pour toi que pour Rose, je m'en voudrais toute ma vie de vous avoir laissé. Ce n'est pas le moment de penser à moi, vous êtes mes priorités.
Je passais une main dans mes cheveux, j'aurais tant voulu que l'on n'en vienne pas là, que la vie soit aussi simple. J'aurais tant voulu lui prendre la main et que tous nos problèmes disparaissent aussitôt...
Tu subis? Tu vis ça comme un calvaire c'est ça? Qu'est-ce que tu veux que je fasse? Faire adopter Rose? C'est ça que tu veux? Tout ce que je demande, c'est de retrouver ma Louise, ma femme, celle que j'aime. J'ai besoin de toi, et j'ai l'impression de t'avoir perdu.
Une perte qui est douloureuse... Parce qu'elle est là physiquement, mais trainant comme un fantôme à la maison. Je sais bien que la guérison est longue, qu'il faut être patient et ne pas la brusquer, on me l'a répété à l'hôpital des dizaines de fois. Mais là elle abusait largement de ma patience, je n'étais pas naïf... Pourquoi fallait-il attendre que l'on soit ici pour qu'elle me dise tout ça? Clairement, pour moi, le médecin n'était plus là. Il n'y avait que Louise et moi, essayant de trouver un terrain d'entente, de crever l'abcès qui nous ronge depuis quelques semaines.
Tu ne trouves pas ta place? Je ne comprend pas... Tu es sa maman, tu es mon épouse. Tiraillée? Ne me dis pas que tu es jalouse de l'attention que j'apporte à Rose? C'est incomparable... Je n'arrive pas à te comprendre.
J'étais moi-même complètement perdu... Où voulait-elle en venir? Qu'attendait-elle de moi? Elle n'arrêtait pas de se tourner vers son sac, je la connaissais trop bien... Louise, incorrigible, Louise.

Finalement, ce n'était pas une si brillante idée que ça, même le médecin se retournait contre moi. Comment pouvait-il juger ce qui était le mieux pour moi? Pour nous? Il ne nous connaissait pas, il ne savait pas que Louise ne s'occupait pas de notre fille, qu'elle était instable. Alors c'était difficile pour moi de décompresser, et d'oser les quitter. Je secouais la tête, que fait-elle? Elle savait pertinemment que si la petite se mettait à pleurer durant cette heure, elle ne saurait pas quoi faire d'autre que d'appeler à l'aide.
Merci beaucoup de t’inquiéter pour moi, mais ce n'est pas le sujet là, si? Lorsque j'en ressentirais le besoin, oui, je sortirais. Mais ce n'est pas le cas.
Comment avions-nous pu en venir à ça? Parler de moi, et du fait que je sors très peu. Je ne m'en suis jamais plains. Même si je ne pourrais pas faire ça et assurer pendant une année, j'espérais qu'avec Louise ça se passe mieux d'ici là. Louise en vint justement à dire que si elle pleurait ce n'était qu'un bébé comme les autres.
Justement! C'est là où je voulais en venir. Rose est un bébé comme les autres et qui a besoin d'être consolé lorsqu'elle pleure. Mais là est le soucis, tu n'interviens jamais. Que ce soit lorsqu'elle pleure ou non. Et c'est là que notre médecin va peut être pouvoir nous éclairer.
Je tournais ma tête vers le thérapeute, écoutant à peine ce qu'il me disait.
Je vous remercie pour vos considérations, cher collègue. Mais le problème n'est pas là. Louise a clairement un blocage, et peut être que vous pourrez nous conseiller.
Il cherchait à toute vitesse quelque chose dans son bureau, peut être pour répondre à mes questions. Ne disait-on pas que le personnel était souvent plus chiant? Je me plaignais de mes patients et du fait qu'ils étaient têtus, mais j'étais exactement pareil. J'en étais conscient. Je décidais de provoquer Louise, histoire de savoir ce qu'elle pensait. Apparemment, elle "subissait" Rose, alors je lui demandais les solutions qui lui venait en tête. Mais elle se referme tout aussitôt.
N'est-ce pas toi qui vient de me dire que tu "subissais"? Alors vas-y, je t'écoute. Qu'est-ce que tu as à me proposer? Tu sais très bien que jamais je ne ferais adopter ma fille. Hors de question. Toi même tu ne l'envisages pas, alors quel est le problème?
Petit à petit, j'avais l'impression de la perdre. Je ne cessais pas de l'observer, et quelque chose dans son attitude était entrain de flancher. Elle semblait de plus en plus déconcentré, se concentrant un peu trop sur son sac à main.
Louise? J'ai besoin que tu me parles, que tu m'expliques... Et pas que tu fixes ton attention sur ton fichu sac. S'il te plait, Louise.

Je voulais tout simplement nous concentrer sur nous et nos problèmes, et pas sur moi,et le fait que je devais rester à la maison pour veiller sur Louise et ma fille. Je ne comprenais pas le rapport direct, ça n'avait aucun rapport avec nos disputes et le fait que Louise ait tendance à s'isoler, ainsi qu'elle se doit remise à boire comme ci rien n'était.
Je t'assure, que ça n'a absolument rien à voir avec nos problèmes, ou nos disputes. Nous sommes venus pour parler de notre couple, et nous savons tous les deux que là n'est pas le problème... Tu imagines où on doit en venir pour réussir à communiquer?
Cela faisait quelques jours que l'on se réduisait à des "bonjour" et des "bonne nuit", comment vouliez-vous que ça aille? Et lorsque j'essayais de lui en parler, j'avais l'impression de parler à un mur. Ce n'était tout simplement plus vivable...
C'est à moi d'en juger... Et je ne peux rien te promettre. Je saurais lorsque je serais à bout de force. Ce n'est pas le cas.
Je n'en revenais pas... Elle devait s'obliger, vraiment? Je ne la comprenais vraiment pas. Nous étions aux antipodes... Je m'enfonçais un peu plus dans le fauteuil, la regardant, secouant la tête.
Mais mince, Louise! Tu es sérieuse là? Te forcer? Tu n'as pas besoin de te forcer pour aller consoler ta petite fille. Tu es capable de t'occuper d'inconnus et pas de ta propre fille.
Je pensais pas que l'on aurait droit à une intervention du thérapeute, il remit ses lunettes correctement. Il n'avait pas l'air plus stressé que ça... Mais il n'intervenait pas tellement non. Je me tournais alors surpris, entendant sa voix.
Je vois que vous êtes un couple passionné, et qui a besoin de s'ouvrir l'un à l'autre. Je pense d'abord qu'il faudrait arrêter de vous comporter comme ça. Je pense que vous, monsieur Collins, ne devait pas rejeter sans cesse la faute sur votre femme. Vous êtes médecin tous les deux, non? Vous devez connaître ce genre de cas, j'ai l'impression que nous sommes face à un baby-blues retardé. Vos discussions ne vont mener à rien du tout... Votre femme est responsable, oui et non, le fait de s'isoler n'est pas la solution. Et votre mari a raison: la communication dans un couple est vitale. Quel est votre avis?
Je croisais un peu plus les bras contre mon torse, n'osant regarder Louise. Il ne connaissait pas toute la vérité, et je n'avais pas envie de lui cracher à la figure que Louise était une addict à l'alcool et aux drogues. Mais il avait raison... Il y avait aussi un peu du fait d'une déprime post-natale. Indirectement, elle l'avait avoué... Je ne savais pas quoi dire. J'essayais de la comprendre, mais vraiment, sans réellement y parvenir.

Ne le vois-tu pas par toi-même? Pour parler comme deux adultes, nous sommes obligés de faire appel à une thérapie de couple. Preuve que quelque chose cloche, non? Avant on arrivait à discuter, à communiquer sans l'aide de qui que ce soit. Eh bien oui... Pour essayer de sauver ce qui peut encore l'être. Pour essayer de te faire réagir,de te provoquer un déclic, n'importe lequel.
Un nouveau soupir s'échappait de mes lèvres, en ce moment, j'avais tendance à beaucoup soupirer, plus que d'habitude en tout cas. Heureusement que Rose n'était pas avec nous, que l'on contenait tout ce que l'on ressentait. Il y avait tellement de tensions à cet instant entre nous. Qu'est-ce qu'elle attendait de moi, exactement? Que je la laisse continuer à ce rythme? Je n'étais pas du genre à la laisser tomber, et au contraire, j'espérais qu'elle prenne conscience que ça n'allait pas, qu'elle veuille trouver une solution.
Tu n'as pas besoin de te forcer, ça devrait être naturel. Explique-moi... J'ai besoin de comprendre ce qui te bloque à ce point. Tu étais celle de nous deux qui voulait de cette famille, que l'on ait cet enfant, notre enfant.
J'avais toujours besoin de comprendre, de savoir ce qu'elle vivait, peut être que j'en avais besoin pour essayer de la pardonner. Est-ce qu'elle même était capable de savoir ce qui se passait en elle? C'était plus possible de la voir comme ça, se bouffer la vie. Surtout que maintenant elle est greffée, et en de bonnes voies de guérison. Elle ne pouvait plus jouer avec sa santé, heureusement qu'aucun médecin n'était au courant de ce qu'il se passait réellement chez nous.
Et alors? Ça change quoi? Rien du tout! Ce sont tes patients, alors que tu as ta fille, ta chair, ton sang, n'est-ce pas plus important?
C'est ce moment que le médecin choisit pour intervenir. Je me retenais de l'interrompre, il avait l'air si sûr de lui. Mais te rends-tu compte qu'il te manque des éléments dans ton équation, cher collègue? Je ne savais toujours pas quoi dire, écoutant la réponse de Louise. C'était bien beau comme excuse: "Je ne trouve pas ma place". Pourtant elle avait largement eu l'occasion de s'intégrer, une place est libre auprès de nous. Pas fermée à la discussion? Plaisantait-elle? J'avais l'impression d'avoir le mauvais rôle...
Franchement, je ne vois pas l'intérêt de continuer. Louise est complètement bornée, alors à quoi bon?
Comme un petit garçon, je m'installais dans le fond du canapé, boudant et faisant la moue.

Pourquoi venait-elle à parler de la porte de notre chambre? Je ne voyais pas bien où elle venait en venir, puis j'eus un déclic. Je la regardais dans les yeux, essayant de trouver les bons mots.
Ce n'est pas ce que tu crois, au début, je finissais par m'endormir de fatigue en la berçant, puis après j'avais peur de te réveiller... Je sais que tu avais des difficultés à dormir, et puis... Certes je t'en voulais de tout ce que tu te faisais endurer. Mais ce n'était pas la raison.
Je n'avais pas voulu lui faire du mal, au début c'était certes sans le vouloir et après c'était plus pratique. Dans la journée, elle n'avait pas pour habitude de se reposer mais au contraire, de se faire du mal, il suffisait de voir tous les cadavres de flasques et de seringues jonchant le sol. Je me retenais de lui parler... Je ne pouvais pas le faire, pas devant ce thérapeute. J'avais besoin de comprendre ce qu'elle ressentait, ça avait toujours été comme ça, déformation professionnelle. Je hochais la tête lorsqu'elle me demandait si j'étais certain de vouloir l'entendre. J'attendais la suite de ses explications avec impatience... Et tout devenait plus clair. Pourquoi ne m'en avait-elle pas parlé avant? Pourquoi avait-elle gardé ça? Tout aurait pu être si simple si elle s'était ouverte à moi.
Que craignais-tu en m'en parlant? J'aurais aimé que tu m'en parles plus tôt...
J'essayais d'encaisser ce qu'elle me disait, Louise se sentait coupable. Mais était-ce une raison pour boire et se droguer à ce point?
Tu n'as pas à te sentir coupable... Elle est née prématurément essentiellement à cause de ton insuffisance rénale, on nous avait prévenu. Tu t'es battue pour elle malgré tout, et tu as tenu le coup pendant toute ta grossesse, malgré quelques... Quelques soucis de parcours. Rose va très bien aujourd'hui. C'est le plus important, non?
Je m'étais renfrogné et enfoncé dans le fond du canapé. A quoi ça servait tout ça? Le médecin allait ajouter quelque chose, mais ce fut Louise qui intervient la première. J'étais plutôt surpris par ses paroles, je relevais la tête vers elle. Elle avait remarqué ce petit détail? Je visualisais parfaitement ce petit sourire, celui dont elle parlait et ça me fit sourire.
Oui, c'est vrai qu'elle est adorable quand elle fait ça. Ou ses petits pleurs, si on peut appeler ça comme ça, lorsqu'elle veut que je la prenne dans mes bras. Nous avons une petite fille adorable.
Je me saisis de la main de Louise, l'observant dans les yeux.

Je suis désolé... Je ne pensais pas que ça te touchait autant. Je suis vraiment désolé, je vais essayer de vraiment changer ça. Je n'ai jamais voulu te faire de mal.
Je me sentais affreusement mal... Elle avait raison de me le reprocher, même si ça n'a pas toujours été volontaire de ma part, je me devais d'être plus présent pour ma femme.
Ce que je lui disais ensuite n'était pas un reproche, même si j'aurais préféré qu'elle m'en parle de suite. Qu'elle n'attende pas que l'on soit ici pour m'en faire part. Je ne comprenais pas pourquoi elle hésitait encore à s'ouvrir à moi, bien avant que l'on se marie, on s'était mis d'accord pour parler de tout ce qui nous gênait. Je secouais la tête, il fallait relativiser... Elle s'était ouverte à moi et c'était le plus important.
Mieux vaut tard que jamais... Je ne veux juste plus que tu hésites à me parler, qu'importe le sujet. C'est important que l'on se parle.
J'essayais de lui faire comprendre qu'elle ne devait pas se sentir coupable, elle avait fait énormément d'efforts pendant sa grossesse et elle devait s'en sentir plutôt fière.
Il ne me semble pas, il faut la surveiller comme n'importe quel enfant, mais tout va bien. Tu pourrais aller voir par toi-même si tu le veux...
Elle aurait pu s'occuper de sa fille, s'assurer elle-même que tout allait bien, mais Louise avait refusé tout net de s'occuper de sa fille, et même de nous accompagner pendant les rendez-vous que nous avions. Alors en effet, elle ne pouvait pas connaître son état...
Je n'en suis pas aussi certain que toi, si tu as besoin, on pourrait demander l'avis d'un spécialiste. Mais les accouchements prématurés sont fréquents lorsque l'on est malade. Tu n'en sais rien... Et le fait de ne pas t'en occuper, ne changera plus rien désormais. Au contraire, être là pour elle, est la meilleure chose à faire. On aura le temps de s'inquiéter pour le reste.
Est-ce que je peux savoir de quoi nous parlons exactement? J'ai bien été informé d'une insuffisance rénale, mais je sens que vous me cachez quelque chose d'autre, je me trompe?
Je serrais la main de Louise, la regardant. Franchement, non, je voulais bien parler de tout mais pas de ça. Louise avait toujours voulu que ça reste entre nous, et actuellement c'était la meilleure chose à faire.
Oui... Vous vous trompez. Il n'y a rien de plus, rien qui pourrait changer les faits en tout cas.

Louise ne rétorquait rien. Allait-elle s'approcher de Rose? Oser enfin la prendre dans ses bras? Même si c'était pour vérifier qu'elle allait bien, c'était déjà un premier pas. Je n'avais jamais été pessimiste, et j'avais toujours espoir, même si plus personne n'y croyait. Alors oui, je voulais croire que les choses finiraient par changer. Nous étions passé par tellement d'épreuves... Celle-ci n'était pas insurmontable. Je serrais la main de Louise, soutenant tout à fait ses propos, certaines choses ne devaient pas être dites et nous étions d'accord sur ce point. A cet instant, tout semblait avoir été dit. La communication avait toujours été le point noir de notre relation, et encore une fois, nous le prouvions. Louise m'avait promis d'essayer de faire des efforts, intérieurement je me promis la même chose, d'être plus attentif à ma femme, et à lui demander plus souvent de me parler de ce qui allait ou pas entre nous. D'un même mouvement de tête, j'observais l'horloge accrochée au fond de la salle, il ne restait plus que quelques minutes. Je sentais que Louise prenait de l'élan et appui sur ma main pour se relever. Je suivais son mouvement, la rattrapant de justesse avant de retomber tout droit dans le canapé. Je la regardais, fronçant les sourcils, inquiet. J'essayais rapidement de donner le change auprès du thérapeute.
Hum... Oui, je crois que nous avons pu trouver une piste à exploiter. Merci de votre aide, cher collègue.
-Vous êtes certains? Peut être que...
-C'est gentil, vraiment. Mais tout va bien aller... Si on en ressent le besoin, on sait où vous contacter. Merci encore.
Je serrais Louise contre moi, l'emmenant vers la sortie. J'attrapais son sac à main au passage. Soupirant, nous nous éclipsions. Je m'arrêtais un peu plus loin, loin du regard du thérapeute et d'autres curieux.
Tout va bien? J'étais inquiet... J'ai cru que tu allais tomber dans les pommes. Viens, rentrons à la maison.
Je déposais un bref baiser sur son front, avant de me saisir de sa main à nouveau.