Je suis en plein cours de grec, en train de décliner pour la centième fois au moins
o logos qui ne veut de tout évidence pas entrer dans la tête de mes élèves lorsque mon portable sonne brièvement, signe que j'ai un message. Je cesse immédiatement de parler et un blanc se créer et je peux remarquer quelques élèves qui se demandent si ce ne sont pas eux qui ont sonné, mais face à mon silence et à ma non tentative de chercher le coupable ils comprennent très vite que c'est bien leur professeur le coupable et un sourire amusé s'affichent sur leurs visages. Je me mets à sourire à mon tour, avant de reprendre : «
Je vous mets à tous un point au prochain devoir si cette histoire reste entre nous. » et sincèrement, ce petit point en plus certains en ont grandement besoin. Quelques rires fusent et c'est finalement Amelia, assise au premier rang qui me répond. «
Vous mentez. ». Et c'est à mon tour de rire. «
Bien sûr que je mens ! » Je réponds joyeusement avant de demander s'il y a un volontaire pour aller écrire ma déclinaison au tableau. Il y en a, et je profite de ce moment de silence pour sortir mon téléphone de la poche arrière de mon jean pour pouvoir le mettre en silencieux avant de regarder mon message.
Nora.
On dîne chez mes parents ce soir.
Je hausse un sourcil, pas trop sûr. Est-ce une question ou une affirmation ? Je réponds un bref « non » avant de ranger de nouveau mon téléphone et de porter mon attention sur le cours. Oh, grande nouvelle ! Mon élève sait sa déclinaison ! Mais... «
Les accents nom de Zeus ! Les accents ! » Je fais en exagérant un soupir avant de me diriger à mon tour au tableau.
En fait, ce n'était pas une question. On dîne chez les Hilton ce soir, parce que c'est l'anniversaire de Maman Hilton. J'ai essayé toutes les excuses : j'ai du travail ; je n'ai pas de cadeau pour ta mère ; je suis fatigué ; un tigre va me manger avant ce soir... Mais rien n'a marché. Nora a déjà dit qu'on serait présent
tous les deux alors nous serons présent tous les deux. «
Et habille-toi décemment ! Ça veut dire pas avec le tee-shirt que tu avais ce matin, Dan. » Je ris un peu. Ma copine a toujours été la première pour critiquer mes vieux tee-shirt super-héros. «
Je ne comprends toujours pas comment tu fais pour douter de Tony Stark, Nora. Mais bref, laisse-moi rentrer veux-tu ? » Elle veut bien, raccroche même après un «
Oui oui, à tout de suite je t'aime ! » et je rentre enfin dans ma voiture. Okay, ce soir ça va une de ces soirées horrible comme on n'en fait pas. Le problème, ce ne sont pas les parents de Nora. Non, eux, ils sont adorables et m'ont adopté comme leur beau-fils. En même temps je sors avec leur fille depuis l'université et on se côtoie depuis le lycée donc... Presque une décennie qu'ils me connaissent. Et à ce stade là, la seule chose que je peux leur reprocher c'est de sans cesse nous demander lorsqu'on va enfin décidé à se marier ou au moins faire des enfants, ce à quoi on ne cesse de répondre qu'on a encore le temps ce à quoi ils ne cessent de répondre que non, pas tant que ça en fait. Non, le problème c'est que ce soir c'est l'anniversaire de Madame Hilton, et si moi je lui là,
lui aussi sera présent.
Je souffle doucement la fumée inhalée de ma cigarette dans l'air frais de la nuit vers la lumière du réverbère pour pouvoir l'observer. La soirée ne se déroule pas si mal que cela, si on ne prend pas en compte la remarque de Maman Hilton qu'elle aurait préféré qu'on lui annonce la grossesse de sa fille que l'appareil photo que Nora lui a acheté en cadeau. Je me suis contenté de rire et Nora a pris notre défense. Ce n'est pas le moment, nos carrières débutent tout juste et blablabla, le discours habituel quoi. Et puis avant il y a eu le moment où j'ai dû
lui dire bonjour et ce fut vraiment terrible. Une poignée de main, un vague sourire sur les lèvres et l'affaire est faite, sans un regard. Je ne peux plus le regarder sans penser à... Mon dérapage et ce soir n'était évidement pas le soir correct pour y penser. «
Dan ? » Je sursaute à l'entente de mon prénom et de sa voix avant de me retourner. Il se tient sur le perron de la porte, les mains dans les poches et tout frissonnant, un mince sourire aux lèvres et
Dieux, qu'il est beau.
«
Mmh ? » Je marmonne vaguement en tirant de nouveau sur ma cigarette. «
On va servir le gâteau, tu viens ? » Non, je reste là. Et toi aussi. Et on va regarder la lune, main dans la main et raconter de la merde niaise, et je ferai une blague sur Pluton et tu ne comprendras pas parce que mon humour est bien trop décalé pour être compris. Même mes élèves ne le comprennent pas. «
J'arrive. » Je dis finalement avant d'écraser ma cigarette et de suivre Nedd à l'intérieur.
«
Daniel ? » Chuchote Nora contre mes lèvres alors que voilà plusieurs minutes que j'ai entrepris de l'embrasser. Peut-être avec un peu trop de ferveur pour qu'elle finisse par se reculer pour me regarder, soucieuse. Je raffermis un peu la prise que j'ai contre sa taille pour la rapprocher de moi avant de fermer les yeux et de poser mon front contre le sien. «
Quoi ? » Je fais finalement bien que je sais déjà ce qu'elle va me demander. Je la sens soupirer contre moi, puis l'une de ses mains auparavant dans mon dos vient prendre place sur ma joue. «
Est-ce que ça va ? » Oui. Non. Je ne sais pas. Je t'aime, vraiment de tout mon coeur et ça ne changera jamais. Mais j'ai pourtant embrassé ton petit frère qui a eu la décence de me repousser, ce qui ne m'empêche toujours pas de le trouver canon et je ne sais pas ce qu'il m'arrive. «
Oui. » Je dis en rouvrant les yeux pour pouvoir la regarder. Je lui souris, chassant finalement toutes les pensées néfastes qui m'assaillent. «
Je t'aime. » Je murmure avant de rapprocher lentement mes lèvres des siennes. Elle se met elle aussi à sourire. «
Je sais. » Répond-elle un peu arrogante. «
Tais-toi. » Je lui ordonne avant de reprendre l'assaut de sa bouche de la mienne. Moi non plus, je ne sais pas si cet ordre lui était plus destiné à elle qu'à moi.