Je joue avec mes mains et je me mordille les lèvres. Je parais très calme mais dans le fond, j'ai envie de faire 36 000 pas dans la pièce, de crier un bon coup ou de pleurer au choix. Je pose ma tête sur le mur en attendant mon tour. «
Alaska Halstead ? » je lève la tête et je me lève rapidement. «
C'est à vous dans quelques minutes ! Echauffez-vous ! » On m'emmène dans une salle où je fais quelques étirement. J'ai l'estomac noué et j'ai la gorge serrée. Je suis incapable de parler tellement que je stresse. Je repète une dernière fois ma chorégraphie, enfin quelques mouvements. J'hésite, j'ai peur. C'est seulement dans ce genre de cas que je suis morte de trouille. Quelques minutes après, la femme avec sa liste vient me chercher, j'ai l'impression qu'elle m'a laissé seulement deux secondes dans la salle. Je passe devant toutes les autres qui attendent après mon tour. Je pousse une des portes et j'arrive ensuite devant un jury. Ils sont huit ou neuf et leur yeux sont rivés sur moi. Je m'avance au milieu de la scène, l'éclairage est sur moi. Je ne regarde qu'eux. «
Mademoiselle, Halstead, Alaska Paige, c'est ça ! » Je hoche la tête tout en disant «
C'est exact ! » l'homme qui a pris la parole auparavant met ses lunettes pour regarder un peu ma fiche et regarder mon parcours. Il me pose des questions sur ma motivation, mes qualités, pourquoi j'ai choisi d'essayer de rentrer dans sa compagnie. Je réponds honnêtement, sans broder de magnifiques réponses. A la fin, il s'enfonce un peu plus dans son siège en disant «
Bien. Donnez le meilleur de vous-même mademoiselle Halstead. » Je souris et la musique, je commence ma chorégraphie, je danse comme si ma vie en dépendait..
*****
Parlant de ma vie, elle défile devant mes yeux lorsque je danse. Alaska Grace Halstead, née à Vancouver, fille de David James Halstead et Nora Olivia Baker-Halstead. La seule et unique enfant de ce couple qui s'est rencontrée au lycée. Je suis née trois après qu'ils se soient mis ensemble. Ma mère a mis ses études entre parenthèse pour m'élever et permettre à mon père de réaliser ses rêves. Ils m'ont nommé Alaska car leur première vacances en amoureux était dans l'Alaska et ils ont adoré. Ce n'est pas commun comme nom mais j'ai toujours bien aimé. J'ai vécu mes premières années à Vancouver. Je n'ai pas grands souvenirs, mais je me rappelle que lorsque j'ai eu cinq ans, ma mère m'a inscrit à mon premier cours de danse : la danse classique. Il faut dire que je l'embêtais depuis six mois pour qu'elle me paie des cours de danse. Je voulais devenir un petit rat de l'opéra moi aussi. Elle a fini par céder. C'est devenu rapidement mon passe-temps, j'ai adoré ça, comme toutes les petits filles, sauf que contrairement à d'autres, je n'ai jamais arrêté. C'est lors d'une histoire que mon père me racontait pour m'endormir que j'ai voulu devenir danseuse. C'est la seule chose que l'on partageait mon père et moi car il se tuait à la tâche à son travail, pour son patron. A cette époque-là, mon père c'était mon héros. Je ne voyais que par lui. Son « absence » était assez difficile à gérer mais il essayait de passer tout son temps libre avec moi. Il en avait pas beaucoup malheureusement mais il n'a jamais loupé un de mes anniversaires, ou Noël. On était une famille de classe moyenne, mais il avait beaucoup de responsabilités sur ses épaules, peut-être trop pour un seul homme. En grandissant, j'ai commencé à lui en vouloir un peu. Qu'il ne vienne pas à mes galas de danse, qu'il préfère passer son temps avec son patron et sa secrétaire plutôt qu'avec ma mère et moi. Je commençais à avoir un sacré caractère pour une petite fille et je commençais à pardonner de moins en moins.
Après le renvoi de mon père de son précieux travail lorsque j'ai eu onze ans, il nous annonce qu'on va passer les vacances en Italie, chez son nouvel associé. A ce moment-là, je n'ai pas trop compris ce qu'il lui passait par la tête là. Un mois après, je décollais en direction Syracuse. Mes parents m'avaient demandé de ne pas faire la tête, mais moi je voulais passer mes vacances avec mes amies, sachant qu'on allait déménager par la suite. J'ai appris dans l'avion que son nouveau partenaire avait un garçon de mon âge et une fille aînée, je pensais qu'on n'allait pas du tout s'entendre. On est arrivé et ils ont été assez cool avec nous. Je me suis très vite liée avec Mattias, on se comprenait, on avait les mêmes délires, il m'a traîné un peu partout avec lui et ses potes et ce n'était pas pour me déplaire, bien au contraire. Je ne les comprenais pas trop, ne parlant pas italien, mais Mattias revenait toujours vers moi et m'expliquait les choses. Enfaîtes, ses vacances étaient géniales. Je ne voulais plus partir, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Mon père a réglé les derniers détails de nos départs. Une semaine après notre retour d'Italie, on déménageait. Autant dire que j'ai fait la guerre à mes parents pendant quelques mois. Il ne me restait que la danse, j'ai intégrée l'école de danse de mon nouveau quartier, je me suis rapidement fait des potes à mon cours mais j'ai bien eu du mal à me lier avec les filles. J'étais un peu en retrait, je changeais complètement de méthode de travail. Les cours me semblaient de plus en plus barbant et ce n'est jamais facile d'être la petite nouvelle quelque part. Heureusement, je connaissais Mattias, donc on se retrouvait souvent et c'est là où l'on s'est considérablement rapproché. C'est devenu rapidement mon meilleur ami ici et je me suis fait rapidement de nouveaux amis aussi. Je suis très sociable et assez fofolle. Je ne me prends pas trop la tête comme fille, donc forcément.. Deux ans après, Mattias me révèle qu'il a une maladie de cœur, pendant une soirée, je l'ai vu tomber d'un coup d'un seul. J'ai eu terriblement peur pour lui et encore maintenant, je m'inquiète encore pour lui. Pendant cette période, mes parents m'annoncent qu'ils divorcent. Je dois avouer que cela ne me surprend qu'à moitié. Depuis que mon père a monté sa société, leur couple bat à moitié de l'aile. Beaucoup d'incompréhension, de non-dits. Ce fut la guerre entre eux. La guerre pour tout. Le vase en cristal, la fortune de mon père, la maison, les voitures, le chien et même moi. Ma mère faisait tout pour m'attirer de son côté alors que c'est elle qui a trompé mon père pendant deux ans et demi. Je dois avouer que j'ai mal vécu cette période. Au début, je trouvais ça drôle que mes parents essaient de m'acheter mais quand j'ai vu qu'ils se battaient pour la dernière boite d'allumette. J'ai commencé à trouver cela pathétique. Au final, c'est la garde alternée. Ce n'est pas plus mal, même si je joue du fait que ma mère culpabilisé énormément d'avoir détruit notre famille pour son propre bonheur avec elle. A partir de ce moment-là, j'ai commencé à faire ce que je voulais. Mon père voulait être sévère tandis que ma mère voulait que je sois heureuse. Je voulais plus attirer leur attention qu'autre chose alors j'ai enchaîné les conneries, je l'avoue. Je faisais la fête, je buvais, je fumais, à quinze ans, j'étais incontrôlable. Mon père me punissait et ma mère ne suivait jamais. Elle ne se met pas en travers de mon chemin.
Malgré tout, je me suis toujours donnée à fond dans la danse. J'étais toujours clean et je répondais toujours au critère, je faisais tout pour me surpasser dans ma passion. Mon père a trouvé ma faiblesse et il s'en ait servi. J'arrête les conneries, sinon, je n'avais plus le droit d'exercer la danse. J'ai un haut niveau et je ne voulais pas le perdre, je n'ai pas eu le choix. Je me suis calmée, légèrement et je me suis maintenant pour avoir légèrement au-dessus de la moyenne dans mes notes au lycée. Lorsque je veux sortir, je vais tout simplement dormir chez ma mère, il n'a pas le droit de rien me dire. Mon père n'aime pas trop mes fréquentations, mais honnêtement, c'est le cadet de mes soucis. Il veut m'éloigner de Mattias depuis que j'ai quinze ans, mais il n'a jamais réussi. On se prend souvent la tête à cause et on s'est souvent pris la tête pour un autre garçon : Jay. Jay a été mon premier grand amour. Je l'ai rencontré au lycée, pendant que Mattias était avec Megan. J'ai toujours été un peu amoureuse de Mattias, mais je ne lui ai jamais dit. Quand j'ai vu que ça durait avec Megan. Je ne me suis pas interposé et puis c'est mon ami, je ne lui souhaite que du bonheur. J'ai rencontré Jay à un de mes cours de littérature. Je m'amusais à écrire sur la table et il s'est mis à côté de moi parce qu'il est arrivé en retard et qu'il n'y avait plus de place nulle part. A partir de ce moment-là, il m'a parlé comme si on se connaissait depuis toujours et puis, il n'arrêtait pas de me faire rire.
Au début, ce n'était qu'un simple ami, mais très vite, c'est devenu plus. J'ai commencé à devenir jalouse des filles qui l'approchaient, lui pareil avec les mecs. Au début, sa jalousie, je prenais vraiment ça comme une preuve d'amour. Il ne m'interdisait rien les premiers mois de notre relation. Il me disait simplement ce qu'il ne lui plaisait pas, parce que ce n'était pas si sérieux. On passait notre temps à se quitter et à rompre pour des broutilles mais dans le fond, on le savait qu'on était impliqué dans cette relation plus qu'on ne voulait le dire. Il y a 2 ans, on fêtait notre première année en tant que couple, le bonheur, le petit nuage, c'était parfait. C'était magique. Je l'avais présenté à ma famille. Il s'était fait adoré de tout le monde, sauf de mon père. Je passais énormément de temps avec lui et je pensais que mon père était jaloux. Du coup, on se prenait souvent la tête. A la maison, c'était tendu. Je préférais être chez ma mère. Pourtant, mon père n'avait pas tort de se méfier. Le premier coup fut le pire. On s'était embrouillé à cause de Mattias et il m'a giflé. Je me rappelle encore de ma réaction. Je l'ai regardé dans les yeux, j'étais complètement terrorisée, je me tenais la joue tout en sentant les larmes qui montaient. J'ai beaucoup de caractère, j'avais voulu lui rendre son coup, mais j'étais tellement mal et surprise, mais surtout terrorisée que je suis restée comme deux ronds de flans. Je suis partie à toute jambe chez moi, complètement bouleversée. Mais il m'a suivi et il s'est excusé et j'ai eu le malheur de le reprendre, si je savais...
C'était une honte pour moi, de me faire frapper. Je n'en ai jamais parlé à personne bien que je me renfermais sur moi-même. A chaque fois, il me jurait que c'était la dernière fois, qu'il ne comprenait pas, qu'il s'en voulait terriblement, qu'il m'aimait. A chaque fois, je cédais. C'est con mais quand les sentiments sont là, c'est difficile de s'en défaire. Je commençais à vivre avec la peur au ventre. Il me faisait de beaux bleus que je dissimulais toujours assez bien. Cela ne regarde personne. J'abandonnais les cours de danse, j'étais complètement à ses ordres, je suivais ce qu'il disait de peur de recevoir des coups. Je changeais complètement, je commençais à m'éteindre, j'ai commencé à voir mes amis de moins en moins. On était pratiquement tout le temps ensemble.. Un jour Mattias est venu me voir et il a commencé à m'engueuler, ce qui est compréhensible, puis il a voulu me prendre dans ses bras mais j'avais tellement mal que j'ai poussé un petit cri. Il a vu mes bleus et il a vu rouge, il a compris complètement. L'après-midi, mon copain de l'époque se faisait tabasser par mon ami qui était devenu fou de rage. Ils se sont battus, pour moi. Je me sentais tellement mal que j'ai mis au courant mon père qui voulait le tuer aussi. J'ai eu interdiction de le revoir et je pense que mon père a été le menacé aussi. Au final, il a disparu de ma vie du jour au lendemain, il y a un an désormais. Cela a été très difficile, un soulagement et une peur désormais. Tout le monde est tombé de haut, ma mère la première alors que j'ai essayé de lui en parler, plusieurs fois. Un peu méfiante envers les hommes, mes relations ne durent pas longtemps, je n'ai plus envie de m'attacher, je ne veux plus revivre ce que j'ai vécu. J'évite les gens que je considère comme bizarre mais j'ai repris ma vie. La danse, les potes, les sorties. J'ai eu mon diplôme et maintenant je postule pour cette grande école de danse, cette compagnie.
*****
Je finis ma chorégraphie, assise par terre. Ma respiration est irrégulière et les juges restent de marbre, c'est assez déconcertant, mais c'est ce que je veux. Je me suis battue du mieux que je pouvais. Je me relève doucement tout en continuant de respirer plus vite que d'habitude. L'adrénaline est toujours là et en tant que perfectionniste, je ne suis pas totalement satisfaite de ma prestation. «
Merci mademoiselle Halstead. On vous tient au courant dans les prochains jours.. » Je bois une gorgée tout en leur disant «
Merci. » et je pars ensuite soulagée mais stressée, en attente de la réponse.
La réponse arrive une semaine plus tard et je suis reçue. Je sautille de joie forcément sauf que mon père a une autre lettre entre ses mains. Je lui montre la lettre de la compagnie et je sautille de joie, j'ai été sélectionné mais lui n'est pas d'accord, pour lui, la danse n'est pas un vrai métier. Il a reçu une lettre d'une autre université et il veut que je fasse des études de commerce pour devenir une business woman, comme lui. On s'est disputé énormément à propos de ça mais il n'a pas plié. J'ai dû plier et je vais aller dans ce cursus marketing et renoncer à mon rêve pour le moment vu que je dépends encore de lui mais je cherche à partir. Nos relations se sont détériorées depuis, il a laissé passé ma chance et je lui en veux, énormément. On ne s'adresse quasiment plus la parole. Je ne vais pratiquement pas en cours. Je préfère faire la fête et m'étourdir un peu ce qui lui déplaît fortement mais c'est lui qui a cherché cette situation. Le jour où je peux partir, je saisis ma chance, je provoque le destin à nouveau... Mais pour l'instant, aucune opportunité ne s'est offerte de nouveau à moi.