J'étais nerveuse. J'avais décidé d'aller voir Erin pour lui parler de mon manuscrit. J'avais besoin de savoir si elle serait d'accord pour le lire et me donner son avis une fois que j'aurais mis le point final à mon histoire - ce qui ne devait plus tarder à arriver. J'avais besoin d'un avis objectif. J'avais besoin d'avoir l'avis de quelqu'un qui savait manier les mots, qui pourrait me dire où ça allait mais aussi et surtout où ça n'allait pas. C'était peut-être idiot mais j'avais peur. Peur d'avoir écrit n'importe quoi depuis le début, depuis que je m'étais lancée dans cette aventure. Et si j'étais nulle à ça finalement? Et si je m'étais imaginée pouvoir devenir une écrivaine à succès alors qu'en fait, je n'avais aucun talent? Du coup, j'angoissais. Je m'étais donc rendue à l'Oiseau Bleu ce jour-là. Cependant, si j'avais su ce qui allait m'attendre là-bas, je ne m'y serais pas rendue... En arrivant dans le hall, j'allais m'approcher de l'accueil pour demander dans quelle chambre se trouvait Erin mais je dû m'arrêter lorsque je le vis... Il était de dos mais je le reconnaîtrais entre mille. Non... Ce n'était pas possible, il ne pouvait pas être là... Pas après les deux ans qui venaient de passer... Sans que je ne réfléchisse, son prénom franchis le seuil de mes lèvres. « Ryan...? » J'aurais pu faire demi-tour, partir, fuir mes responsabilités en quelques sortes. Sauf que mon corps restait figé sur place. Je n'arrivais pas à bouger. C'était fou... Je ne pensais pas que ça me ferait remonter tant d'émotions en le revoyant après tout ce temps. Au fond, même si j'avais essayé, je n'avais absolument pas réussi à l'oublier...

Je me souvenais de ce qu'il s'était passé comme si ça remontait à la veille. Il devait rentrer chez lui, à New-York, parce que sa mission avec moi était terminée. Il m'avait proposée de venir avec lui. Mais je n'avais pas pu. Je n'avais pas réussis à lui dire oui. Quelques mois auparavant, j'avais dû quitter ma vie, ma famille, mes amis, à cause de ce fichu procès. Au cours des semaines où j'avais dû rester sous sa protection, j'avais commencé à construire une nouvelle vie et je n'avais pas pu tout quitter comme ça à nouveau pour recommencer une nouvelle fois dans une nouvelle ville... Alors bien sûr, j'aurais été avec lui. Mais vous savez ce que c'est de tout reprendre à zéro? De se créer de nouvelles relations? J'en avais eu quelques unes à Toronto et je ne pouvais pas tout abandonner encore une fois... C'était trop dur pour moi. Quant à Ryan... Il était partis. Il m'avait laissée derrière lui. Oui, je lui en avais voulu. Beaucoup. En fait, je crois même que je lui en voulais encore à ce jour. Un seul baiser. Le jour du procès... Quand il avait prit fin, je l'avais embrassé. Le stress, la joie que tout soit terminé, tout un tas d'émotions m'avait emportée et poussée à l'embrasser. Ce baiser signifiait quelque chose pour moi. Vraiment. Je pensais que malgré mon refus de le suivre, on aurait pu... discuter, trouver des solutions, qu'il viendrait me voir, ou qu'en savais-je?! Mais non... Rien... Le jour où il était monté dans cet avion pour rentrer à New-York fut la dernière fois que je le vis.

Être là, face à lui, c'était difficile. J'avais le coeur qui battait la chamade. Pourquoi était-il là d'ailleurs? Pour moi? Pour une affaire? "Oh, n'y penses même pas Ana. Il ne t'a pas donné de nouvelles depuis deux ans, pourquoi reviendrait-il pour toi maintenant hein?", pensais-je alors que mes yeux se posèrent sur lui. Il n'avait pas changé. Toujours aussi... Beau... J'avalai difficilement ma salive en attendant une quelconque réaction de sa part. Sans doute qu'aucun de nous deux ne pensait tomber sur l'autre et qu'il serait autant surpris que je l'avais moi-même été. Quoi qu'il en était, nous en étions là et on allait avoir du mal à fuir maintenant. J'avais eu cette sensation d'abandon et le revoila, devant moi, en chaire et en os... Qu'allait donc donner la suite des événements? Je me le demandais. Tout comme je me demandais de quelle façon il allait bien pouvoir réagir en me voyant...

Je devais avouer être un peu perdue. Le revoir faisait remonter un tas d'émotions en moi et ça me perturbait plus que je n'aurais pu l'imaginer si j'avais pensé le revoir un jour. Peut-être parce qu'intérieurement, j'étais persuadée de ne jamais le revoir alors comment réellement imaginer l'effet que des retrouvailles pourraient reproduire sur moi? "- Ana ?" Entendre mon surnom franchir le seuil de ses lèvres me fit avoir un petit pincement au coeur. Certes, c'était un surnom que la plupart de mon entourage me donnait, là n'était pas la question. Mais venant de lui, ça avait en quelque sorte une toute autre signification à mes yeux. "- Salut." Salut? Je ne savais pas trop si je devais lui demander comment il allait ou quoi. J'étais perturbée, un peu paumée sur les bords. "- Qu'est ce que tu fais ici ?" Il était sérieux là? Je jetai un oeil autour de nous avant de reposer mes yeux sur le beau brun. "Ce serait plutôt à moi de te poser la question, tu ne crois pas?" J'habitais ici, il y avait plus de chances que moi je me rende dans cet hôtel pour une raison X ou Y que lui qui était sensé vivre à New-York, du moins aux dernières nouvelles. Je soupirai doucement et lui lançai une petite pique discrète mais qui voulait tout dire. "J'imagine que ce n'est pas pour me voir que tu es en ville mais pour ton boulot?" Il n'était pas venu en l'espace de deux ans après m'avoir laissée derrière lui comme si je n'avais jamais compté - ce qui était peut-être le cas d'ailleurs, qu'en savais-je après tout - alors il y avait certainement plus de chance que ce soit à nouveau son travail qui l'ait mené ici plutôt que moi. "Je suis venue voir une amie à l'improviste..." Parce que oui, c'était bel et bien pour ça que j'étais là à la base et puisqu'il m'avait posé la question, je me décidai à lui répondre même si je n'étais pas sûre qu'il avait vraiment le droit de savoir. Cependant, je n'avais rien à cacher alors pourquoi ne lui répondrais-je pas?

Je n'étais pas sûre que cette discussion reste courtoise et civilisée. Je lui en voulais toujours terriblement, malgré les deux années qui s'étaient écoulées depuis qu'il était parti. Cela ne changeait rien à mes sentiments et ma rancune. Je lui en voulais de m'avoir abandonnée, et ce n'était visiblement pas prêt de changer. "- T'as raison c'est pour le travail." Je le vis mettre sa main à son arme, accrochée à sa ceinture comme elle l'avait si souvent vu auparavant. Il voulait lui prouver qu'il était toujours agent du FBI? Il cherchait quoi? A se la péter? Un très léger changement d'épaules me traversa alors qu'il reprit la parole. "- Mais j'ai gardé un oeil sur toi tu sais et je savais que tu allais bien." Alors ça, c'était carrément culotté! Il osait me dire qu'il avait gardé un oeil sur moi?! Sérieusement?! "Et tu veux quoi? Un remerciement pour ça peut-être?" Comme c'était gentil de sa part de m'avoir surveillée de loin! Ironie quand tu nous tiens. Ce n'était certainement pas ce détail qui allait faire que j'allais pardonner son départ aussi facilement. "Et puis même si j'avais pas d'ennuis, rien ne te disait que j'allais vraiment bien Ryan." Parce qu'effectivement, je n'allais pas si bien que ça au début. Déjà parce qu'il était parti pour commencer. Ensuite, parce que ce n'était pas simple de se retrouver seule. J'aurais pu rentrer chez moi mais j'avais quelques connaissances et Toronto était une ville qui me plaisait. Cependant, ça ne rendait pas la chose spécialement plus facile. Finalement, je l'informai que si j'étais ici, dans cet hôtel, c'était pour voir une amie. "- Une amie dans un hôtel ? une amie de longue date alors." Je soupirai légèrement en secouant la tête. "Non, une amie récente. Ce n'est pas parce que c'est dans un hôtel qu'elle est forcément qu'en voyage ici. Il y a des gens qui habitent dans des hôtels." Erin n'était pas en voyage ici mais elle était arrivée récemment, d'après ce que je savais. Je jetai un oeil autour de nous. Parfois les regards de certains employés/clients de l'hôtel se posaient sur nous mais rien de bien alarmant. Nous n'avions pas encore fait de scandale après tout. Pas encore.

Je sentais qu'il ne comprenait pas pourquoi je me comportais de cette façon avec lui. C'était si compliqué? Oui, bien sûr il m'avait proposé de venir avec lui à New-York. Mais je venais de quitter ma famille à Montréal, je commençais à peine à reconstruire quelque chose quand le procès avait été terminé. Il y avait une possibilité d'avenir pour moi à Toronto. Et j'aurais dû tout plaquer pour la seconde fois en quelques mois pour un mec que je ne connaissais pas plus que ça malgré ce qu'on avait pu partager? Pour une histoire qui n'aurait peut-être pas tenue la route, qui se serait peut-être terminée après quelques semaines ou mois? Alors, vous allez me dire que je suis pessimiste de penser à ça comme ça et j'aurais tendance à vous répondre que c'est vrai. Mais je n'avais pas le courage de tout laisser derrière moi, même si ce n'était qu'un début de nouvelle vie au moment précis de son départ.

Il disait avoir toujours gardé un oeil sur moi malgré la distance et je voulu savoir si il désirait un remerciement pour ça. Il n'avait même pas cherché à rester en contact avec moi et je devrais le remercier parce que soit-disant, il avait gardé un oeil sur moi? Pas mon genre. "- Une médaille.. un diner ?" Pardon? Il était sérieux là? J'haussai un sourcil en signe d'incompréhension et lâchai un soupire. Il ne semblait pas se rendre compte de ce que j'avais ressentis et de ce que je ressentais encore en l'ayant en face de moi. "- Qu'est ce que tu veux que j'y fasse, je pouvais pas rester, j'ai un travail et mon travail était terminé. Et puis est-ce que je dois te rappeler que je t'ai proposé de rentrer avec moi et t'as pas voulu..." Waouh. Alors c'était de ma faute maintenant? En y réfléchissant, peut-être bien que oui. Peut-être bien que non. Peut-être que nous étions deux fautifs dans l'histoire. Après tout, c'est rarement la faute d'une seule personne. J'hochai doucement la tête. "Dois-je te rappeler que tu as été envoyé pour me protéger, que j'ai déjà quitté Montréal à cause de ce procès, et que je venais tout juste de recommencer une nouvelle vie? J'aurais dû tout plaquer parce que le jour de ton départ, tu m'as proposé de t'accompagner à New-York?! Ton boulot, tu peux en faire un similaire ici, prendre le boulot comme excuse, c'est trop facile..." J'étais en colère, blessée, et je pouvais peut-être me montrer brutale mais c'était une manière pour moi de me défendre aussi.

"- Ouais ouais.. je vois.", avait-il répondu quand je lui avais expliqué que j'étais venue voir une amie, une amie récente. "- J'étais sérieux pour l'invitation. Ca ne te dirais pas qu'on aille prendre un verre en souvenir du bon vieux temps ?" Je posai des yeux tristes sur lui. Pour la première fois, ce n'était plus seulement de la colère qu'on pouvait lire dans mon regard mais de la peine. "Parce que ça a été le bon vieux temps pour toi...? T'as de bons souvenirs à te remémorer? J'entends par là, des souvenirs qui n'étaient pas de la comédie pour ta mission..." Parce qu'il ne fallait pas oublier qu'à la base, ils devaient faire semblant d'être fiancés et que la majorité du temps, ça avait été de la comédie. Malgré tout... J'avais de bons souvenirs. Des moments qu'on avait partagé et qui n'avaient pas été de la pure comédie. Pas de mon côté en tout cas.Il y en avait même plus d'un souvenir. Mais deux ans après son départ.. Je ne suis plus sûre de ce qui avait été réel ou joué. Si ça avait été réel, il m'aurait contactée en deux longues années, non? Il n'aurait pas attendu de tomber par pur hasard sur moi. Si? Non, je ne crois pas... Je ne savais plus quoi penser de nos soirées films, de nos fous rires, de nos échanges de regards qui pour moi avaient été des plus sincères... Je n'étais plus sûre de rien.

Je savais pas trop quoi penser de la situation. C'était à croire qu'on se rejetait mutuellement la faute l'un sur l'autre pour ne pas avoir à assumer sa propre responsabilité dans ce qu'il s'était passé. "- Le boulot n'était pas une excuse. Au cas où tu l'aurais oublié, j'ai tout plaqué moi pour te suivre ici et te protéger, ma vie elle était à New York avant ça et elle a toujours été là-bas et je ne vois pas pourquoi après ce procès je serais resté là. Ce n'est pas toi qui m'a demandé de rester avec toi mais moi qui t'ai demandé de me suivre. Ca ne t'a jamais effleuré l'esprit une seule seconde que tu aurais pu me demander de rester si tu tenais tellement à rester ici ?" Il avait tout plaqué pour me suivre?! Mais c'était son boulot, c'était du provisoire! Il savait qu'il allait retourner à New-York dés que je n'aurais plus eu besoin de sa protection! C'était trop facile de dire ça comme ça, de tourner ça de cette façon. "T'exagères. C'était que provisoirement que tu quittais New-York. Tu savais que tu y retournerais. T'as pas eu besoin de plaquer quoi que ce soit, t'as juste fait ton boulot." Je soupirai doucement en détournant les yeux. Si, j'avais pensé à lui demander de rester. Mais justement, je n'avais pas eu envie de lui imposer le choix entre celui de tout quitter pour moi sans savoir si on avait un avenir ensemble ou celui de prendre le risque de laisser passer sa chance. "- Qui te dit que j'aurais trouvé le boulot comme excuse ? mais c'est trop facile de me dire ça maintenant Analiya.." J'haussai les épaules et décidai de lui ouvrir un peu plus ce que j'avais ressentis. "Je t'ai pas demandé de rester parce que si tu l'avais fait, tu l'aurais peut-être regretté et je ne voulais pas être responsable de ça... Je ne voulais pas qu'un jour tu me dises que ta carrière aurait été différente à New-York et que tu me reproches ça..." Parce que soyons réalistes: il aurait pu me faire ce reproche, que notre relation aurait durée ou non. C'était du pareil au même. Alors oui, peut-être était-ce un peu égoïste aussi, mais c'était comme ça...

"- Oui, j'ai de bons souvenirs, comédie ou pas comédie j'ai d'excellents souvenirs avec toi !" Je reposai mes yeux sur le beau brun. Il semblait vraiment sincère. Se pouvait-il qu'elle ait fait une énorme erreur deux années auparavant en le laissant partir? Elle commençait à se remettre en question, même si elle lui en voulait quand même toujours de ne pas avoir prit de nouvelles. "- Mais apparemment c'est pas ton cas, c'est dommage. Donc si tu préfères on oublie cette invitation et on fait comme si on ne s'était jamais croisé. Bonne continuation à toi Analiya." Je secouai la tête légèrement. "Bien sûr que j'en ai des bons souvenirs... Beaucoup plus que je n'aurais pu l'imaginer au début de ta garde rapprochée..." Je soupirai doucement en détournant un instant les yeux. J'avais peur qu'en allant prendre un verre, trop de souvenirs remontent justement et me fassent plus de mal que de bien... Cependant, je finis par céder. "Ce soir, à 19h...? Pour un dîner...?" Après tout, ça n'allait pas me tuer d'aller dîner avec lui, pas vrai? Cela restait sûrement encore à prouver mais si il acceptait de me voir finalement, je le saurais bien assez tôt quels dégâts ces retrouvailles allaient provoquer. Aucun peut-être, après tout...

Je ne pensais pas qu'il allait me balancer ce qu'il me balança par la suite. Je n'avais pas imaginé ça du tout. J'avais soudainement l'impression d'être la grande responsable du fait qu'il avait dû quitter quelques temps sa vie. C'était pas moi qui avait choisis tout ça. Si j'avais pu, j'aurais jamais déménagé pour partir, j'aurais jamais demandé à avoir un agent du FBI pour me protéger H24. Je n'avais pas demandé à voir un meurtre commandité par la mafia et d'être le témoin clé de l'affaire pour les faire inculper. J'aurais toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête, alors non, si j'avais eu le choix je n'aurais pas demandé tout ça. "- T'es sérieuse là ? j'ai quand même abandonné tous  mes proches, mes habitudes pour ce boulot. Même si j'aime mon travail, c'était pas vraiment mon but de partir pendant des mois et d'être loin de tous mes amis, de ma famille et tout." Il me reprochait tout ça. Du moins, c'était l'impression qu'il donnait. "Oh waouh. Désolée de t'avoir privé quelques mois de ta vie. Désolée d'avoir mit ma vie en danger pour faire ce qui était juste. Tu crois que j'ai voulu tout ça? Si j'avais eu le choix, je n'aurais jamais eu besoin d'un agent pour me protéger et t'aurais pu rester à ta gentille petite vie à New-York! Comme ça, tout le monde aurait été content. Sauf qu'on a pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Toi, tu savais que c'était provisoire, que tu allais rentrer. Moi, personne ne me disait que le lendemain je serais encore là. J'avais le droit à aucun contact avec ma famille, mes amis. Je sais pas lequel de nous deux était le plus à plaindre dans l'histoire... Celle qui risquait de se faire assassiner si on la retrouvait, d'apprendre que sa famille ou ses amis ont été assassinés et qui vivra toujours avec une peur qu'on la retrouve, ou celui qui avait une arme pour se protéger, qui était entraîné pour survivre et qui savait qu'il allait rentrer dés que le procès aurait eu lieu?" Je m'étais peut-être laissée emporter... Mais s'était-il mit à ma place une seule seconde? Oui, il avait dû quitter sa vie mais il savait que ça ne durerait pas indéfiniment... Moi, je n'avais aucune certitude... C'était bien la différence entre mon abandon et le sien...

"- Je ne t'aurais jamais rien reproché, si tu me l'avais demandé.." Je souris doucement en posant mes yeux noisettes sur lui. C'était ce qu'il disait. Mais ils avaient tous dit ça au début, promit qu'il ne rendrait leur amour responsable de quoi que ce soit, pour finalement faire les reproches lors de disputes, reproches qu'ils avaient pourtant promis de ne pas faire. Parce que c'est comme ça que marche l'être humain. Il promet des choses, il est sincère. Mais dés que la roue tourne, dés que les choses changent, les promesses deviennent comme du vent... "C'est ce que tu dis maintenant... Sauf qu'on sait tout les deux comment ça se passe parmi les humains... On dit qu'on ne fera jamais ci ou ça et au moindre coup dur, ce qu'on a dit on l'oublie et on le fait quand même... C'est comme ça Ryan..." Je détournai les yeux. Bien sûr que si j'avais été sûre que jamais il ne regretterait d'être resté, j'aurais réfléchis autrement et je lui aurais sûrement demandé de ne pas me quitter. Mais je ne voulais pas être un frein à sa carrière et me sentir ensuite coupable si les choses ne se passaient pas comme il l'avait voulu avant de me rencontrer, professionnellement parlant.

J'acceptai finalement de venir dîner avec lui. Je ne savais pas trop pourquoi. Peut-être m'avait-il convaincu, en me disant qu'il avait quand même de bons souvenirs de nos moments partagés. "- Ouais, ici dans le hall ? parait qu'ils ont un excellent restaurant. A moins que tu veuilles aller manger dans un truc plus... moins.. enfin tu vois quoi." Je souris doucement en haussant les épaules. L'endroit du dîner m'importait peu, pour être tout à fait honnête. Ce qui était le plus important pour moi, c'était surtout que ce soit avec lui que je passe ma soirée. "Ici ce sera parfait... Je te retrouve dans le restaurant ou ici même..?" C'était juste pour éviter de s'attendre inutilement si on se donnait directement rendez-vous dans le restaurant, histoire qu'il n'y ait aucun malentendu possible. Les retrouvailles étaient déjà assez mouvementées, autant ne pas rajouter une couche avec des malentendus inutiles. Ce serait dommage.

Peut-être que je ne me mettais pas assez à sa place après tout. Peut-être que j'aurais pu faire plus d'efforts pour essayer de comprendre que ça n'avait pas forcément été simple pour lui non plus. Mais c'était trop tard. Et puis, la question n'était même plus là après tout. Le fait était que je n'avais pas voulu le suivre et que je n'avais pas eu le courage de lui demander de rester. Nos relations auraient dû rester professionnelles mais ça n'avait pas été le cas. Je m'en serais voulue de le retirer à sa vie, à sa carrière qui aurait sûrement été différente ici... Alors oui, peut-être bien que j'avais préféré le détester pour être partis plutôt que de me détester moi pour avoir été une lâche, d'une certaine façon... "- Mais je sais bien tout ça Ana, tout ça ne m'a pas dérangé, c'était mon job de toute façon. Mais ne vient pas dire que j'ai fait que mon boulot." A mon tour, je n'haussai que les épaules en guise de réponse. A quoi bon revenir la dessus de toute façon? Ce qui avait été fait avait été fait et ça remontait déjà à plus de deux ans alors... Pourrions-nous vraiment changer quelque chose à tout ça? En parler changerait-il quelque chose? Peut-être que oui, peut-être que non. Mais de toute façon, il avait sûrement refait sa vie alors... Je lui demandai alors où est-ce-qu'il voulait qu'on se retrouve pour le dîner du soir. "- Dans le restaurant. Je vais nous réserver une table à mon nom, comme ça si jamais tu arrives avant moi tu pourras attendre patiemment mon arrivée." J'hochai la tête en guise d'approbation. "- Alors à tout à l'heure Analiya." Je répondis avec un léger sourire. "A tout à l'heure..." Puis je le regardai remonter dans sa chambre avant de moi-même finalement quitter l'hôtel. J'avais besoin de me retrouver seule un moment, mon amie pouvait attendre. C'était pour moi de toute façon, que je voulais la voir alors ce n'était pas grave si je n'y allais pas, surtout qu'elle n'était même pas au courant que je voulais passer. Je voulais de la solitude pour me retrouver seule avec moi-même, pour réfléchir un peu à tout ça.

Quelques heures plus tard...

L'heure du dîner était arrivée. J'étais un peu nerveuse. J'avais peur que ça se passe mal, que quelque chose cloche vraiment. Je ne savais pas trop dans quoi je m'embarquais et l'inconnu aussi me faisait peur. J'arrivai à l'hôtel, dans le hall et j'hésitai. J'étais prête à faire demi-tour avant de souffler un peu pour me ressaisir. Ce n'était pas le premier dîner qu'on allait partager après tout. Pas de quoi en faire tout un plat. Puis, c'était pas comme si c'était un rencard. C'était juste pour parler de nos bons vieux souvenirs, pas vrai...? Je pris mon courage à deux mains et j'entrai dans le restaurant. Je demandai la table de monsieur Fisher et on m'y guida. "Bonsoir Ryan..." Bien sûr qu'il était déjà là, ça m'aurait étonnée autrement. Il était assez ponctuel. Je portais une petite robe noire, toute simple, mes cheveux étaient bouclés et détachés en cascade sur mes épaules, alors que mes pieds étaient ornés d'escarpins noirs. Je m'installai en face de lui et on nous donna nos menus. Je remerciai la serveuse et posai mes yeux sur Ryan. "Je n'étais jamais venue dans la partie restaurant de l'hôtel, c'est vrai que c'est joli..." La décoration était chic sans non plus en faire tout un foin. Il y avait juste le bon degré de sophistication. J'ouvris le menu pour jeter un oeil aux plats qu'ils proposaient.

Parfois, la vie nous réserve de drôles de surprises. Revoir Ryan dans cet hôtel, par le plus grand des hasard, en était bien la preuve. Etait-ce une bonne ou une mauvaise surprise? Je l'ignorais. J'aurais d'abord répondu une mauvaise vu ce que je ressentais et vu la tournure des événements mais... Peut-être que je me trompais. Peut-être bien que tout ça pouvait tourner vers une bonne surprise. Allez savoir. Une fois dans ce hall d'hôtel pour le rendez-vous, je dus faire les cent pas parce que je n'étais plus si sûre qu'avoir accepté cette invitation fut la meilleure des idées. Finalement, je pris mon courage à deux mains pour entrer dans le restaurant et rejoindre Ryan à la table. "- Bonsoir Analiya." Je souris doucement en m'installant en face de lui et je commentai le décor du restaurant que je trouvais charmant. "- Effectivement, mais ce n'est pas vraiment le cadre qui m'intéresse. De toute façon je n'ai pas choisi cet hôtel l'agence me l'a imposé, c'est ici que descendent tous les agents qui séjournent dans le coin d'après ce que j'ai compris." J'hochai doucement la tête. J'imaginais bien qu'effectivement, c'était leur patron qui choisissait les hôtels, etc... "- Enfin... quoi qu'il en soit la cuisine est un peu plus sophistiquer que ce qu'on avait l'habitude de manger tous les deux." Je ris légèrement. Je me souvenais très bien que nous ne mangions pas très sainement, par fautes de moyens et parce qu'on ne voyait pas trop l'intérêt d'aller dans des restaurants chics alors que nous ne devions avoir qu'une relation professionnelle. Puis, ce n'était pas forcément notre truc, j'imagine... "Le cadre et la nourriture a sa petite importance mais au fond, le plus important, c'est avec qui on passe la soirée... Puis, les pizzas et les cheeseburgers n'étaient pas si mauvais." Je ris à nouveau un peu avant de reposer mes yeux sur le menu. Je devais avouer ne pas savoir quoi choisir alors j'optai pour une petite salade et des pâtes carbonnara quand la serveuse prit notre commande. "Alors... Tu as fait quoi pendant ces deux dernières années...? A part travailler, je veux dire...", demandai-je une fois que la serveuse avait prit nos commandes et était repartie. Autant commencer par là, pas vrai? Il allait falloir qu'on discute un peu et ça, j'espérais que ce ne serait pas un sujet de dispute et comme il fallait bien commencer quelque part...

Je me souvenais comme si c'était hier de certains de nos repas. On s'amusait bien certains soirs. Devant un bon film, ou dans la rue après s'être arrêté pour prendre un hot dog au camion au coin de la rue. On parlait de tout et de rien, riant pour parfois pas grand chose, il fallait bien l'avouer. Je me rendais compte aujourd'hui que ça avait quand même été de sacrés bons moment mine de rien. Vraiment très bons... Bien meilleurs que ce qu'ils auraient dû être, sans doute. Mais je ne les regrettais pas. Au contraire. Il avait réussit à rendre mon exil moins douloureux, chose que je ne pensais pas possible au début. Je souris en me rappelant de tout ça. Je m'étais perdue dans mes pensées durant quelques secondes mais j'en sortis rapidement en entendant Ryan reprendre la parole pour confirmer que nos repas étaient bons. "- Non, effectivement, ils étaient même très bons." Nous étions au moins d'accords sur ça, ce qui n'était pas si mal comme début, du moins à mon avis. On passa commande puis je tentai d'entamer la conversation en lui demandant ce qu'il avait fait durant ces deux dernières années. "- J'ai travaillé." Bien sûr, j'attendais autre chose comme réponse puisque je me doutais bien qu'il avait pas mal travaillé. Heureusement qu'il enchaîna.

"- Non, j'ai travaillé c'est vrai, mais je n'ai pas fait que ça. J'ai travaillé, j'ai pensé à toi souvent me demandant ce que tu devenais et puis j'ai fait des rencontres, j'ai travaillé pris quelques jours de vacances dans ma famille et puis voilà. Rien de bien transcendant. Et toi ? j'ai bien l'impression que ta vie a pris une belle tournure." Je posai mes avant-bras sur la table, jouant nerveusement avec une de mes bagues. Je faisais souvent ça quand j'étais anxieuse ou pas à l'aise, gênée. Ryan devait le savoir mais je ne fis pas le rapprochement à cet instant précis, sinon j'aurais sûrement essayé d'éviter de le faire, histoire de tenter de lui cacher ma nervosité. Pas une mince affaire, croyez-moi. "J'ai parlé de mon histoire à un éditeur et il a été emballé, à condition que ce soit moi qui l'écrive. Sauf que... Je suis pas auteure à la base alors, j'ai eu du mal. C'est pour ça que j'étais là. Une de mes amies est journaliste et elle m'a aidé avec le syndrome de la page blanche du coup... comme j'ai terminé le roman, je voulais qu'elle le lise pour avoir son avis de professionnelle..." Je souris timidement. Bien sûr que je le mentionnais dans l'histoire. C'était une autobiographie mais détournée. Je ne disais pas que c'était mon histoire, les prénoms avaient tous été changés et des événements avaient été rajoutés pour donner du suspense et pour remplir le roman. C'était donc plutôt inspiré de ma vie que ma vie pure et dure. "Des rencontres...? De nouveaux amis? Ou des rencontres professionnelles?" Ou amoureuses... Je n'espérais pas que ce soit amoureux, je crois que ça me foutrait un coup. Et pourtant, en deux ans, qu'y aurait-il d'étonnant à ça? Il était beau gosse, il était attentionné, bien qu'il pouvait aussi avoir un sale caractère. Mais il avait de fortes chances de plaire alors non, ça ne m'étonnerait pas qu'il ait trouvé quelqu'un, même si ça me foutrait un coup c'était certain.

Je n'étais pas des plus à l'aise, je devais l'avouer. Plein de choses se mélangeaient en moi et j'avais l'impression de ne pas réussir à faire un tri, à mettre les choses à leur place, en ordre. Est-ce-que j'étais en colère contre lui? Blessée? Heureuse de le revoir? Heureuse de le savoir en vie? Est-ce-que je ressentais toujours des sentiments forts pour lui? Tout à la fois pour être honnête et du coup, autant dire que c'était Bagdad dans ma tête. Je tentais de chasser les mauvaises pensées de mon esprit pour déjà essayer de me concentrer sur le moment présent et rien d'autre. La serveuse s'occupait du vin pour faire goûter Ryan. J'acceptai qu'elle me serve également un verre, les repas ne devant pas mettre trois heures à arriver. Je la remerciai quand elle partit. "- Oh et bien félicitation Ana. Je suis content que tu ais réussi quelque chose qui te tenait à coeur." Je souris doucement en haussant les épaules. "Ce n'est pas encore réussis. J'ai peut-être réussis à le terminer mais il n'est pas encore publié... L'avenir nous le dira." Je voulus savoir quel genre de rencontres il avait eu l'occasion de faire. J'ignorais si je voulais vraiment savoir. Je crois que ça me ferait un peu de peine si il était casé et en même temps, je serais contente pour lui. Deux ans étaient passées, je ne pouvais pas m'attendre à ce qu'il soit resté célibataire. Ce serait égoïste. Je n'étais même pas sensée le revoir puisque nous nous étions retrouvés par le pur fruit du hasard finalement. "- Un peu de tout. Des rencontres amicales, professionnelles et personnelles aussi. Mais j'ai jamais vraiment réussit à m'impliquer dans des histoires de ce genre..." J'hochai doucement la tête. Je ne pouvais pas m'empêcher d'éprouver une petite forme de soulagement. C'était sûrement à cause de son travail qu'il avait eu du mal à s'impliquer, ça n'avait rien à voir avec moi. Cela m'étonnerait fortement en tout les cas. "Vu ton travail, c'est un peu normal que t'ais du mal à t'investir, c'est pas évident d'allier ton boulot qui est quand même très prenant avec une relation amoureuse... Qui demande aussi du temps..." Je ne disais que la vérité. Il me retourna la question mais il fut plus précis que moi je ne l'avais été. "- Et toi, des rencontres aussi ? un petit ami, un fiancé ?" Je secouai légèrement la tête. "Des rencontres oui. Amicales. Mais non, je suis célibataire. Des relations mais rien de bien sérieux." Je n'allais pas mentir. Je n'avais aucun intérêt à lui raconter des conneries de toute façon. Je pris mon verre de vin et le levai pour porter un toast. "On trinque à quoi?" Je souris doucement. Je voulais bien trinquer mais le fait était que j'ignorais un peu à quoi on pourrait lever notre verre. Tu es très logique Analiya, vraiment.

Je trouvais ça bizarre de parler de mon bouquin avec Ryan, sachant que j'avais un peu écrit sur lui, même si j'avais beaucoup modifié le personnage pour rendre le livre différent et surtout... L'histoire se finissait bien dedans, contrairement à la vraie vie. On m'avait bien fait comprendre que je devais écrire sur mon histoire mais rajouter des évènements pour remplir l'histoire, pour qu'il y ait plus de matières, et on m'avait clairement dit qu'il fallait que ça fasse rêver... Une histoire d'amour entre une victime et son agent du FBI, ça devait bien se finir pour eux... Mais la vraie vie était nettement différente puisqu'avec Ryan, nous n'étions pas dans une relation amoureuse. Cela aurait pu mais ça n'était pas le cas finalement. La vie est ainsi faite. "- Si on t'as demandé de l'écrire et forcément qu'il comptait l'éditer. Je n'ai pas de doutes là dessus." Sans doute a-t-il raison. Mais je craignais qu'ils ne modifient trop mon récit. Je n'avais pas la prétention de dire que j'étais une auteure expérimentée mais si déjà je publiais mon oeuvre, mon histoire, je voulais que ce soit écrit comme moi je l'entendais et pas pour plaire à droite et à gauche. J'avais un peu peur que le texte ne plaise pas et qu'ils modifient trop de choses au point que ce ne soit plus mon histoire. Et pour ça, je ne serais pas d'accord. C'était ma vie qui était posée sur papier et je faisais déjà des "sacrifices" en donnant une fin comme ils le voulaient et en rajoutant des choses qui ne s'étaient pas produites. Il ne faudrait pas trop m'en demander non plus. "Oui, sans doute. Mais si ils modifient trop mon manuscrit, ce sera jamais publié. Je refuse qu'ils le réécrivent pour faire le buzz alors que ça parle d'une histoire vraie. J'ai déjà fait bien assez de changements comme ça..." Et c'était surtout la fin d'ailleurs, qui me dérangeait. Rajouter des événements en soi n'était pas très grave mais j'avoue qu'avoir dû mettre une fin super heureuse alors que je n'y avais pas eu droit avait été très dur pour moi. Imaginer ce qu'aurait pu être ma fin et la coucher sur papier n'était pas évident puisque je savais pertinemment que ça ne m'était pas arrivé. Ce serait sans doute simple avec des personnages et une histoire inventés de toutes pièces, mais quand les personnages sont en fait réels, c'est beaucoup plus compliqué d'imaginer une chose ne s'étant pas produite... "M'enfin, je vais pas t'embêter avec ces histoires d'édition..." Il n'avait sûrement pas envie d'entendre la partie requins de l'affaire. Parce que soyons honnêtes, un éditeur est un requin et regarde combien d'argent il peut se faire sur une histoire.

"- C'est juste que mon coeur était à des kilomètres de moi à un moment donné.", me dit-il concernant ses relations amoureuses. J'avais expliqué son manque de relations amoureuses du fait de son travail qui, il fallait bien l'avouer, était extrêmement prenant. Mais lui, il avait justifié ça par le fait que son coeur était à des kilomètres de lui durant un moment. Je n'étais pas sûre de la façon dont je devais interpréter ça. Voulait-il dire par là qu'il pensait encore à moi de façon plus qu'à une simple personne à protéger de part son travail? Je n'étais pas sûre. Je préférais donc lui demander, ce serait plus simple plutôt que de me faire des idées inutilement. "Tu veux dire quoi par là?" J'avais moi aussi pensé à lui longuement, me demandant si j'avais fait la bonne chose en le laissant partir de cette façon. Puis avec le temps, je m'étais convaincue que j'avais prit la bonne décision et qu'il devait sûrement être plus heureux comme ça plutôt qu'avec moi, que ce soit ici à Toronto même ou à New-York en imaginant que je l'aurais suivis. Je n'avais jamais été douée pour trouver à quoi trinquer alors j'avais choisis l'option de le laisser trouver lui-même. C'était sûrement la facilité que j'avais choisie mais qu'importait. "- A cette soirée, nos retrouvailles ?" Je souris en hochant la tête. Je n'étais pas sûre que nos retrouvailles vaillent vraiment la peine qu'on trinque pour elles mais franchement, pourquoi pas? "A nos retrouvailles..." Je fis tinter mon verre légèrement contre le sien avant de boire une gorgée de vin en fuyant un peu son regard malgré moi.

Je n'étais pas sûre que Ryan apprécie la façon dont je l'avais décrit. Je devais avouer que si jamais le livre venait à sortir, que si il le lisait, j'aurais un peu peur de sa réaction. Je l'avais décrit comme il avait été, mais j'avais parlé de moments qui avaient l'air sans importance mais qui moi m'avait marquée. Il y avait eu cette bataille d'eau au parc. C'était la seule et unique que nous avions faite mais à ce moment-là, je m'étais sentie libre. Libre de ne plus penser que ma vie était en danger. Libre de me sentir moi-même avec Ryan. Libre de m'autoriser à imaginer des choses. J'avais ris. Je m'étais sentie bien. Vivante. Pendant cette simple et stupide bataille d'eau, je m'étais sentie heureuse. C'était sûrement idiot mais j'avais retenu beaucoup de ce genre de moments avec Ryan. J'avais peur qu'il trouve ça anodin et sans aucune importance, qu'il ne s'en souvienne plus, qu'il s'en fiche ou même qu'il ignore ce que ce genre de moments avait pu représenter pour moi. J'avais peur qu'il considère la protection, l'affaire en elle-même, nettement plus importante et intéressante que des moments simples comme celui-ci. Mais pour moi, ils avaient autant leur importance pour moi - et pour le récit - que le reste de l'affaire, le procès etc... Finalement, on changea de sujet et je préférais ça. Je me sentirais sûrement plus à l'aise de parler d'autre chose que de mon livre.

J'avais tort. "- J'ai mis du temps à me revenir à ma vie d'avant, une partie de moi était encore ici avec toi." Je pensais qu'avec un autre sujet, je me sentirais plus à l'aise mais ce n'était pas le cas. Je souris doucement. Je ne savais pas trop comment interpréter ça. Mais en réfléchissant, je me dis que c'était simplement dû au fait qu'il avait dû reprendre sa vie normale et que ce n'était pas évident puisqu'il avait dû quitter son personnage de fiancé... "Je comprends..." Rien à voir avec de réels sentiments, pensais-je. On trinqua puis on nous apporta les plats. Je remerciai le serveur et répondis à Ryan. "Merci pareillement." Je commençai à manger en silence, regardant mon assiette. "Mon plat est délicieux. Et le tien?" J'étais un peu perdue, je ne savais pas comment lui parler, ni de quoi d'ailleurs. Je finis par lever les yeux vers lui. Je bus une gorgée de mon verre de vin avant d'enfin lui poser une nouvelle question, tentant d'amorcer la suite de la conversation. "Je sais que tu ne peux pas me parler de ton affaire mais... Tu es ici pour combien de temps...?" Peut-être ignorait-il encore le temps qu'il allait passer en ville. Souvent, il n'y avait pas de temps exact. En fait, dans la majorité des cas. Cette question avait cependant été la première qui avait traversé mon esprit.