Aymeric était à la maison. Il gardait Rose. Quant à moi, j’avais décidé de sortir, d’aller voir Rosalie. Histoire de me détendre un peu. Certes, cela commençait à redevenir habituel. Nous sortions plus ou moins une fois par semaine, mais j’en avais besoin. C’était une bulle d’oxygène, un endroit et un moment où je pouvais être moi – même sans être obligée de me contrôler tout le temps. Aymeric n’était pas au courant de mes addictions même s’il n’allait pas tarder à le découvrir. Au moins, j’avais encore un peu de temps pour en profiter avant d’être raisonnée et surveillée. A juste titre, bien entendu. En fait, c’est de cela dont j’avais besoin. Mes parents n’étant plus là, je n’avais plus de limite. Personne pour les réguler en tous les cas. Quoi qu’il en soit, j’étais là, assise au bar et Rosalie derrière. J’enfilais un rhum de plus histoire de me donner un peu de contenance avant de me rendre sur la piste de danse. Je m’apprêtais donc à m’y rendre et me tournais donc de mon tabouret lorsque je vis mon mari entrer dans le bar, notre bébé dans les bras. Et zut ! C’est tout ce qu’il me passait par la tête. J’allais être grillée. Heureusement, je n’étais pas là depuis longtemps et n’avais qu’un ou deux verres dans le sang. Deux choix s’offraient à moi : faire comme si je ne l’avais pas vu et en profiter pour prendre la fuite ou aller à sa rencontre tout simplement. La première me tentait vraiment bien. Me cacher derrière le bar serait chose facile ! Mais il me fallait choisir la deuxième et être un petit peu raisonnable. Rose était là. Elle ne pouvait décemment pas voir sa maman dans un état de débauche énorme. Je jetais alors un œil à Rosalie qui observait la scène d’où elle se trouvait. Je savais que je pouvais compter sur elle au moindre soucis. « Tiens, Aymeric. Que fais-tu là ? ». Je souris, tout simplement. J’espérais tellement que cela passe, qu’il ne me fasse pas un esclandre ici. Ce n’était pas le moment. Puis, c’était mon endroit, mon havre de paix !

Bon, il semblait encore bien gérer sa colère au premier abord. Enfin, s’il était en colère. Je ne savais pas vraiment d’ailleurs. Quant à moi, j’étais loin d’être saoule. J’étais arrivée il n’y a pas si longtemps. J’avais juste eu le temps de me changer dans la voiture et d’opter pour une tenue un peu plus sexy. J’avais plutôt un beau corps alors, autant le montrer, non ? Une petite robe noire moulante et assez courte ainsi que de hauts talons allaient faire l’affaire. J’étais beaucoup moins aguicheuse qu’en temps normal. D’ailleurs, je m’en félicitais. Est – ce que je commençais à m’assagir ? Tant mieux pour Aymeric, c’est certain ! Je sortais déjà nettement moins qu’avant. Avant quoi allez – vous me rétorquer. Avant … Et bien, je ne sais pas. Avant de découvrir que j’étais enceinte peut – être ? Rosalie était partie un petit temps aussi. Et cela avait énormément influencé mes sorties. Sans elle, rien n’était pareil. Alors, j’avais préféré rester à la maison. Aymeric devait se douter que, finalement, elle avait une mauvaise influence sur moi. « Oh, j’ai bu un verre. Il n’est même pas fini. ». Il devait se calmer de suite ! La soirée venait de commencer. « Ce n’est pas ce qu’elle va retenir de moi. Je ne suis pas ici en tous temps. Rose, je m’en occupe. Et Dieu sait combien de temps nous passons toutes les deux ! ». Sa convalescence avait été dure à vivre pour moi. Je m’étais mise entre parenthèses, j’avais été obligée de prendre mes responsabilités. Chose que je n’avais jamais vraiment faite. Je m’étais levée pour elle plusieurs fois sur la nuit, j’avais aménagé sa chambre. Je m’étais occupée des lessives, du ménage, … Ne croyez pas, c’est un exploit pour moi. Je ne supportais pas réaliser tout cela mais je n’avais pas eu le choix. La maison devait tourner et Rose était bien vivante et en bonne santé ! « Pourquoi tu l’as emmenée ? Pourquoi tu es venu ? Ce n’est pas une place pour elle, loin de là. Il est temps qu’elle dorme. ». Je m’énervais un peu à vrai dire. Voir Rose ici me mettait hors de moi. Je ne comprenais pas. « Ce n’est pas où je veux absolument rester, non. C’est ici que j’aime boire un verre avec les copains. C’est tout. Je peux bien sortir de temps en temps, non ? »

Le fait qu’Aymeric commençait à retrouver la mémoire était une bonne chose. Mais cela avait été difficile. Il avait eu du mal à accepter la situation. Le fait de découvrir qu’il était père et marié en même temps avait été de trop pour lui. Un choc, c’est bien le mot. N’étant pas psychiatre ni même psychologue, je n’avais pas vraiment su gérer la situation. Moi, mon truc, c’était les enfants. D’ailleurs, mon boulot me manquait beaucoup. J’avais diminué mon temps de travail. Rose me prenait du temps et je n’avais pas envie qu’elle soit tout le temps à la crèche. Je n’avais pas eu un enfant pour me déléguer de mon rôle. Mes débuts en tant que maman avaient été compliqués. Doucement, j’avais trouvé ma place. Aymeric ayant perdu la mémoire, je n’avais pas eu d’autre choix que de m’adapter. Et, franchement, pour cela je devais le remercier. Être face à mes responsabilités sans avoir le choix m’avait fait un électrochoc quant à ma relation avec ma fille.
Il existe d’autres manières ? Il est marrant, lui ! Il veut quoi ? Que j’aille faire un petit bowling tout simplement peut – être ? Oh, je n’ai pas encore 35 ans. Qu’on me laisse vivre et profiter un peu, non mais ! « Un mauvais pressentiment sur ? ». Je ne comprenais pas. « Oh non, certainement pas. Mais tu pouvais très bien la déposer chez ta sœur, non ? Et simplement venir me rejoindre pour que l’on passe la soirée tous les deux. ». A la place, il jouait dans le mélo – dramatique en emmenant notre fille dans ce genre d’endroit. Même moi, je ne l’avais jamais fait. Je savais que ce n’était pas un endroit pour les enfants et encore moins pour les bébés. Elle ne devait pas voir cela. M’enfin, il était psychiatre, non ? Il devait savoir quelle influence cela pouvait avoir sur elle plus tard, non ? En tant que pédiatre, je connaissais le genre d’effets que de telles scènes pouvait avoir sur le psychique de l’enfant. « Donc, tu t’es dis, autant aller voir sa mère ? M’enfin. Un tour en poussette aurait suffit à la calmer. ». Je la connaissais par cœur. Lorsqu’elle avait des crises de larmes, je lui chantais toujours la même chanson. Un tour en poussette jusqu’au parc l’apaisait beaucoup aussi. « Fréquent ? Une fois par semaine ? Je ne sors pas tous les jours non plus, si ? ». Il avait vraiment perdu la mémoire. Là, je m’en rendais encore plus compte. Il ne s’apercevait pas des changements que j’avais effectué. Bon, je revenais bien souvent complètement saoule et un peu droguée à la maison. Mais ce n’était plus qu’une fois par semaine. Le reste du temps, je me contrôlais plutôt bien. De toute façon, je n’avais pas le choix. « Et qu’elle voie ses parents se disputer, c’est une bonne idée, tu penses ? »

Une impression de déjà-vu, elle me faisait bien rire celle – là ! Quelle bonne blague. Il m’avait certes ramassé des centaines de fois dans un état pas possible mais qu’il s’en souvienne ? Ca ne pouvait être possible. Je ne voulais pas m’y résigner. J’aimais assez bien le fait qu’il ait oublié tout cela. Pouvoir recommencer à mener ma vie comme je le voulais, le rêve ! « Si ce n’est qu’une impression… ». Je préférais laisser planer le doute. C’était tellement plus simple comme cela. Et puis, cela me laisserait peut – être encore un peu de répit, non ? Il parlait alors de Rose et de sa venue ici. Je préférais ne pas continuer la discussion là – dessus. Du moins, pas maintenant. Ce n’était ni l’endroit ni le moment. Si ? « Et que cela vienne de toi ? Tu ne pouvais pas t’imaginer que j’en avais envie ? ». Aymeric était un peu moins entreprenant vis – à – vis de moi. Pourquoi ? Je n’en avais aucune idée. Mais je voulais qu’il fasse le premier pas à son tour. Je m’énervais et montais dans les tours. Cependant, l’endroit et la présence de Rose faisaient que j’arrivais à me canaliser. Du moins, en apparence. Parce que je peux vous dire que je bouillonnais à l’intérieur. « Oui, c’est une bonne idée. A la maison ? Que Rose puisse dormir et ne pas nous entendre se disputer peut – être ? ». Je lui lançais un regard noir histoire qu’il se rende compte de la situation dans laquelle il nous avait mise. Parce que, pour le coup, ce n’était pas de ma faute ! Cela faisait plusieurs semaines que je sortais une fois de temps en temps. Et c’était la première où il venait me chercher. Allez savoir pourquoi.
Pensé qu’elle avait besoin de sa maman. Mais je suis tout le temps là ! Ellen dormait quand je suis partie. Il peut bien s’en occuper cette soirée, non ? « Elle ne peut pas nous voir constamment nous disputer. Ce n’est pas possible ni bon pour elle. Il va nous falloir trouver une astuce pour avoir ce genre de discussion sans sa présence. Elle n’a pas à subir nos différentes humeurs. ». J’avoue que je ne le comprenais pas vraiment. Il ne semblait pas se souvenir de cette partie de son cours, celle concernant la petite enfance. Ou était – ce moi qui avait été trop pointilleuse sur ce point ? En même temps, les enfants étaient mon domaine. Je me sentais bien en leur présence, vraiment bien ! « Déjà, je ne suis pas saoule une fois par semaine ! ». Juste un peu, voyons ! Mais je me disais qu’il ne devait pas le voir vu qu’il dormait à mon retour. Et heureusement pour moi ! « Je ne suis pas une addict. Je me gère très bien. Il me semble que l’on est accro lorsque cela arrive tous les jours, qu’on ne peut se passer de son verre tous les jours, non ? Et bien, ce n’est pas mon cas ! ». Pourquoi j’insistais ? Parce que j’en étais une ancienne. Sauf que je n’étais pas censée reboire. Mais je savais me gérer seule. J’osais espérer savoir le faire en tous cas.